Article paru
dans Les Cahiers du Libre Examen,
revue du Cercle du Libre Examen de l’Université Libre de
Bruxelles,
n° 43 - mars 2006, pp. 15 à 34.
Juif et
antisioniste : une perversion ?
Pour répondre à cette question, il
faut d’abord s’entendre sur le sens qu’on donne aux termes
« juif », « sioniste » et « antisioniste », car une grande
confusion règne actuellement sur le sens de ces mots.
« juif » ou « Juif » ?
Pour beaucoup de gens, les juifs
(dans ce cas écrit avec un « j » minuscule) sont les adeptes du
judaïsme, une religion monothéiste, un point c’est tout. Le
problème est, particulièrement en Europe, que de nombreux Juifs
ont perdu la foi ou n’ont jamais cru en Dieu mais continuent à se
définir comme juifs. Comment l’expliquer ?
A la différence du christianisme ou
de l’islam, la religion juive n’est pas prosélyte : les juifs ne
cherchent pas à convertir les non-juifs à leur religion.
Car il s’agit, selon la bible, de la religion d’un peuple et non
d’une religion universelle. Il y a donc, dans ce cas, un lien fort
entre sentiment d’appartenance religieuse et sentiment
d’appartenance nationale ou communautaire. Et si, dans de
nombreuses familles juives, les parents voient encore d’un mauvais
œil leurs enfants se marier avec des non-juifs, en Europe, c’est
souvent plus parce qu’ils redoutent la disparition de leur
communauté culturelle que celle de la religion que, souvent, ils
ne pratiquent que très peu ou pas du tout. Même si tous ont
conscience, dans une mesure variable, que la religion et l’hébreu
ancien, langue sacrée, sont les seuls éléments culturels communs
aux Juifs du monde entier.
En Europe, le sentiment
d’appartenance à une « communauté de destin » a été
considérablement renforcé du fait des persécutions et du génocide
commis par les nazis et leurs alliés. Rappelons que les nazis ne
considéraient pas les Juifs comme les adeptes d’une religion
particulière mais comme les membres d’une « race inférieure »
particulièrement nuisible. Cependant, leurs critères raciaux
pseudo-scientifiques ne permettant évidemment pas de déterminer
qui était juif, les nazis se basèrent, pour ce faire, sur les
registres des consistoires
israélites ou sur des listes de membres d’associations juives,
religieuses ou non. Etait de plus considérée comme juive toute
personne dont les parents ou les grands-parents étaient eux-mêmes
considérés comme tels.
Les persécutions antisémites concernèrent donc une population bien
plus large que les seuls Juifs religieux. Ceci explique pourquoi,
aujourd’hui encore, de nombreux agnostiques et athées, nés après
la Deuxième Guerre mondiale, vivent intensément leur appartenance
à cette communauté juive, en tant que descendants de personnes
persécutées parce que désignées comme juives par les nazis et
leurs complices. L’auteur de ces lignes en est un exemple.
Si, dans cet article, le nom « Juif »
est écrit avec un « j » majuscule c’est donc parce qu’il y est
question de l’ensemble des personnes se considérant comme juives,
qu’elles soient croyantes ou non.
Sionismes
Pour « Le Petit Robert » le sionisme
est un « mouvement politique et religieux, visant à
l’établissement puis à la consolidation d’un Etat juif (la
nouvelle Sion) en Palestine ».
Denis Charbit a réuni dans un volumineux ouvrage de nombreux
écrits et discours émanant de penseurs et de dirigeants sionistes.
S’y manifeste à la fois la diversité de la pensée sioniste mais
aussi ce qui fait son unité : « Le programme commun admis par
tous les courants dits sionistes découle en premier lieu d’une
affirmation de principe essentielle : les Juifs constituent une
nation. » Sur cette base, le sionisme « se résume, toutes
tendances confondues, par :
1)
L’aspiration au rassemblement
national des Juifs sur un même territoire.
2)
La revendication d’« Eretz
Israël »
comme le lieu unique, nécessaire et désirable, de ce rassemblement
(…).
3)
La revendication d’un régime
d’autonomie la plus large possible afin de permettre aux Juifs de
déterminer leur destin collectif.
4)
Enfin, l’adoption de l’hébreu
comme langue de communication quotidienne entre les Juifs
installés en Palestine ».
Je fais mienne cette
définition résumée.
Notons cependant
qu’aujourd’hui, de nombreux partisans déclarés du sionisme le
présentent comme le « mouvement de libération nationale du
peuple juif ». Sur base d’une telle définition, tout opposant
au sionisme peut être taxé d’antisémitisme puisque opposé à la
« libération des Juifs ».
Antisionismes
Le Petit Robert ne comporte pas de
définition de l’antisionisme.
On peut tout de même déduire de la définition qu’il propose du
sionisme que l’antisionisme serait l’opposition au « mouvement
politique et religieux, visant à l’établissement puis à la
consolidation d’un Etat juif (la nouvelle Sion) en Palestine ».
