Gaza face aux « jours
les plus dangereux » du génocide
Publié le 10 juillet 2024 sur The Electronic Intifada
Par Maureen Clare
Murphy
https://charleroi-pourlapalestine.be/index.php/2024/07/10/gaza-face-aux-jours-les-plus-dangereux-du-genocide/
Traduction : Jean-Marie Flémal
Les Palestiniens de Gaza ont franchi une
nouvelle étape sombre avec l’entrée dans son 10e mois du génocide
perpétré par Israël et dont la fin n’est toujours pas en vue.
De plus, les spécialistes de la santé
publique ont mis en garde contre une vague massive de mortalité
secondaire et ce, même dans le cas d’un cessez-le-feu immédiat.
…
Mardi, suite à de nouvelles attaques
intenses, les chars israéliens ont pénétré dans la ville de Gaza déjà
passablement pilonnée. Le Croissant-Rouge palestinien a dit qu’il avait
reçu des dizaines d’appels de détresse, mais l‘intensité des
bombardements l’a totalement empêché d’intervenir… Les toutes dernières
attaques israéliennes contre la ville de Gaza ont provoqué une nouvelle
vague de déplacements forcés et le Hamas a déclaré que cela pouvait faire
dérailler les longues négociations en vue d’un cessez-le-feu et d’un
échange de prisonniers. Ces derniers jours, dit-on, le Hamas a atténué sa
position disant que l’obligation pour Israël de mettre un terme à la
guerre constituait une condition préalable au moindre accord, mais qu’il
(le Hamas) cherchait des garanties de ce que les négociations
aboutiraient à un cessez-le-feu permanent. Une fois de plus, Israël a
fait savoir qu’il rejetterait tout arrangement qui laisserait de fait le
Hamas comme autorité gouvernante à Gaza. Dimanche, le Premier ministre
Benjamin Netanyahou a réitéré sa position, disant qu’il n’accepterait
qu’un accord qui « permettrait à Israël de retourner au combat jusqu’à ce
que les objectifs de la guerre seraient atteints ». Si son intention
n’est pas explicite, cette position garantit qu’aucun arrangement ne sera
possible.
…
L’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les
réfugiés de Palestine, a déclaré que 190 de ses sites à Gaza « avaient
été touchés, certains à plusieurs reprises, certains directement »
depuis le 7 octobre, et que 520 personnes avaient été tuées et 1 600
blessées. L’Euro-Med Human Rights Monitor (Euro-Med) a déclaré qu’en
ciblant des écoles de l’ONU utilisées comme refuges, Israël faisait la
preuve « de sa politique délibérée d’empêchement de la sécurité dans
toute la bande de Gaza et de refus aux Palestiniens déplacés de toute
stabilité ou d’abri, même si cet abri n’est que temporaire »… Dimanche,
Israël a ordonné aux résidents de cinq blocs à Gaza même d’évacuer vers
la partie occidentale de la ville, juste avant que cette même partie
occidentale ne reçoive le lendemain l’ordre d’évacuer, avec comme
instruction de la part d’Israël que, cette fois, les gens se rendent à
Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza. Les zones affectées par
les nouveaux ordres d’évacuation « comprennent 13 sites de soins de santé
encore fonctionnels tout récemment, dont deux hôpitaux, deux centres de
soins de première ligne et neuf antennes médicales », a fait savoir le
Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). «
En outre, quatre hôpitaux sont situés à proximité étroite des zones
d’évacuation », a ajouté l’OCHA… Médecins sans frontières (MSF) a prévenu
vendredi que ses équipes au Complexe médical Nasser à Khan Younis avaient
atteint un point de rupture et qu’elles « fonctionnaient sur les stocks
médicaux d’urgence » pour traiter un nombre surabondant de patients… MSF
a ajouté que, le 3 juillet, Israël avait refusé l’entrée des camions
transportant les fournitures médicales de l’organisation. L’ONG a déclaré
qu’elle n’avait pas été en mesure « de faire venir les moindres
fournitures médicales à Gaza depuis fin avril ». Entre-temps, Euro-Med a
prévenu que la fermeture présente des passages de Gaza équivalait à une
sentence de mort pour plus de 26 000 personnes malades et blessées ayant
besoin de soins vitaux en provenance de l’extérieur du territoire.
