L’an I de l’ère Abbas Pierre Barbancey Mahmoud Abbas aurait certainement aimé fêter la première année de son accession à la tête de l’Autorité palestinienne d’une autre façon. Dans moins de vingt jours, des élections législatives doivent se tenir - les premières de ce type depuis 1996 - et sa formation, le Fatah, n’a jamais été en aussi mauvaise posture. Même s’il devait l’emporter, il est talonné par l’organisation islamiste Hamas, qui joue intelligemment et est en train de prendre un virage politique qui n’est pas sans importance, quelques semaines après s’être vue renforcée par les urnes municipales. Un Hamas qui, à l’instar des Frères musulmans en Égypte, ne cherche de toute façon pas à obtenir la majorité aux élections. Pour preuve, sur les six sièges à pourvoir à Jérusalem, le Hamas ne présente que quatre candidats. Toujours sur le plan interne, la bande de Gaza est au bord du chaos et les services de sécurité ont bien du mal à maîtriser la situation. L’année qui vient de s’écouler, maintenant marquée par la disparition politique d’Ariel Sharon, est pourtant riche d’enseignements pour le mouvement palestinien, pour l’OLP comme pour le Fatah. Après la disparition de Yasser Arafat, le 11 novembre 2004, ceux qui avaient cru aux paroles de l’administration américaine et à celles des Israéliens, se réjouissaient : le principal obstacle au processus de paix avait enfin débarrassé le plancher. Maintenant, les choses sérieuses allaient commencer. Les masques sont tombés. Non seulement le processus de paix n’a pas avancé, mais la seule rencontre organisée entre Sharon et Abbas n’a donné que de maigres résultats. Pourtant, à ce moment-là, le premier ministre israélien aurait pu négocier le retrait des colons de la bande de Gaza. S’il ne l’a pas fait, c’est bien parce que sa stratégie consiste à donner quelques gages aux Américains sans jamais permettre réellement aux Palestiniens de construire un véritable État. En ne négociant rien, Sharon pouvait impunément poursuivre l’annexion de territoires palestiniens par la construction du mur, continuer la colonisation et empêcher tout partage de Jérusalem. Même les déclarations d’intention ne sont pas suivies d’effets. C’est le cas, par exemple, de la circulation des marchandises entre Gaza et la Cisjordanie. Ce faisant, il n’a pas cessé de renforcer le Hamas, dont la stratégie a pu apparaître comme la meilleure pour faire plier Israël. Ainsi, après avoir tergiversé, les autorités israéliennes viennent d’autoriser les candidats aux élections législatives palestiniennes du 25 janvier, à l’exception de ceux du Hamas, à faire campagne à Jérusalem-Est, mais réservaient toujours sa décision sur la tenue du scrutin dans la ville, comme le réclame l’Autorité palestinienne. Annoncée dimanche soir par la police, cette autorisation assortie de conditions a été confirmée lundi par le ministre de la Sécurité intérieure, Guidéon Ezra. « Tous ceux qui veulent faire campagne à Jérusalem devront en faire la demande préalable à la police », a déclaré Ezra à la radio. Ahmad Ghneim, un proche de Marwan Barghouti, a estimé que « les conditions posées empêchaient la tenue d’une campagne électorale libre ». Se disant persuadé que les élections auraient lieu finalement à Jérusalem, il a affirmé qu’il « ne demanderait l’autorisation de personne » pour participer aux meetings électoraux. Le Hamas a estimé qu’Israël avait fait marche arrière et a minimisé la portée de son exclusion. La chance du Fatah de Mahmoud Abbas repose maintenant sur la nouvelle génération, celle représentée par Marwan Barghouti, qui dirige la liste du parti. Celui-ci a assez d’aura pour trouver un compromis avec le Hamas, comme il avait su le faire pour obtenir une trêve des organisations armées palestiniennes. En le maintenant en prison, où il purge une peine à vie, Israël empêche l’émergence d’une direction palestinienne plus démocratique et non corrompue, apte à battre le Hamas. Une option que Tel-Aviv veut peut-être empêcher. Pierre Barbancey, L'Humanité du 10 janvier 2006 |