Les sionistes définissent en général
les antisionistes comme des partisans de la destruction de l’Etat
d’Israël. Mais qu’entendent-ils par là ? Que les opposants au
sionisme veulent « jeter les Juifs (israéliens) à la mer » comme
on l’entend souvent dire ? En réalité les choses sont plus
complexes.
Exemples :
-
Dans
son programme politique de 1969, le Fatah, parti dirigé par
Yasser Arafat, prônait la fin de l’Etat d’Israël et son
remplacement par un Etat palestinien « indépendant et
démocratique dont tous les citoyens, quelle que soit leur
confession, jouiront de droit égaux ».
Ceci signifiait une acceptation des Juifs établis en Palestine
en tant que communauté religieuse mais non en tant que nation.
-
A la
même époque, le Front Démocratique pour la Libération de la
Palestine, parti marxiste dirigé par Nayef Hawatmeh, proposait
quant à lui « un Etat palestinien de démocratie populaire où
vivront sans discrimination Juifs et Arabes, un Etat opposé à
toute domination de classe et de nationalisme et dans lequel le
droit des Arabes et des Juifs à perpétuer et développer leur
propre culture sera respecté ».
Dans ce cas, même si, contrairement aux partis communistes, le
FDLP ne prônait pas alors l’édification d’un Etat binational
(c’est le cas maintenant), il reconnaissait tout de même une
identité nationale et plus seulement religieuse aux Juifs de
Palestine.
-
Un
mouvement comme le Hamas affirme encore aujourd’hui sa volonté
de remplacer l’Etat d’Israël par un Etat palestinien islamique.
Ce qui n’équivaut pas non plus à « jeter les Juifs à la mer »
mais plus probablement à en faire des citoyens « de seconde
classe ».
-
Certains courants juifs religieux prônent la disparition de l’Etat
d’Israël parce qu’ils le jugent hérétique. Ils estiment que sa
fondation est en contradiction flagrante avec l’enseignement de
la Torah
qui interdit toute proclamation d’un État juif. La Torah
contraindrait les Juifs à rester en exil jusqu’à la délivrance
divine (annoncée par l’arrivée du Messie) qui annoncera la paix
éternelle à toutes les nations du monde. Notons que pour la
plupart des Juifs religieux, l’exil n’est pas un concept
géographique, mais spirituel. Selon eux, même si le mouvement
sioniste parvenait à organiser le rassemblement de tous les
Juifs du monde dans l’Etat d’Israël, les Juifs continueraient à
vivre un exil intérieur car ce résultat aurait été obtenu contre
la volonté divine. Les grandes difficultés dans lesquelles se
débat aujourd’hui l’Etat d’Israël constitueraient des preuves de
la non acceptation divine de la recréation, par des hommes, d’un
Etat juif en Palestine.
Aucun de ces courants ne demande pour autant le départ des Juifs
établis en Palestine. L’un d’entre eux, Lev Tahor (Cœur
pur) a même fait sien le premier programme politique de
l’OLP : une Palestine laïque et démocratique ou coexisteraient,
sur pied d’égalité des citoyens adeptes de diverses confessions
religieuses.
-
Un
peu partout dans le monde, d’autres personnes ou associations
juives fondent leur opposition à l’idéologie sioniste non sur
des convictions religieuses mais bien éthiques et politiques ;
sans prôner pour autant la disparition de l’Etat d’Israël. C’est
mon cas, sur lequel je reviendrai dans la dernière partie de cet
article.
Pourquoi, aujourd’hui, tant de
Juifs adhèrent-ils au sionisme ?
Dans le dernier quart du XIXe et au
début du XXe siècle, les communautés juives d’Europe furent
victimes de nombreuses manifestations d’antisémitisme dont les
pires furent les pogroms perpétrés dans l’Empire russe, qui
coûtèrent la vie à des milliers de personnes. Contemporain de ces
tragiques événements, Theodor Herzl (1860-1904), journaliste juif
hongrois, fut un témoin privilégié des violences antisémites qui
ponctuèrent, en France, l’affaire Dreyfus.
Il en conclut que si même le pays de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen de 1789 pouvait être touché à ce point par
des manifestations de haine antisémite, il ne restait qu’une seule
solution aux Juifs pour vivre en paix : la séparation d’avec les
non-juifs par le regroupement des Juifs dans un Etat qui leur
serait propre. Son ouvrage, L’Etat des Juifs, publié en
1896, fut le livre fondateur du sionisme politique. Le premier
congrès sioniste fut réuni à Bâle en 1897.
Ce projet politique fut donc fondé
sur la conviction qu’une cohabitation harmonieuse entre les
minorités juives et les populations non juives majoritaires dans
les Etats où ils vivaient était décidément impossible.
Mais jusqu’au lendemain de la
Deuxième Guerre mondiale, l’idéologie sioniste resta minoritaire
parmi les Juifs européens et quasi absente des autres communautés
juives dont les membres vivaient généralement en bonne entente
avec leurs voisins non juifs. Le sionisme n’est devenu l’idéologie
dominante dans la plupart des communautés juives qu’après la
Deuxième Guerre mondiale.
Comment l’expliquer ?
