Aujourd’hui,
189ème jour de la nouvelle guerre israélienne contre le peuple
palestinien.
A Gaza, les
Forces d’Occupation Israéliennes ont assassiné au moins 33.634 Palestiniens
dont plus de 14.520 enfants, on y compte 7.000 personnes disparues, 76.214
blessés et 2.000.000 citoyens déplacés.
En Cisjordanie dont Jérusalem, on dénombre
465 martyrs, plus de 4.750 blessés et 7.990 prisonniers, hommes et femmes.
Aujourd’hui, c’est le premier jour de l’Aïd. C’est la fête qui
marque la fin de la période de jeûne et du ramadan. D’habitude, cette fête
est synonyme de joie, de bonheur, surtout pour les enfants. Ce jour-là
normalement, on se rend visite, il y a du chocolat, des maamoul
[pâtisserie traditionnelle], des gâteaux, surtout à Gaza, où les relations
sociales sont très fortes.
Mais cette fois, l’Aïd vient après six mois de guerre, de
massacres, de blessés et de morts, de destruction totale et de déplacement
sous des tentes. On est allé chez ma belle-famille. Il n’y avait pas que la
fête qui était absente, mais aussi Souleiman mon beau-père, qui était un
peu le pilier de l’Aïd. C’était le noyau autour duquel tout le monde
gravitait.
D’habitude, après la prière, Souleiman louait un minibus avec ses
neuf garçons et il commençait les visites très tôt, à partir de
7 heures et demie. Il commençait par ses filles, puis ses frères et
sœurs et ensuite ses neveux.
Ce jour-là normalement, les enfants attendant ce qu’on appelle al-aidiyeh,
une petite somme d’argent qu’on leur donne pour acheter ce qu’ils veulent.
Dans le monde arabe et musulman, c’est un rituel que tout le monde observe.
Souleimane avait 19 enfants, et je ne sais combien de petits-enfants.
Ce jour-là, tous ses petits-enfants venaient le saluer et lui faire des
bisous. C’était un moment de joie pour tout le monde. Mais aujourd’hui, ne
régnait que de la tristesse. Je suis allé voir ma belle-mère Nabila. Elle
n’arrêtait pas de pleurer. Elle disait :
Tu te rappelles Rami quand tous les enfants se réunissaient autour
de lui? Regarde comme ils sont
tristes. C’est la première fois de ma vie qu’on passe l’Aïd de cette façon.
Il réunissait tout le monde, il était le point de rencontre de tous. C’est
lui qui faisait tout.
Je lui ai dit que ce n’était pas grave, qu’il était désormais au
paradis, et que les enfants le savent. Elle m’a dit :
Oui, mais la joie n’est pas là. D’habitude, pour l’Aïd, on achète
de nouveaux vêtements pour les enfants. Cette fois, je n’ai rien pu faire
pour eux. J’ai perdu beaucoup de membres de ma famille depuis le début de
cette guerre : mon frère, deux neveux, sans parler des membres de la
famille élargie. À présent, je me sens seule bien que mes enfants soient
autour de moi. Mon mari était le pilier de la famille, le pilier de cette
tente.
Elle m’a dit qu’elle avait de la peine pour les enfants, qu’elle
aurait voulu faire des maamoul mais qu’elle n’arrivait pas à faire
quoi que ce soit, que ses mains étaient «menottées» comme on dit chez nous.
Je ne savais pas quoi lui dire. J’essayais de la consoler en lui
disant que la vie continuait, que ses petits-enfants se souviendraient
toujours de leur grand- père. Et que tout cela ne sera bientôt plus que de
mauvais souvenirs. Qu’un jour on se dira : «Tu te rappelles quand on était sous
les tentes? Tu te
rappelles comment on vivait?
Comment on se débrouillait pour faire la cuisine?»
Je lui ai dit que moi aussi j’avais perdu des proches, notamment mon père
et ma mère. J’étais très attachée à ma mère. Le jour où elle est partie,
j’étais très triste. Encore aujourd’hui, je n’arrive pas à oublier. Mais il
faut que la vie continue. Et j’ai continué. Je me suis marié, j’ai eu des
enfants que ma mère n’a jamais vus. «Au
moins Souleiman a vu ses enfants se marier, il a connu ses petits-enfants.
Il a vécu beaucoup de moments joyeux, que tout parent souhaite vivre dans
notre société.»
J’ai appelé tous les petits-enfants : «Venez voir Grand-maman Nabila», et ils sont tous venus. J’ai
sorti quelques billets et quelques pièces de monnaie, et j’ai laissé Nabila
les distribuer à tous ses petits-enfants, jusqu’au petit bébé de six mois.
Tout d’un coup, ces enfants qui étaient plein de tristesse souriaient grâce
à ce petit geste de leur grand-mère. Je leur ai dit : «C’est votre grand-père qui a laissé
un peu d’argent à Nabila pour vous donner la aidiyeh.» Ils ont sauté de joie, fait des
prières pour leur grand-père décédé et pour Nabila. Elle en a eu les larmes
aux yeux, mais cette fois, c’était des larmes de joie.
On a joué ensemble. C’est vrai qu’il n’y avait ni le maamoul
de Sabah qui le réussit très bien, ni celui de Nabila. Mais la tristesse a
été recouverte par cette petite joie. Je pense que Souleiman aussi devait
être content de voir tout ça. Mais notre famille est juste un exemple parmi
d’autres. Trente-deux mille personnes sont mortes. Des milliers de familles
n’ont pas vécu cette année la joie de l’Aïd.
J’espère que ça sera le dernier Aïd qu’on passe dans la tristesse.
Le prochain Aïd, l’Aïd Al-kébir, est dans 70 jours. J’espère que la
guerre sera alors terminée, et que tout ça sera derrière nous.
Nabila est venue me voir et elle m’a embrassée. J’adore ses
baisers. Je suis le seul de ses gendres à qui elle en fait, ça rend tout le
monde jaloux. J’avais les larmes aux yeux. J’étais content d’avoir au moins
pu lui faire plaisir à elle, à ma femme et aux enfants. Faire plaisir à nos
enfants pendant cette guerre, c’est vraiment un grand rêve. Je remercie
Dieu d’avoir pu le réaliser.
J’espère que tous les enfants de Gaza ont pu avoir au moins une
petite joie dans leur cœur pendant ce Aïd. La joie de l’Aïd et, surtout, la
joie et l’espérance de vivre, de se dire que la vie continue malgré tout.
Malgré ce tremblement de terre qui secoue Gaza, on va continuer à fêter
l’Aïd et, surtout, on va rester sur notre terre.
Samedi 6 avril à 15h à
la MRES de Lille,Assemblée Générale de l’AFPS 59/62 dédiée au peuple
palestinien, à sa résistance et à celle de G.Abdallah >>en présence de Anne Tuaillon, présidente de l’AFPS
Samedi 6 avril à
14h30 devant le Théâtre à Calais, manifestation
Samedi 6 avril à
la Maison de l’Art et de la Communication à 62-Sallaumines, “Stop au
massacre! Cessez-le-feu immédiat!” par le Collectif de solidarité
&vec la Palestine du Bassin minier
Samedi 6 avril à
10h, place d’Armes /rue de la Cuve d’or à Douai, table de
sensibilisations et d’informations sur la situation en Palestine,
organisé par AFPS 59/62 et CAPJPO