Lundi 23 mai à Hellemmes:
Rencontre-Témoignage avec Nasser Dawabsheh
« Violence des colons: le bras armé de l’expansion des
colonies en Cisjordanie»
Organisée par AFPS Nord-Pas de Calais
Médecins du Monde
Première Urgence Internationale
Communauté Palestinienne du Nord
avec la participation de Michelle Demessine >>
par AFPS 59/62
Participants :
- Nasser DAWABSHEH, l'oncle d'Ali DAWABSHEH
- Daoud ABOUCOUTHEILEH, travailleur social de Médecins du Monde à
Naplouse
- Mahmoud ISLIM, coordinateur de terrain de Médecins du Monde à
Naplouse
- Anne-Sophie SIMPERE, coordinatrice du plaidoyer pour Médecins
du Monde en Palestine
- Patricia GRILLO, chargée de plaidoyer de Première Urgence
Internationale dans le Territoire palestinien occupé
- Mohammad SALEM, responsable de la Communauté Palestinienne du
Nord et de PalMed-Europe
- Michelle DEMESSINE, Vice-présidente du groupe d'Amitié
Franco-Palestinienne au Sénat
- Jean-François LAROSIERE, président de l’Association France
Palestine Solidarité Nord-Pas de Calais
Michelle Demessine commence par souhaiter la
bienvenue à la délégation arrivée de Palestine pour témoigner de la
violence des colons israéliens, violence multipliée par quatre depuis 2006.
Ce groupe sera reçu à Paris par le Sénat et l’Assemblée Nationale ainsi
qu’à Bruxelles.
Jean-François Larosière, pour l’AFPS 59/62,
déclare que nous sommes rassemblés en faveur du peuple palestinien par la
nécessité de récolter des nouvelles de Naplouse et sa région grâce à cette
rencontre-témoignage avec des Naplousi eux-mêmes pour trouver une réponse à
leur situation actuelle.
Nasser Dawabsheh prend la parole en premier et
après nous avoir remerciés, il évoque le drame vécu par la famille de son
frère Saad à Douma, leur village, proche de Naplouse, le 31 juillet 2015.
Après avoir veillé ensemble, Saad, sa femme Riham et leurs 2 enfants, Ali
18 mois et Ahmad 5 ans sont rentrés chez eux vers 1h du matin. Une
demi-heure plus tard, leur maison était en feu : des colons avaient
jeté des bombes incendiaires dans leur chambre. Tandis que Saad s’occupait
d’Ahmad, Riham affolée a emporté la couverture d’Ali sans s’apercevoir que
son fils n’y était pas… Ali en est mort ainsi que ses deux parents quelques
jours après. Seul Ahmad a survécu, mais brulé à 65% il aura besoin de 10
ans de traitement. 130 personnes peuvent témoigner de ce qu’il s’est passé.
Nasser réclame sécurité et protection pour la
population palestinienne désarmée exposée aux colons israéliens armés,
menaçants, racistes, dangereux. Il réclame l’arrêt de la colonisation
entreprise par Israël dans les Territoires palestiniens car c’est cette
colonisation qui est responsable de cette violence. Il se considère comme
l’ambassadeur de la douleur du peuple palestinien et non pas comme
l’ennemi de qui que ce soit. Il n’est pas contre les juifs en tant que
tels, mais comme toutes les victimes dans le monde entier, il condamne tous
les actes terroristes et accuse les agresseurs car ses valeurs sont celles
de l’humanité toute entière.
Michelle Demessine assure à Nasser notre
solidarité et notre détermination à réagir, là où nous sommes, pour que
cesse cette barbarie et que le peuple palestinien puisse vivre en paix.
Daoud Aboucoutheileh a un rôle de psychologue
dans la structure de Médecins du Monde à Naplouse : il s’occupe des
victimes des colons (traitement de première urgence et soutien
psychologique) et des destructions de maisons. Il nous expose les effets
des crimes et des agressions des colons israéliens sur la population
palestinienne : nervosité, angoisse, inquiétude. Il s’ensuit des
déséquilibres dans les familles : on veille la nuit, on interdit aux
enfants de sortir, les pères sont plus nerveux, la tension monte dans la
famille, les enfants sont tendus en s’attendant à de nouveaux événements,
il se disputent et les ados
dissimulent leur angoisse… ce climat se répand en dehors du cadre
familial dans toute la société. Par exemple dans le village de
Jalloud, une femme qui habite près d’une colonie, imagine constamment que
les colons la guettent derrière sa
fenêtre…
Pour alimenter ce climat d’occupation
menaçante, les colons israéliens investissent les villages palestiniens et
s’y pavanent avec leurs armes. Ils ont un rôle dans la confiscation des
terres des paysans palestiniens. Daoud parle du village de Qusra où les
colons tourmentent les villageois dans leurs champs d’oliviers. Mais les
paysans restent solidaires et font face.
Quand l’armée israélienne alertée intervient,
c’est toujours pour prendre le parti de colons et les
« protéger » en tirant des balles réelles et des bombes
lacrymogènes sur les villageois…Telle est la situation en Cisjordanie
et Médecins du Monde intervient pour
aider et soutenir les gens.
Anne-Sophie Simpère nous explique que Médecins
du Monde est présent en Palestine depuis 1996 en ce qui concerne la
violence des colons et les démolitions produites par les Israéliens (depuis
le 1er janvier 2016, 600 structures palestiniennes ont été démolies par les
Israéliens, ce qui a déplacé 900 personnes).