Beaucoup de gens sous-estiment les
effets psychologiques à long terme que peuvent générer des
persécutions graves visant une communauté humaine tout entière. Le
ralliement à l’idéologie sioniste de la majorité des Juifs
européens au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale s’explique
avant tout par une vision du monde transformée par l’expérience
traumatisante du judéocide. Et ces traumatismes transmettent une
partie de leurs effets aux générations suivantes : tout Juif dont
les parents ou les grands-parents ont vécu la guerre sous le joug
nazi est, d’une manière ou d’une autre, psychologiquement
« marqué » par cet atavisme. Ce qui explique, au moins en partie,
pourquoi la vision sioniste du monde est encore dominante
aujourd’hui dans la diaspora
juive européenne ou d’origine européenne. Le « complexe de
Massada » ou de la « citadelle assiégée »
est caractéristique de cette vision du monde : les Juifs ne
pourraient compter que sur eux-mêmes pour se défendre contre des
populations non juives généralement hostiles. C’est ainsi que l’Etat
moderne d’Israël est considéré par de nombreux Juifs de la
diaspora comme « le dernier refuge », le lieu où l’on pourrait se
réfugier « au cas où … ». D’où l’importance vitale, à leurs yeux,
de le préserver en tant qu’Etat juif, ce qui implique que les
Juifs y restent, à tout prix, majoritaires.
Ceci permet de comprendre pourquoi la
majorité des Israéliens et un grand nombre de Juifs de la
diaspora, pourtant partisans inconditionnels de la « loi du
retour » qui permet aux Juifs du monde entier de devenir citoyens
de l’Etat d’Israël, refusent d’admettre le principe du droit au
retour des exilés palestiniens victimes des guerres successives
ayant opposé Juifs et Arabes en Palestine-Israël depuis 1947. Le
fait que les représentants palestiniens se déclarent depuis
longtemps prêts à négocier la mise en œuvre de ce principe n’y
change rien.
En réalité, depuis sa création,
Israël est le pays où les Juifs sont le moins en sécurité. Ce
constat ne semble pas ébranler la conviction qu’il constitue un
refuge pour les Juifs. C’est même le contraire qui se produit :
plus la politique de l’Etat juif se heurte à la résistance des
Palestiniens et à la réprobation de l’opinion publique
internationale, plus la majorité de l’opinion publique juive
israélienne et diasporique, confortée dans le sentiment que les
Juifs sont encore et toujours les victimes de l’hostilité des non
juifs, se raidit dans une attitude intransigeante. Ce qui, d’une
part, amène les électeurs israéliens à se choisir des dirigeants
de plus en plus intraitables avec les Palestiniens et, d’autre
part, fait grandir chez ceux-ci des sentiments de colère,
d’humiliation, voire de haine et de désespoir, ce désespoir qui
amène de jeunes Palestiniens, ne trouvant plus de sens à leur vie,
à chercher à en donner un à leur mort, en perpétrant des
attentats-suicides au cœur du territoire israélien. Nous sommes là
dans un tragique cercle vicieux.
Mais aujourd’hui les descendants des
victimes du judéocide sont devenus minoritaires parmi les Juifs
israéliens. Il reste donc à expliquer pourquoi le raidissement
décrit ci-avant concerne l’écrasante majorité de la population
juive d’Israël.
Dans son livre Le Septième Million,
l’historien israélien Tom Segev nous donne la clé de cette
énigme. Il y montre comment les dirigeants israéliens ont utilisé
la mémoire du génocide des Juifs par les nazis pour façonner une
identité collective israélienne. Dès leur plus jeune âge, les
enfants israéliens, quelle que soit l’histoire de leurs ancêtres,
sont élevés dans le souvenir et le culte du passé tragique des
communautés juives européennes. C’est donc l’ensemble de la
population juive israélienne qui porte le poids du passé, qui se
voit transmettre le traumatisme et ses effets secondaires, à
commencer par le « complexe de Massada ».
Le « complexe de Massada » à
l’œuvre en Belgique : un exemple
En juin 2004, quatre jeunes Juifs
religieux sortant d’une école talmudique située à Wilrijk
(banlieue d’Anvers) étaient agressés par plusieurs jeunes dont
l’un blessa grièvement un des écoliers, d’un coup de couteau. Dès
le lendemain, de nombreuses manifestations d’indignation
témoignèrent d’une émotion partagée par une grande partie de
l’opinion publique face à cette agression très vraisemblablement
de nature antisémite.
Trois jours après le drame, une manifestation de protestation eut
lieu à Bruxelles. Elle fut organisée par le Comité de Coordination
des Organisations Juives de Belgique (C.C.O.J.B.) qui regroupe la
majorité des associations juives de ce pays.
Cet événement se déroula au « Mémorial aux Martyrs Juifs de
Belgique ». Ce monument, inauguré en 1970, est un lieu hautement
symbolique puisqu’on y trouve, gravés dans la pierre, les noms de
plus de 24.000 Juifs déportés vers Auschwitz au départ de Malines
et qui n’en sont pas revenus. Le mémorial est situé au cœur d’un
quartier populaire d’Anderlecht (commune de l’agglomération
bruxelloise), où les familles de Juifs immigrés habitaient jadis
nombreux ; actuellement ce sont des familles d’origine maghrébine
qui constituent la majorité des habitants d’origine étrangère de
ce quartier.
