« Forcer l’UE à prendre position » Francis Wurtz Pour le communiste français Francis Wurtz, président du groupe GUE-GVN au Parlement européen, l’inertie de Bruxelles est inacceptable.
- Comment réagissez-vous à la décision officielle de ne pas publier le document remis aux ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ? C’est scandaleux. Jack Straw, chef de la diplomatie britannique, a annoncé cette décision en expliquant que plusieurs États estimaient que la proximité d’élections dans la région leur interdisait de publier ce texte. C’est l’illustration que, pour eux, au centre de toutes les intentions de la politique proche orientale de l’Union européenne se trouve Israël mais pas la Palestine ; il y a le pays occupant mais pas le pays occupé. Or il y a des élections dans les deux pays, c’est donc un argument totalement fallacieux. Mais, concernant ce rapport, ce n’est pas la première fois que des diplomates sur place font preuve d’une très grande lucidité ; certains d’entre eux sont même indignés de l’inertie de Bruxelles. Au Proche-Orient, pas de politique, c’est la politique du pire. Il y a quelques semaines, les élections municipales palestiniennes ont vu la victoire du Hamas. Le seul commentaire de Javier Solana, haut représentant de la politique extérieure de l’UE, a été de dire que si les élections législatives de fin janvier confirmaient cette tendance, l’UE devrait réfléchir à sa politique d’aide à la Palestine. Ce qui est un comble. Cette attitude est malheureusement une tendance de plus en plus accentuée de l’UE vers une démission à l’égard de ses responsabilités, et en particulier à l’égard de celles qu’elle a prises sur la « feuille de route » avec l’ONU, les États-Unis et la Russie dans le cadre du « quartet ».
- Qu’est-ce que le rapport lui-même vous suggère ? Il est extrêmement sain de voir des représentants européens sur place pousser un cri d’alarme sur le caractère totalement illégal - depuis 1967 et de plus en plus accentué - de l’annexion de Jérusalem, et s’insurger contre l’acceptation de ce fait accompli qui est une violation flagrante, historique, répétée et durable du droit international. Il faut prendre le relais de leur acte légitime et courageux, et briser le mur du silence du Conseil européen.
- Que peuvent faire les parlementaires européens ? Le Parlement européen, en matière de politique étrangère, n’a pas à proprement parler de pouvoirs ni de prérogatives. En ce domaine, c’est le Conseil qui intervient. Nous n’avons qu’un pouvoir d’influence. On se souvient, il y a trois ou quatre ans, du vote majoritaire du Parlement en faveur de la suspension de l’accord d’association UE-Israël, qui n’avait pas été suivi par le Conseil. Nous étions en échec, mais en même temps cela a eu une répercussion politique considérable. Encore aujourd’hui, elle reste une résolution de référence. Mais il faut que nous utilisions le poids que peuvent représenter les opinions publiques vis-à-vis des gouvernements qui bloquent en se saisissant de l’affaire. Pour ce qui est du groupe GUE-GVN, lorsque nous avons su qui avait rétention du document par le Conseil, nous avons vu les parlementaires les plus engagés sur la question, issus de groupes politiques de tous horizons. Le groupe GUE-GVN va prendre l’initiative, dès la rentrée, d’un appel large de parlementaires, public bien sûr, exigeant du Conseil qu’il publie ce document et qu’il prenne position. C’est essentiel, surtout dans la situation actuelle, où le désespoir gagne chez les Palestiniens et où le filet d’espoir qui résidait dans l’acteur extérieur que doit être l’UE face à Israël et aux États-Unis se dissipe de plus en plus. Il faut adopter la position inverse de celle pratiquée par l’Union européenne puisqu’en ce domaine - contrairement à beaucoup d’autres -, l’unanimité est de rigueur pour n’importe quelle initiative, c’est-à-dire qu’il n’y en a aucune. Et on retombe dans cette vieille impunité, insupportable, dont bénéficie le gouvernement israélien, qui est le seul à pouvoir échapper au droit international sans que personne ne réagisse. Mais, en revanche, dès qu’il fait le moindre pas dans un sens positif, on magnifie le geste. De fait, on banalise ces violations fondamentales et permanentes du droit international.
Entretien réalisé par Pierre Barbancey L'Humanité du 28 décembre 2005 |