Génocide à Gaza: les médias occidentaux pourraient devoir
rendre des comptes
Par Craig Mokhiber
Le 28 août 2024
Source: Mondoweiss - Traduction: CV pour
Investig’Action
Le
caractère impitoyable de la machine génocidaire israélienne en Palestine, ainsi
que la complicité directe des États-Unis, du Royaume-Uni et d’autres
gouvernements occidentaux sont deux piliers essentiels des horreurs
perpétrées contre le peuple palestinien (et des attaques contre les
défenseurs des droits humains dans le monde entier).
Mais
il existe un troisième pilier essentiel : le rôle des médias occidentaux
complices qui diffusent sciemment la désinformation et la propagande
israéliennes, justifient les crimes de guerre et les crimes contre
l’humanité, déshumanisent les Palestiniens et occultent, en Occident, les
informations sur le génocide. Du point de vue du droit international des
droits humains, de telles actions pourraient et devraient faire l’objet de
sanctions. Il existe d’ailleurs des précédents historiques.
…
Taire la vérité et couvrir Israël
Face
au premier génocide de l’histoire retransmis en direct sur les écrans des
gens de Boston jusqu’à ceux du Botswana, il n’est tout simplement pas
crédible de suggérer que les entreprises de médias occidentales ne sont pas
conscientes des réalités sur le terrain et de ce qu’elles sont en train de
faire pour les occulter. Ils ont incontestablement fait le choix conscient
de cacher le génocide à leur public, de déshumaniser systématiquement les
victimes palestiniennes et d’exonérer les auteurs israéliens de toute
responsabilité.
Alors
que la Cour Internationale de Justice a conclu que les accusations de
génocide étaient plausibles, qu’elle a ordonné des mesures provisoires, que
le procureur de la Cour Pénale Internationale a requis des mandats d’arrêt
et que des mécanismes internationaux indépendants de défense des droits
humains ont publié des rapports accablants sur la conduite d’Israël, les
médias occidentaux ont supprimé les informations sur ces événements et ont
redoublé d’efforts pour couvrir Israël, au lieu d’en rendre compte de
manière exhaustive.
Il est
tout aussi important de noter que le public-cible de ces sociétés de médias
ne se limite pas aux spectateurs non impliqués. Il comprend également des
responsables gouvernementaux et des décideurs politiques occidentaux
directement complices du génocide, par le biais du soutien militaire,
économique, diplomatique et en matière de renseignement qu’ils apportent à
Israël, ainsi que les électeurs qui permettent ce soutien. Il s’agit
également d’un nombre important de personnes ayant la double nationalité
israélienne qui font la navette pour participer aux massacres. Le lien
entre l’incitation médiatique et les actions nuisibles est plus direct que
ces entreprises de médias ne voudraient l’admettre.
En
effet, si votre seule source d’information est constituée par les grands
médias occidentaux, vous n’avez peut-être aucune idée du fait qu’Israël est
jugé pour génocide par la Cour Internationale de Justice ou que les dirigeants
israéliens font l’objet de demandes de mandats d’arrêt pour crimes contre
l’humanité auprès de la Cour Pénale Internationale. Il est probable que
vous n’ayez jamais entendu les nombreuses déclarations d’intention
génocidaire du président, du Premier ministre, des ministres et des
commandants militaires israéliens.
Il est
probable que vous continuiez à croire les histoires de bébés israéliens
décapités (dont il est prouvé depuis longtemps qu’elles ont été fabriquées)
et que vous ne soyez pas au courant des nombreux bébés palestiniens qui ont
réellement été décapités. Il est presque certain que vous ne serez pas au
courant de l’assassinat systématique de civils palestiniens, d’enfants, de
nourrissons, de femmes, de personnes âgées, de personnes handicapées et
d’autres personnes. Vous ne serez pas au courant des camps de torture, du
viol systématique des détenus et des tireurs d’élite israéliens qui ciblent
les petits enfants à Gaza. Vous ne savez peut-être même pas qu’Israël
détient aujourd’hui le record mondial du meurtre de journalistes, de
travailleurs humanitaires, de fonctionnaires de l’ONU et de professionnels
de la santé.
Au
lieu de cela, les médias occidentaux publient régulièrement et sans esprit
critique, de la désinformation et de la propagande israéliennes
manifestement fausses pour justifier les crimes de guerre, déshumaniser les
Palestiniens et détourner l’attention du public des atrocités commises
quotidiennement dans le cadre de la campagne israélienne d’extermination.