Bien que des policiers encadraient
cette manifestation (un certain nombre de personnalités politiques
étaient présentes, parmi lesquelles des ministres), les
organisateurs avaient fait appel à un service d’ordre privé,
composé de jeunes gens aux lunettes noires, communiquant
apparemment entre eux par téléphones mobiles. Avant la
manifestation, ces gardes privés prièrent de manière très
insistante les participants de ne pas s’arrêter devant l’entrée du
mémorial (il faisait particulièrement beau ce matin-là) mais d’y
entrer sans attendre, comme s’ils redoutaient une agression.
Pendant la manifestation, ils montèrent une garde vigilante tout
autour du monument. Et à la fin de celle-ci, ils encadrèrent de
près la sortie, par groupes, en donnant la consigne aux personnes
présentes de rester groupées et de ne pas s’attarder aux abords de
ce lieu.
Tout crime raciste, parce qu’il porte
atteinte aux fondements mêmes du « vivre ensemble » dans une
société multiculturelle et démocratique, devrait, à mon avis,
susciter la protestation des citoyens, indépendamment de
l’appartenance communautaire des victimes et des agresseurs. J’ai
regretté que l’organisation de la principale manifestation
publique de protestation fût laissée à des associations émanant de
la seule communauté dont la victime était issue. A mon sens,
auraient dû être parties prenantes de cette organisation, des
associations citoyennes non communautaires comme la Ligue des
Droits de l’Homme ou le Mouvement contre le Racisme,
l’Antisémitisme et la Xénophobie (M.R.A.X.). J’aurais aussi
préféré que cette manifestation fut organisée dans un lieu moins
communautaire (même s’il témoigne d’un événement
internationalement reconnu comme un crime contre l’humanité toute
entière), plus central et symbolique non pas seulement d’une
compassion envers la victime mais aussi d’une indignation générale
en réaction à une agression contre un fondement de toute la
société. Ce lieu aurait, par exemple, pu être le Palais de
Justice.
Je ne connais pas les circonstances
exactes qui ont abouti à ce que le C.C.O.J.B. organisa seul cette
manifestation mais je sais que ni les dirigeants du C.C.O.J.B., ni
aucun représentant d’autres organisations juives n’ont critiqué
publiquement cette situation, comme si cela était dans l’ordre des
choses. Le fait que cette action de protestation contre un crime
raciste ait été organisée uniquement par des Juifs, dans un lieu
spécifiquement juif, le fait surtout que les organisateurs aient
cru utile de faire appel à leur propre service d’ordre (c’est
devenu coutumier depuis quelques années dans la communauté juive
organisée) et que celui-ci se soit donné pour tâche essentielle
d’alerter les participants quant à la prétendue dangerosité des
alentours, tout cela témoigne, selon moi, de ce qui est de plus en
plus à l’oeuvre dans les communautés juives : le repli sur soi
engendré par la peur de l’Autre.
Soixante ans après l’arrêt du
judéocide, ses séquelles psychologiques restent importantes dans
les communautés juives européennes. On peut même dire que la peur
de l’Autre grandit. J’en vois pour preuve l’utilisation par de
nombreuses institutions (écoles, synagogues, musées) et
associations juives de dispositifs sécuritaires de plus en plus
impressionnants pour protéger leurs lieux d’activités, qu’ils
soient permanents ou occasionnels.
Cette évolution s’explique bien sûr
en partie, pour ce qui concerne les relations entre les
communautés juive et arabo-musulmane, par l’exacerbation du
conflit israélo-palestinien et ses répercussions, en Europe et
ailleurs. Mais elle ne peut être séparée d’une situation plus
générale, qui ne concerne pas que les Arabes musulmans et les
Juifs.
Les ravages du « sécuritisme »
Dans le contexte de l’« après 11
septembre 2001 » et de la « guerre contre le terrorisme
international », cette tendance au repli sur sa communauté, au
refus de rencontrer l’Autre ou certains « Autres » perçus comme
inquiétants voire menaçants sont des phénomènes qui se
développent, bien au-delà de la communauté juive. L’idéologie
« sécuritaire » fait des ravages. Si au XIXe siècle, les nantis
qualifiaient de « classes dangereuses » l’immense majorité pauvre
de la population, la seconde moitié du XXe siècle a vu apparaître
le concept de « quartiers difficiles » et aussi la réalité des
quartiers riches séparés, parfois hermétiquement, de leur
environnement plus « populaire ».
