Gaza : chaque
heure qui passe est une heure de génocide de trop
Par Marie Schwab. Le 16
décembre 2024
Les symboles
protègent-ils des bombes ? De la famine ? Quand on est face à l’horreur
absolue, un geste symbolique n’est que cynisme et médiocrité. Les
Palestiniens attendent le cessez-le-feu… Pas trois mots couchés sur le
papier par 158 pays votant une résolution qui restera lettre morte !
Une manière simple,
pour ces États, de faire bonne figure à peu de frais et de se donner
bonne conscience. Quelle hypocrisie. Les mots ne suffisent pas à se
ranger du côté du droit. Nous attendons de ces 158 pays des actes,
maintenant, un embargo sur les armes et des pressions concrètes,
drastiques, sur Israël. Maintenant. Chaque heure qui passe à Gaza est une
heure de génocide de trop ; une heure de massacres, de souffrance, de
dévastation, de faim. L’humanité perd deux enfants toutes les heures à
Gaza. Les enfants comme leurs parents survivent avec 240 calories par
jour.
Les Palestiniens n’ont
que faire d’une faveur de papier. Ils ne demandent pas la charité, mais
le respect du droit. Le cessez-le-feu est un impératif catégorique, mais
aussi juridique. « Aucun endroit au monde n’a connu des violations du
droit international et du droit humanitaire international aussi
outrancières qu’à Gaza. Ce qui se passe à Gaza montre qu’il n’y a pas de
droit international. Le droit international obéit aux puissants », dénonce
Mustafa Barghouti.
Israël n’a pas le droit
de réduire à néant toute une société. Israël n’a pas le droit de
transformer Gaza en cimetière – cimetière pour enfants, cimetière du
droit. Quelles que soient les excuses qu’on lui trouve. Riyad Mansour : «
Rien ne peut ni ne pourra jamais justifier un génocide. Il n’existe aucun
droit – ni celui à la légitime défense, ni aucun autre – qui autorise le
massacre et la destruction d’un peuple. »
Pour imposer le droit,
il existe un moyen simple : la fin de l’impunité, des sanctions envers
l’État génocidaire.
Mais voilà : les
dirigeants occidentaux ont besoin d’être appuyés par les groupes
d’influence pro-israéliens, ils ont envie d’être plébiscités par les
lobbys sionistes. Ils veulent continuer à collaborer avec Israël au sein
d’un même complexe militaro-industriel ; ils veulent oeuvrer à toujours
plus de convergence idéologique et d’intérêts avec Israël.
Israël a réussi à faire
accepter les attaques sur les civils, y compris les médecins et les
humanitaires, la famine organisée, la destruction massive et délibérée de
toutes les infrastructures civiles, le déplacement forcé de masse, la
torture systématique et la colonisation comme des agissements légitimes
tant qu’ils sont commis par Israël.
« Les Palestiniens
n’attendent plus rien des Occidentaux. Ils attendent la mort », exprime
le poète palestinien Mosab Abu Toha.
Un administrateur du
Programme de Développement des Nations Unies, témoignant d’une longue
expérience de situations de désastre, déclare n’avoir « jamais vu un tel
niveau de dévastation qu’à Gaza dans toute [sa] carrière. »
Mais quand les médias
daignent évoquer Gaza, c’est pour justifier tel massacre de civils par
telle « cible militaire ». Les médias répètent ad nauseam la fable
des « boucliers humains ». Or la présence de combattants dans des zones
peuplées de civils ne fait pas de ceux-ci des boucliers humains.
À ce propos, qui a son
QG militaire en plein centre de Tel Aviv ? En outre, la présence de
combattants dans des zones civiles n’annule pas le statut protégé de ces
zones, en d’autres termes elle n’en fait pas une cible militaire
légitime. Heureusement pour Israël, dont les hôpitaux civils, tout comme
les quartiers et les écoles regorgent de soldats armés…
D’autre part, si les
rapports successifs émanant de différentes ONG au fil des années, ainsi
que les témoignages recueillis depuis quatorze mois, ont tous démenti
l’usage de boucliers humains par la résistance palestinienne, tous ont
aussi conclu au recours systématique à cette pratique illégale par
l’occupant depuis 1967 au moins.