La violence des colons qui est permanente,
cause des problèmes de santé publique car les gens sont dans une situation
constante de peur d’être attaqués, ce qui amène des traumatismes à
répétition. 25% de la population devrait profiter de services de santé
mentale car les gens sont de plus en plus profondément affectés. Les
attaques de colons sont répétitives car totalement impunies : il y a
1,9% de « chances » qu’un colon fautif soit sanctionné (à
condition déjà que la victime palestinienne ose porter plainte contre les
colons). Car la grande différence entre les individus est que les colons
(israéliens) dépendent du droit civil israélien tandis que les habitants
palestiniens dépendent du droit militaire. Pourtant Israël est la puissance
occupante et a le devoir de protéger la population autochtone selon les
conventions de Genève et la société internationale a elle aussi le devoir
de faire appliquer ces conventions par des pressions si nécessaire !
Patricia Grillo nous explique que les
Israéliens (les colons en l’occurrence) s’attaquent aux moyens de
subsistance de la population palestinienne, c’est à dire la culture et
l’élevage ; par exemple 100.000 personnes vivent de la culture de
l’olivier en Palestine. Les agissements des colons mettent donc la sécurité
alimentaire des Palestiniens en péril sans parler de leur impact global sur
l’économie palestinienne. Les colons cherchent à ce qu’à la longue les
villageois abandonnent leurs maisons et leurs champs pour les confisquer,
c’est pourquoi Première Urgence Internationale agit pour assurer la
protection des habitants et occuper le terrain pour que la population reste
sur place. PUI fait aussi de la prévention pour prévenir et empêcher les
déplacements forcés. Par exemple, 6.700 palestiniens de Hébron ont dû
partir à cause de la violence des colons à leur encontre.
Le contexte général dans les territoires
occupés par Israël est celui de l’expansion des colonies : de 2002 à
2014, la population des colonies israélienne a augmenté de 23% c'est-à-dire
deux fois plus que la population israélienne sur le territoire israélien.
Il y a 14600 colons supplémentaires chaque année. De 2014 à 2015 il y a eu
40% de constructions supplémentaires dans les colonies. Ceci a conduit à un
changement démographique du territoire palestinien ainsi qu’à sa
fragmentation car le plan de construction israélien fait se relier entre
elles les diverses colonies pour former des blocs et ainsi couper la
Cisjordanie en 2,…
Elle ajoute que la violence des colons est
dénoncée… dans le déclaratoire, alors qu’il faudrait le faire par des actes
et ceci est de la responsabilité des états liés par le Droit international.
Dans la discussion qui suit avec l’auditoire,
sont évoqués :
-
les comités de défense qui se sont formés
dans certains villages (mais les villageois n’ont pas d’armes et risquent
d’être arrêtés et détenus par l’armée)
-
l’Autorité palestinienne incapable de
protéger la population face à l’occupant
-
le partage en zones A, B, C par les accords
d’Oslo violé régulièrement par l’armée israélienne à Naplouse et ses
villages. Ces "accords" sont devenus une fiction
-
la présence de citoyens français parmi les
colons israéliens
-
les enfants palestiniens travaillant dans
les colonies
-
la combinaison colons/armée/gouvernement
israéliens dans la poursuite du nettoyage ethnique de la Palestine commencé
en 1947 et qu’Ilan Pappé décrit dans ses livres. Le meurtre de la famille
Dawabsheh que nous dénonçons ce soir en fait partie, 69 ans après…
-
la politique actuelle d’extension des
colonies et d’agressions permanentes qui fait partie du projet sioniste
-
la situation de Gaza assiégée depuis 10 ans
Michelle Demessine livre ses conclusions de la
soirée: « Comment accepter une telle situation ? Qui en est responsable
sinon la Communauté Internationale dont les décisions ne sont ni
appliquées ni respectées ? Pourquoi Israël ne respecte t’il pas le
droit international, sinon à cause de la mollesse de cette communauté et
son alignement sur la politique étasunienne ? »
Pour l'AFPS Nord-Pas de Calais,
Jean-François Larosière, alors que la visite de Manuel Valls en Israël a
été évoquée, se réfère au communiqué national du 19 mai 2016 de l'AFPS
« L'initiative française malmenée » qui affirme: « L'idée de
base de l'initiative française, malgré de sérieux manquements, est juste
dans la mesure où elle permet de sortir du face à face inégal
occupant-occupé. De cela, il est malheureusement clair que le gouvernement
israélien ne veut pas et qu'il faudra d'une manière ou une autre l'y
contraindre. »
Il précise la nécessité de sanctions,
par exemple relatives à l'application de l'article 2 de l'accord
Union-Européenne/Israël de 2002 qui doivent conduire immédiatement à sa
suspension. Il indique l'engagement de l'association pour répondre à
l'appel palestinien de 2005 dans le Boycott/Désinvestissement/Sanctions
contre Israël.
Il souligne également la nécessité
d'interventions concrètes de solidarité avec le peuple palestinien à
Naplouse : interpellation des autorités françaises nationales
(questions écrites de parlementaires par exemple), interpellation de la
municipalité lilloise jumelée avec Naplouse et mobilisation pour la
construction d'un accueil à destination de la petite enfance à Qusra.
Ce travail militant pourrait être
développé sur la base de l'étude : "Violence des colons: un bras
armé de l'expansion des colonies dans le territoire palestinien occupé.
Etude de cas du Nord de la Cisjordanie" écrit et distribué par
Médecins du Monde et Première Urgence Internationale.
Un merci spécial au docteur Mohammad
Salem, représentant de la Communauté palestinienne du Nord, qui a accepté
de se transformer en interprète !
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