En ce début de XXIe siècle, le fossé
entre riches et pauvres ne cesse de se creuser, tant au niveau de
chaque pays qu’entre les différentes parties du monde. Avec son
« axe du bien » et son « axe du mal », l’administration américaine
transpose à l’échelle planétaire les concepts de « classes
dangereuses » et de « quartiers difficiles ». Ces vocables
témoignent d’une vision manichéenne de l’humanité qui, quand elle
est le fait de dirigeants politiques et militaires, débouche
inévitablement sur des affrontements armés. Un peu partout dans le
monde, y compris dans l’Union Européenne, se retrouvent au pouvoir
des dirigeants politiques qui partagent, avec des nuances, cette
vision des choses. Elle implique que l’appareil d’Etat laisse au
second plan la solidarité sociale, l’éducation et le dialogue pour
privilégier la manière forte, que ce soit dans la manière dont il
traite les jeunes, les pauvres, les minorités, ou les étrangers.
Et depuis le 11 septembre 2001, dans le « monde occidental », les
préjugés anti-arabes et anti-musulmans se sont considérablement
développés.
L’évolution récente de la politique
israélienne et de l’opinion publique dans les communautés juives
s’explique aussi, en partie, par ce contexte international.
Pourquoi beaucoup de Juifs,
qu’ils soient israéliens ou non, confondent-ils antisémitisme et
antisionisme ?
Certains opposants au sionisme sont
antisémites, cela ne fait aucun doute. Mais il existe aussi des
sionistes antisémites. En effet, nombreux sont les non juifs qui
se proclament sionistes et, depuis la naissance du mouvement
sioniste, des antisémites ont souvent applaudi des deux mains à
l’idée du regroupement des Juifs dans un Etat qui leur serait
propre (« qu’ils rentrent dans leur pays ! »). Aux Etats-Unis, de
puissants groupes de chrétiens fondamentalistes s’affirment
sionistes et soutiennent l’Etat d’Israël … comme la corde soutient
le pendu : ils militent pour le rassemblement de tous les Juifs en
Palestine, préalable indispensable, selon eux, au jugement dernier
auquel ils aspirent … mais à l’occasion duquel ne seront sauvées
que les âmes de ceux qui auront adhéré au christianisme. Il est
donc faux de considérer que tout partisan du sionisme serait
l’« ami des Juifs ».
Il n’est pas vrai non plus que tout
opposant à cette idéologie est leur ennemi. Certaines personnes ou
courants se présentant comme antisionistes aspirent sans doute à
ce que les Juifs soient chassés du Proche-Orient.
Mais ce n’est certainement pas le cas de la majorité d’entre eux.
Ce que les opposants au sionisme ont en commun n’est pas
l’opposition à l’existence de l’Etat d’Israël mais bien à sa
définition comme « Etat juif » ou « Etat des Juifs »,
autrement dit au fait que les Juifs du monde entier y soient les
bienvenus alors que les Arabes palestiniens y sont ou bien tolérés
(il s’agit des descendants de la minorité demeurée sur place après
la première guerre israélo-arabe, celle de 1948) ou bien interdits
de séjour.
Mais un grand nombre de Juifs
considèrent de bonne foi que le fait d’être partisan de la
transformation d’Israël d’un « Etat juif » en un « Etat de tous
ses citoyens » est une manifestation d’antisémitisme. Comment
l’expliquer ?
Tout simplement parce qu’ils sont
imprégnés de l’idéologie sioniste. Rappelons qu’au cœur de cette
doctrine on trouve la conviction que l’antisémitisme ne peut être
éradiqué des peuples du monde. De quelque tendance qu’ils se
réclament, tous les partis et mouvements sionistes de notre époque
considèrent que la sécurité et même la survie des Juifs dépendent
de l’existence d’un « Etat juif » en Palestine-Israël, considéré
comme un refuge destiné à accueillir tous les Juifs du monde qui
le souhaiteraient. Mais pour garantir le « caractère juif » de l’Etat
d’Israël, il faut que les Juifs y détiennent le pouvoir politique.
Et pour ceux des sionistes qui se veulent démocrates (la majorité
d’entre eux), il est absolument nécessaire que les non-juifs y
restent minoritaires de manière à ce que ne puissent être
démocratiquement remis en question les fondements inégalitaires de
cet Etat, à savoir la « loi du retour » qui permet aux Juifs du
monde entier de devenir citoyens d’Israël, les mesures qui
empêchent au contraire le retour des exilés palestiniens et de
leurs descendants ainsi que les autres lois favorisant les
citoyens juifs d’Israël aux dépens des autres, à commencer par
celles qui concernent l’accès à l’usufruit et à la propriété
immobilière et terrienne.
Notons que pour beaucoup de Juifs,
l’existence d’un Etat juif constitue aussi une protection contre
un autre « danger mortel » qui les guetterait :
l’« assimilation ». Vivant au sein d’une population
majoritairement non juive, les Juifs perdraient leur identité en
quelques générations, du fait des mariages « mixtes ». Le judaïsme
cesserait d’exister.