De toute façon, quoi
qu’il en soit, les principes élémentaires de précaution, de distinction
et de proportionnalité doivent toujours prévaloir, au regard de la 4e
Convention de Genève.
« Le problème n’est pas
ce que nous faisons ; le problème est que nous existions », résume un
autre poète palestinien, Mohammed al Kurd.
Imaginons un court
instant, avec Susan Abulhawa, une inversion des rôles : « Si depuis 80
ans, les Palestiniens volaient les maisons des Israéliens ; s’ils les
emprisonnaient, les empoisonnaient, les torturaient, les tuaient, les
violaient ; si les Palestiniens avaient assassiné 300.000 Israéliens en
un an, ciblant leurs journalistes, leurs intellectuels, leurs soignants,
leurs artistes ; si les Palestiniens avaient bombardé chaque hôpital,
chaque université, chaque bibliothèque, musée, centre culturel ; si les
Palestiniens bombardaient les Israéliens dans des zones désignées comme
sûres, les brûlaient vifs, leur coupaient la nourriture, l’eau, les biens
médicaux ; si les enfants israéliens étaient contraints de recueillir
dans des sacs en plastique les restes de chair de leurs parents,
d’enterrer leurs frères et sœurs, leurs cousins, leurs amis ; si nous les
terrorisions tant que leurs enfants en perdent les cheveux, la mémoire,
la raison et que des enfants de 4 ou 5 ans meurent de crise cardiaque ;
si nous condamnions les bébés à mourir dans leurs couveuses, privés
d’oxygène et de chaleur, les laissant seuls jusqu’à leur décomposition ;
si nous ouvrions le feu sur la foule israélienne affamée ; si un sniper
palestinien se vantait d’avoir ciblé quarante-deux rotules en un jour
[comme l’a fait un sniper israélien en 2018] ; si un Palestinien se
vantait sur CNN d’avoir écrasé des centaines d’Israéliens avec son tank ;
si nous violions systématiquement les médecins, les patients et les
autres prisonniers avec des tiges de métal brûlant et des baguettes
électrifiées, parfois à mort comme le Dr. Adnan al-Bursh et d’autres ; si
nous décorions nos tanks avec les jouets des enfants israéliens que nous
aurions massacrés ; si le monde assistait en live au génocide des
Israéliens, il n’y aurait pas de débat pour savoir s’il s’agit de
terrorisme ou de génocide. »
Je voudrais terminer
par une pensée pour Said Jouda, le dernier chirurgien orthopédiste de
Gaza, assassiné jeudi lors d’un trajet entre l’hôpital Kamal Adwan et
l’hôpital al-Awda. Il s’agit du 1.057e soignant assassiné par l’occupant
à Gaza. Il avait perdu son neveu la veille et son fils la semaine
précédente.
Une pensée pour la
journaliste Iman al-Shanti, 36 ans, assassinée chez elle, à Sheikh
Radwan, mercredi, avec son mari et trois de ses enfants. Son dernier
tweet : « Comment se fait-il que nous soyons encore en vie ? Que Dieu accorde
sa miséricorde aux martyrs. ».
Une pensée pour Shadi
al-Salafati et Wassim al-Shawa, photojournalistes assassinés hier par
l’occupant à Nuseirat. Pour Mohammed al-Balusha, journaliste assassiné ce
matin à al-Saftawi. Il s’agit du 195e journaliste assassiné à Gaza par
l’occupant. C’est lui qui avait révélé au monde les prématurés décomposés
dans les couveuses de l’hôpital al-Nasser, auxquels fait allusion Susan
Abulhawa.
Une pensée pour ces
deux petits garçons très dignes, priant à travers leurs larmes, à côté
des linceuls alignés de leur famille.
Une pensée pour cette
vieille femme, courant, seule, courbée sur un nouveau-né qu’elle serre
contre elle. Puissent ces quatre vies fragiles, à la merci des bombes et
de la famine, traverser saines et sauves le génocide.
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