Les articles couvrant le génocide sont censurés. Les voix des Palestiniens
et des défenseurs des droits de l’homme sont étouffées.
Les
journalistes ont pour instruction de ne pas mentionner les « territoires
occupés », les « Palestiniens » ou les « camps de réfugiés ». Les victimes
civiles palestiniennes qui ne sont pas entièrement effacées sont réduites à
des « dommages collatéraux » ou à des « boucliers humains » dans le
meilleur des cas, ou à des « terroristes » dans le pire des cas. Massacre
après massacre, les Palestiniens qui font la une des journaux ne sont pas
tués par Israël, ils « meurent » tout simplement.
Selon
les règles des médias occidentaux, il n’y a pas de génocide, seulement une
guerre d’autodéfense. Et l’histoire a commencé le 7 octobre. Le contexte de
76 années de nettoyage ethnique, de persécution, d’emprisonnement de masse,
de violations flagrantes des droits de l’homme et d’apartheid n’est pas
couvert.
Le public de moins en moins dupe
En
résumé, les entreprises médiatiques occidentales se sont intégrées au
mécanisme du génocide en Palestine. En l’absence d’une réelle
responsabilité, ces acteurs influents continueront à abuser de leur
pouvoir, piétinant ainsi les droits de tous ceux qui se trouvent du mauvais
côté de la ligne qui départage les personnes soutenues par ces entreprises
médiatiques et celles qu’elles choisissent de dénigrer et de déshumaniser.
Bien
entendu, les défenseurs des droits des Palestiniens en Occident qui
s’opposent au génocide et à l’apartheid israéliens savent mieux que
quiconque à quel point il est important de préserver le droit à la liberté
d’expression. Aucun groupe dans l’histoire moderne n’a été autant confronté
au silence officiel et corporatif ou n’a vu son discours autant criminalisé
par les gouvernements occidentaux. Les restrictions d’expression ne sont
jamais imposées à ceux qui ont le plus de pouvoir, mais visent toujours
ceux qui sont les plus méprisés par le pouvoir. Le moment est venu de
renforcer les protections de la liberté d’expression, et non de les éroder.
Mais
les garanties de la liberté d’expression ne protègent pas l’incitation aux
crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité et au génocide. Ces actes
peuvent et doivent faire l’objet d’une responsabilité pénale. La
diffamation et l’incitation peuvent également faire l’objet de poursuites
devant les tribunaux civils. Des actions ont déjà été engagées devant les
tribunaux internationaux pour les crimes contre l’humanité et le génocide
perpétrés par Israël en Palestine, et d’autres suivront certainement. Il n’est
pas inconcevable que, comme dans les cas des tribunaux de Nuremberg et du
Rwanda, certaines entreprises de médias ou certains individus puissent
avoir à répondre de leurs actes devant la justice dans les mois et les
années à venir.
Indépendamment
de ce qui se passera dans les couloirs de la justice, il est certain que
ces médias finiront par être tenus pour responsables devant le tribunal de
l’opinion publique. Pour les défenseurs des droits humains et les personnes
qui, partout dans le monde, tiennent à ce que le pouvoir rende des comptes,
ce processus est urgent. En fait, il a déjà commencé. La vague croissante
de critiques du public à l’égard de la partialité flagrante dont ont fait
preuve les médias occidentaux pendant ce génocide a contraint certaines
entreprises à commencer à ajuster leurs reportages, même légèrement. Cela
prouve que le changement est possible si les acteurs du changement se
mobilisent. La force réside dans la prise de parole, le soutien aux médias
indépendants et le boycott. Dans un premier temps, tous ceux qui se sentent
concernés devraient se désabonner de ces médias, qu’il s’agisse de la
presse écrite ou audiovisuelle, passer à des sources médiatiques
indépendantes et encourager les autres à faire de même.
Pour
citer à nouveau le juge Pillay dans la décision sur le Rwanda : « Le
pouvoir qu’ont les médias de créer et de détruire les valeurs humaines
fondamentales s’accompagne d’une grande responsabilité. Ceux qui contrôlent
ces médias sont responsables de leurs conséquences ». La tâche de garantir
cette responsabilité incombe, en fin de compte, à chacun d’entre nous.
|