L’affirmation répétée depuis des
décennies par les sionistes selon laquelle l’Etat d’Israël serait
« la seule démocratie du Moyen-Orient » m’inspire les remarques
suivantes :
o
Ce jugement ne tient
certainement plus face à l’évolution politique récente du Liban.
o
C’est l’Etat israélien qui
empêche, par son occupation militaire (non démocratique !), la
naissance d’un Etat démocratique palestinien.
o
Une particularité de
la « démocratie » israélienne la différencie nettement de ce qu’en
Europe l’on considère généralement comme une société véritablement
démocratique. Pour les dirigeants politiques israéliens, la
démocratie semble être comprise comme la domination de la majorité
sur la minorité. Cet Etat est en effet dépourvu d’une Constitution
qui garantirait à chaque citoyen des droits démocratiques
individuels tels que l’égalité devant la Loi ou le droit à
l’éligibilité : « En Israël, personne n’a de droits acquis par
le seul fait d’être citoyen. Les droits peuvent être abolis par un
vote majoritaire : l’immunité parlementaire aux députés arabes,
l’éligibilité de quiconque ne répond pas à certains critères
politiques ou idéologiques (qui peuvent changer en fonction de
telle ou telle majorité parlementaire), la légalité d’un parti qui
considère dans son programme qu’Etat juif et Etat démocratique
sont des notions contradictoires, la citoyenneté d’Arabes qui
auraient des liens avec « le terrorisme », etc. ».
Pour que l’Etat d’Israël ne soit plus
celui des Juifs du monde entier, pour qu’il devienne l’Etat de
tous ces citoyens, traités sur pied d’égalité (autrement dit une
démocratie digne de ce nom), il faudrait que soit abrogée la « loi
du retour ». Dans ces conditions, il fait peu de doute qu’à moyen
terme les Juifs israéliens deviendraient minoritaires dans leur
pays. C’est cela que les sionistes ne peuvent accepter. Car ils
sont obsédés par la démographie : dans leur vision du monde il y a
les Juifs, très minoritaires (ils sont vraisemblablement
aujourd’hui entre 15 et 16 millions) et les autres, au nombre
approximatif de 6 milliards et demi, parmi lesquels les musulmans
sont plus de 1,2 milliard et les chrétiens plus de 2 milliards.
Selon Denis Charbit, les nationalistes juifs modérés, conscients
de l’injustice qu’engendrerait pour les Palestiniens la création
d’un Etat juif en Palestine ont, depuis longtemps, résolu leur
dilemme moral en considérant que pour les Juifs, en dehors de la
Palestine, « il n’est « point d’autre centre ni d’autre
patrie » alors que la nation arabe s’étend de Damas à Bagdad, et
jusqu’à la Mecque. Autrement dit : « si nous perdons ce pays, nous
avons tout perdu », ce qui n’est pas vrai pour l’autre camp :
seule l’intégrité de la patrie et de la nation arabe en serait
affectée, pas sa totalité ; à peine un vingtième du territoire et
de la population. »
« Si nous perdons ce pays, nous
avons tout perdu » : cette idée est actuellement partagée par
un grand nombre de Juifs de la diaspora. Imaginer le monde sans un
Etat-refuge réservé aux Juifs les remplit d’angoisse … alors qu’en
même temps de moins en moins de Juifs voudraient voir leurs
enfants s’installer en Israël, persuadés qu’ils sont qu’ils y
risqueraient leur vie !
Cette angoisse conduit de très
nombreux Juifs ne vivant pas en Israël à perdre tout esprit
critique vis-à-vis de « leur » Etat et à fermer les yeux sur la
politique qu’il mène « dans l’intérêt des Juifs du monde entier ».
Ceci alors que le souci des dirigeants israéliens de maintenir à
tout prix la domination juive sur un maximum de territoires de
Palestine les conduit à mener une politique qui bafoue
continuellement les résolutions de l’O.N.U., les Conventions de
Genève concernant les obligations d’une puissance occupante
vis-à-vis des victimes de cette occupation et les plus
fondamentaux des Droits humains.
Au-delà de la question du « péril
démographique », le fait de considérer les non-juifs comme
potentiellement dangereux conduit les tenants de toutes les
tendances du sionisme contemporain à prôner un « développement
séparé » des Juifs et des Palestiniens. C’est largement le cas en
deçà de la « ligne verte »
ou la cohabitation de membres des deux communautés nationales dans
les mêmes localités est rarissime. Et la séparation est totale
dans les territoires occupés où règne un apartheid de la pire
espèce matérialisé aujourd’hui par les routes réservées aux
colons, les « check points » et la « clôture de sécurité ». La
« dangerosité » potentielle des Palestiniens implique aussi que
les sionistes ne peuvent envisager leur existence étatique que
désarmée. Si la « gauche »
sioniste défend ardemment l’« Initiative de Genève » c’est que ce
plan de paix entérine la vision sioniste de la co-existence entre
Juifs et non-juifs en Israël-Palestine : séparation physique,
maintien du surarmement israélien et démilitarisation de l’Etat
palestinien.
Mon antisionisme
Le sionisme a-t-il réussi ?
A première vue oui puisque son
objectif était la création d’un « Etat des Juifs » en Palestine et
que cet Etat existe et est reconnu par la Communauté
internationale depuis plus d’un demi siècle.