…
Les efforts en vue d’accroître l’aide ont
été « anéantis »
Un haut responsable de l’ONU a déclaré la
semaine dernière qu’un récent ordre israélien d’évacuation affectant un
tiers du territoire de Gaza au sud de Rafah et de Camp Younis avait «
anéanti » les efforts en vue d’améliorer la situation humanitaire dans
l’enclave. Entre-temps, à Gaza, « l’insécurité, les routes détruites et
l’effondrement de la loi et l’ordre » ont également entravé la livraison
du carburant et de l’aide nécessaires pour épauler les opérations
humanitaires, fait savoir l’OCHA. De ce fait, d’énormes quantités de
nourriture et autres fournitures ont été gâchées en raison des
températures extrêmement élevées. Le manque de carburant a forcé les
boulangeries à fermer une fois de plus, y compris la plus grande
boulangerie de Gaza, située à Gaza même. Seules sept des dix-huit
boulangeries soutenues par ses partenaires humanitaires, toutes situées à
Deir al-Balah, restent opérationnelles, fait savoir l’OCHA. Les cuisines
communautaires elles aussi luttent pour rester ouvertes malgré le manque
de carburant et de denrées alimentaires. « Il en résulte une réduction du
nombre de repas chauds partout à Gaza », a ajouté l’OCHA. Pas un camion
commercial n’est entré dans le nord de Gaza depuis des mois, ce qui se
traduit par « un manque quasi total de sources de protéines (par exemple,
viande et poulet) sur les marchés locaux, où l’on trouve à peine quelques
types de légumes produits localement et qui ne sont disponibles qu’à des
prix inabordables ». Entre-temps, les opérations militaires en cours ont
poussé les gens à laisser leurs terres agricoles sans surveillance et la
destruction des serres a anéanti la capacité des Palestiniens de Gaza à
produire leur propre nourriture…
Vendredi, Euro-Med a accusé Israël
d’utiliser l’eau comme arme de guerre via « le ciblage permanent, systématique
et généralisé des sources d’eau et des sites de désalinisation de la
bande de Gaza ». L’organisation a dit que, « suite au génocide, la part
d’eau par tête dans l’enclave avait diminué, passant à entre 3 et 15
litres d’eau par jour, alors qu’en 2022, elle était approximativement de
84,6 litres par jour »…
Les personnes déplacées dans le nord de
Gaza, y compris en provenance de Shujaiya et d’autres zones autour de la
ville de Gaza, manquent de refuges sûrs. L’OCHA (ONU) a dit que « bien
des gens avaient été découverts en train de dormir parmi des déchets
solides et des débris, sans matelas ni literie suffisante ; certains
avaient cherché refuge dans des sites de l’ONU et dans des bâtiments
résidentiels partiellement détruits ». Avec neuf personnes de Gaza sur
dix actuellement déplacées, et la plupart obligées de le faire à
plusieurs reprises, les gens sont « forcés de recommencer leur vie
maintes fois sans aucun de leurs biens ou sans la moindre perspective de
trouver la sécurité ou quelque accès fiable à des services élémentaires
»,
The Lancet, un journal médical
indépendant édité à Londres, a publié un article rédigé par trois
sommités de la santé publique et disant que le nombre des victimes à Gaza
étaient grandement sous-évalué… Toutes les victimes identifiables des
frappes aériennes et autres formes de violence directe ne sont pas
reprises dans la liste des décès du ministère de la santé. Les quelque
10.000 personnes portées manquantes sous les décombres des bâtiments
détruits au beau milieu de la destruction généralisée à Gaza ne sont pas
toutes reprises dans le chiffre officiel des décès – près de 37.500 – du
19 juin.
Dimanche, Euro-Med a demandé qu’on mette
internationalement la pression sur Israël pour « faire entrer des
camions, des équipements spéciaux et suffisamment de carburant, étant
donné le besoin urgent de déblayer les débris, de localiser les corps et
de les récupérer à l’aide de procédures spéciales afin de les identifier
et de les enterrer dans des tombes à leur nom ». L’organisation a déclaré
que la présence de corps en décomposition « posait une menace pour la
sécurité publique », au milieu d’une propagation d’épidémies, mettant en
danger « la santé environnementale à long terme » de l’enclave côtière «
au point de déclencher un écocide et de rendre la bande de Gaza impropre
à l’habitation humaine ».
Plus élevé même que le nombre des
victimes de la violence directe, il y a celui des personnes qui ont perdu
la vie « pour des causes telles que des maladies reproductives,
transmissibles et non transmissibles » résultant du conflit, d’après les
auteurs de l’article du Lancet.
Ces morts résultent de la destruction des
infrastructures de santé et d’assainissement, de la malnutrition et du
manque d’accès à de l’eau potable, des déplacements répétés et de la
perte de financement de l’UNRWA, l’organisation à l’empreinte humanitaire
la plus forte à Gaza. « Il continuera d’y avoir de nombreuses morts
indirectes dans les mois et les années à venir », estiment les auteurs de
l’article du Lancet, qui, avec prudence, estiment « que jusqu’à 186.000
morts, voire davantage, pourraient être attribuables à l’actuel conflit à
Gaza ». Cela représente approximativement 8 pour 100 de la population de
Gaza d’environ 2,3 millions de Palestiniens. Le journaliste Hossam Shabat, installé
dans le nord de Gaza, a dit qu’il savait, de par son expérience
personnelle, que « les morts sont toujours bien plus nombreux » que ce
que l’on rapporte. L’objectif d’Israël « est l’annihilation et c’est ce
qu’il est en train de faire », a dit Shabat.
…
Les experts de l’ONU déclarent la famine
généralisée
Mardi, un groupe d’experts indépendants
des droits de l’homme travaillant pour l’ONU a prévenu que « les décès récents
d’un plus grand nombre d’enfants palestiniens, dus à la faim et à la
malnutrition, ne laissent planer aucun doute que la famine s’est propagée
dans la totalité de la bande de Gaza »……
Et d’ajouter que « la campagne
d’affamement intentionnelle et ciblée d’Israël contre le peuple
palestinien est une forme de violence génocidaire et a résulté en une
famine dans tout le territoire de Gaza ».
Les experts ont réclamé la priorité pour
la livraison de l’aide humanitaire via les passages terrestres « par tous
les moyens nécessaires ». Ils ont également réclamé la fin du siège par
Israël et la proclamation d’un cessez-le-feu.
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