Que dit le
droit sur les limites de l’action citoyenne ?
L’appel au
boycott, au désinvestissement et aux sanctions est-il illégal en
France ?
Par Antoine COMTE, avocat
de l’AFPS, au colloque AFPS le 12 février 2018 au Sénat
Le combat
ne fait que commencer… Pour l’heure, il n’y a qu’un avis de la Cour de
cassation qui ne fait pas jurisprudence. Pour « désenclaver »,
nous sommes allés devant la Cour européenne des droits de l’homme. En un
mot, les attaques contre BDS n’ont rien de juridiquement fondé.
Entre 1984
et 2017, la France a été condamnée par la CEDH, pour des raisons diverses,
plus de 700 fois ! Et 36 fois en rapport avec la liberté d’expression,
soit la deuxième place derrière la Turquie d’Erdogan. En cas de
condamnation, le texte incriminé est soit supprimé soit non appliqué.
Existe-t-il une loi contre le boycott ? Oui… Une loi a été
votée en 1977 mais ne concerne que les entreprises et non les citoyens.
L’actuelle
manipulation par le ministère public, ainsi que des associations de soutien
à Israël prétendant lutter contre l’antisémitisme, vient de la dénaturation
des faits. La seule loi qui serait applicable porte sur la liberté de la
presse (loi de juillet 1881) et concernerait les slogans criés, présents
sur des banderoles, ou des T-shirts. On évince alors sciemment le contenu
des slogans, à savoir la critique politique d’un Etat -Israël- alors qu’il
est dans la tradition juridique française que la critique d’un Etat ne peut
faire l’objet de poursuites.
La
manipulation réside aussi dans le concept de
« discrimination » : à l’égard de qui ? S’agissant des
boycotts historiques à l’encontre de l’Afrique du Sud, de l’Argentine, de
la Russie, de l’Ukraine, et cetera, aucun n’a fait l’objet de poursuites.
Il s’agit en l’occurrence, avec BDS, de boycott de « produits »
et non de « personnes ». Les produits ne sont pas des personnes et on ne peut mettre
en œuvre la loi Pléven de 1972 de lutte contre le racisme. On a donc
inventé les « producteurs israéliens ».
Trois
exemples :
- La Chambre de la presse de Paris,
très fine en matière de droit et de libertés, juge que la critique d’un
Etat et de sa politique n’est pas une atteinte au droit et à la dignité.
Sinon, on attenterait à la liberté d’expression.
- Le
tribunal de Bobigny distingue « Etat » et « groupe de
personnes » ; en outre les biens matériels et les marchandises ne
sont pas des personnes.
-Le dernier
Code pénal Dalloz, dans
l’article 24,8, établit la relaxe dans le cadre du libre jeu du débat
politique.
A noter
enfin les palinodies des hommes et femmes politiques françaises depuis 2010
relativement à la « circulaire Alliot-Marie » qui n’a été abrogée
ni par Christiane Taubira, qui lui était pourtant hostile, ni par
Jean-Jacques Urvoas qui pourtant avait demandé par écrit son abrogation
alors qu’il était député et président de la Commission des Lois… L’arrivée
au pouvoir change les politiques.
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