En réalité, si on y regarde de plus
près, c’est un échec cuisant :
o
Le but fondamental des
sionistes était, par la création de cet Etat, de mettre les Juifs
européens à l’abri de l’antisémitisme. Or l’endroit où les Juifs
sont le moins en sécurité est, depuis sa fondation, l’« Etat des
Juifs ».
o
Les deux tiers des Juifs
vivent hors de la Palestine/Israël et sont plus en sécurité que
les Juifs israéliens.
o
Tout en prétendant créer un
« homme nouveau », le mouvement sioniste se voulait le garant de
la préservation de l’héritage culturel juif, particulièrement
celui des Juifs européens. Mais l’identité culturelle juive
israélienne est très différente et surtout très diversifiée. Ce
qui ne va pas sans de fortes tensions : sur le plan religieux,
entre pratiquants et non pratiquants, entre ashkénazes
(originaires de l’Europe non méditerranéenne) et sépharades
(originaires des pays méditerranéens), entre Africains et
Asiatiques. Des querelles interminables opposent différents
groupes pour définir les critères permettant de décider qui est
juif et qui ne l’est pas.
o
La société israélienne se
militarise : à l’exception des membres de certaines communautés
religieuses, chaque jeune Juif israélien, qu’il soit fille ou
garçon, est soumis, depuis l’âge de dix-huit ans, à de lourdes
obligations militaires tandis que de plus en plus d’anciens
militaires de carrière occupent des postes clés, particulièrement
dans les domaines politique et celui de l’éducation. De sorte que
les valeurs militaires d’héroïsme et de sacrifice patriotique
imprègnent fortement la jeunesse.
o
La société israélienne connaît
un naufrage moral, souligné dès les années 1970 par Israël Shahak,
alors président de la Ligue Israélienne des Droits de l’Homme
: discriminations, exploitation économique, oppression, tortures.
Depuis sa fondation, les choix
politiques effectués par l’Etat d’Israël, au nom de la conception
sioniste de « l’intérêt des Juifs du monde entier », l’ont amené à
bafouer sans cesse la légalité internationale. Cela n’a été
possible que moyennant la protection et le soutien indéfectible
des Etats-Unis d’Amérique, tant sur le plan politique,
qu’économique et militaire. Il ne fait aucun doute que, sans ce
soutien, l’Etat israélien ne pourrait survivre qu’à condition de
se conformer enfin au Droit international.
En février 2001, les Juifs israéliens
se sont choisis comme premier ministre un général qu’ils avaient
eux-mêmes chassé du pouvoir en 1982 pour sa responsabilité, en
tant que Ministre de la Défense, dans les massacres de Sabra et
Chatila. Ariel Sharon a mené une politique d’une agressivité
jamais vue à l’encontre des Palestiniens des territoires occupés ;
il n’a apporté aux Israéliens ni la paix, ni la sécurité ; la
situation économique de l’Etat d’Israël n’a fait qu’empirer et la
fracture sociale n’a cessé de grandir. Pourtant, durant les cinq
années que Sharon a passées à la tête du gouvernement, les deux
tiers des Israéliens, persuadés que leur pays était en guerre, ont
continué à soutenir ce général « qui les protégeait des
terroristes » … ou à le trouver trop conciliant vis-à-vis des
Palestiniens.
Il fut un temps ou des militants
sionistes (donc partisans d’un rassemblement national des Juifs en
Palestine), défendaient le principe de l’égalité complète entre
Arabes et Juifs vivant en Palestine. Ce fut le cas, dans les
années 1920-1930, du mouvement Brit Shalom (L’Alliance
pour la Paix), qui se battait avec acharnement pour « parvenir
à un accord entre Juifs et Arabes sur la forme de leurs
relations sociales en Palestine, sur base de l’égalité absolue des
deux peuples culturellement autonomes »,
autrement dit pour la constitution d’un Etat binational. Mais dès
le début des années 1940, Brit Shalom avait définitivement
perdu son combat. Il n’existe actuellement aucun mouvement ou
parti se réclamant du sionisme et défendant l’égalité complète des
droits des deux peuples vivant en Israël-Palestine.
Aujourd’hui, l’idéal sioniste d’un
Israël, « Etat des Juifs » sert à justifier l’injustifiable :
o
les nombreuses discriminations
à l’encontre du million de Palestiniens qui sont citoyens de l’Etat
d’Israël ;
o
l’occupation et la
colonisation des territoires conquis en 1967 que sont
Jérusalem-est, la Cisjordanie et le plateau syrien du Golan ;
o
les confiscations de terres ;
o
le pillage des ressources en
eau ;
o
les destructions de
bâtiments ;
o
les arrachages de dizaines de
milliers d’arbres ;
o
les couvre-feux ;
o
les « bouclages » des villes
et villages palestiniens de Cisjordanie
;
o
l’interdiction pour tout
citoyen Israélien de se rendre dans ces villages et ces villes :
cette mesure, officiellement justifiée par des raisons de
sécurité, contribue efficacement à empêcher les rencontres entre
Israéliens et Palestiniens de Cisjordanie ; rien de tel pour
favoriser encore plus la peur de l’Autre et sa diabolisation ;
o
la construction, en territoire
occupé, d’une « barrière de sécurité » de plusieurs centaines de
kilomètres au prix d’immenses destructions, d’encore plus de
confiscations de terres et de réserves d’eau ainsi que de très
sévères restrictions à la liberté de circuler pour les
Palestiniens;
o
les arrestations et les
emprisonnements arbitraires ;
o
les mauvais traitements
infligés aux prisonniers ;
o
les assassinats « ciblés » et
leurs « dégâts collatéraux ».
Les défenseurs de ces abominations
soutiennent que c’est l’attitude agressive des Palestiniens à
l’égard des Juifs qui ont amené les autorités israéliennes à de
telles extrémités. Ils ajoutent souvent que rien de tel ne serait
arrivé si les Palestiniens avaient accepté le plan de partage de
la Palestine décidé par l’O.N.U. en 1947. Mais, outre le fait
qu’il ne fait aujourd’hui aucun doute que les dirigeants sionistes
n’avaient alors nullement l’intention de se satisfaire de ce plan
de partage,
quel peuple aurait pu accepter que plus de la moitié du territoire
où il vivait devienne l’Etat d’un autre peuple venu d’ailleurs ?
Toujours au nom de ce qu’ils
présentent comme une nécessité vitale pour les Juifs, les
sionistes voudraient que les Palestiniens renoncent à ce que leur
soit reconnu le principe du droit au retour des exilés (principe
reconnu par le Droit international et, pour ce qui concerne le cas
palestinien, par plusieurs résolutions des Nations Unies). Ils ne
peuvent admettre que si les Palestiniens sont prêts, depuis fort
longtemps, à négocier la manière de concrétiser la reconnaissance
de ce droit (lieux d’établissement, compensations, dédommagements,
…), ils ne pourront jamais accepter qu’il ne leur soit pas
reconnu.
Cependant, même s’il s’est constitué
sur base d’une profonde injustice commise envers le peuple
palestinien, le peuple juif israélien est aujourd’hui une réalité
incontournable. Mais 20 % des citoyens israéliens font partie d’un
autre peuple. Cette réalité-là est également à prendre en compte.
La co-existence égalitaire de deux peuples (ou plus) dans un même
Etat ne constitue pas du tout un problème insoluble, comme le
prouvent de nombreux cas existant dans des Etats démocratiques
tels que … la Belgique.
Même si, d’accord sur ce point avec
les militants sionistes de Brit Shalom, je crois qu’à terme, la
solution politique la plus démocratique et la plus viable,
économiquement et humainement sera l’Etat binational, je ne suis
pas opposé, dans le contexte actuel, à la co-existence, sur le
territoire de la Palestine mandataire de deux Etats, l’un à
majorité juive, l’autre à majorité palestinienne. A condition que
l’un comme l’autre renoncent à discriminer leurs minorités
nationales. Mais dans les faits, depuis 1988 (année de la
reconnaissance par le Conseil National Palestinien de l’existence
de l’Etat d’Israël dans ses frontières du 4 juin 1967) les
opposants les plus résolus à la solution à deux Etats sont les
gouvernements israéliens successifs qui n’ont jamais cessé, depuis
la conquête de la Cisjordanie en 1967, d’occuper ce territoire et
d’y développer une colonisation de peuplement.
*****
Je m’oppose à l’idéologie sioniste
parce que la création, en Palestine, d’un « Etat-refuge » pour les
Juifs du monde entier s’est faite aux dépens du peuple palestinien
alors que, dans les faits, l’existence de cet Etat ne met
absolument pas les Juifs, qu’ils soient israéliens ou non, à
l’abri des persécutions antisémites.
Je m’y oppose aussi parce que sa
seule réponse à l’antisémitisme est le repli sur soi, concrétisé
par l’appel au « retour » de tous les Juifs en « Terre promise ».
Cette position s’accorde parfaitement aux discours xénophobes
prônant le « chacun chez soi ».
Je ne suis pas opposé à l’existence
de l’Etat d’Israël mais partisan de sa « désionisation ». Ceci
implique qu’il renonce à être l’Etat des Juifs du monde entier
pour devenir, comme toute démocratie digne de ce nom, un Etat
traitant tous ses citoyens de la même manière.
Si je combats l’idéologie sioniste
c’est parce qu’elle sert à justifier une politique contraire aux
Droits de l’Homme qui a provoqué et aggrave sans cesse
l’interminable malheur du peuple palestinien tout en conduisant à
terme le peuple juif israélien tout droit vers l’abîme.
Michel Staszewski,
professeur d'histoire dans le secondaire,
membre de l'Union des
Progressistes Juifs de Belgique,
co-auteur du "Manifeste pour un juste
règlement du conflit israélo-palestinien. Des Juifs de
Belgique s'impliquent et s'expliquent." (décembre 2000 -
voir
http://www.israel-palestine.be
) |
Eretz Israël : « Terre d’Israël » ou « Pays
d’Israël » : Ce terme couvre tous les territoires qui ont à un
moment ou l'autre fait partie d'un des Royaumes juifs à
l'époque du Premier et du Second Temple, c'est-à-dire en plus
de la Palestine, une partie importante de l'actuelle Jordanie.
Aujourd’hui, rares sont cependant les sionistes qui
revendiquent encore l’ensemble de ces territoires.
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