Retour

Le Quartet, l’Europe et l’aide : contorsions
publié le mercredi 17 mai 2006

F. Leblon

Catastrophe humanitaire, catastrophe sanitaire...
on ne sait toujours pas comment, ni quand,
les salaires des 160 000 fonctionnaires seront payés.

 

 

Madame Benita Ferrero-Waldner est la commissaire européenne aux relations extérieures. Elle a dernièrement écrit, dans le journal Le Monde, qu’il nous faut comprendre que la commission européenne n’a pas suspendu son aide au peuple palestinien et qu’il faut ensuite réaliser que cette suspension frappe uniquement l’aide budgétaire accordée directement au gouvernement de l’Autorité palestinienne ou passant par lui, ajoutant : nous ne pourrions pas nous seuls empêcher une catastrophe humanitaire, même si nous mobilisions en un jour la totalité de notre aide annuelle. Il faut rester lucide sur l’influence réelle de la communauté internationale.

Alors que le même jour la Banque Mondiale a estimé que la crise financière provoquée par la suspension des aides risquait de paralyser l’autorité palestinienne et craignait un effondrement des institutions palestiniennes qui anéantirait en quelques semaines des années de travail !

Selon Louis Michel, commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire, ce sont bientôt près de 2,5 millions de Palestiniens qui vont se trouver en situation de pénurie alimentaire, si la dégradation de la situation continue. Il considère qu’il est impossible de mener des actions humanitaires sans un minimum de contacts avec les autorités palestiniennes. Il affirme que vouloir amener le Hamas à remplir des conditions ne peut se traduire par une absence totale de contacts avec les autorités locales.

L’Union Européenne, piégée par sa décision de geler toute aide directe à l’Autorité palestinienne, cherche des modes alternatifs pour l’acheminement de l’aide.

Ainsi la Commission européenne s’apprête-t-elle à proposer aux 25 Etats membres de débloquer 34 millions d’euros en aide humanitaire qu’elle voudrait voir distribuée par le biais d’un fonds d’aide aux Palestiniens qui serait géré par le Quartet.

Madame Ferrero-Waldner, toujours elle, a indiqué que ce fonds pourrait être utilisé peut-être par des donateurs arabes et autres. Et même peut-être par Israël !

Tandis que Jacques Chirac souhaite que soit créé un fonds fiduciaire, géré directement par la Banque Mondiale, pour verser directement les salaires des fonctionnaires, et ce dès la prochaine réunion du Quartet : une action est nécessaire et même urgente... la communauté internationale a une responsabilité politique à laquelle elle ne doit pas se dérober.

Finalement le Quartet, qui s’est réuni à New York le 10 mai, a opté pour la création d’un fonds temporaire d’aide qui contournerait le gouvernement palestinien. Washington, le sheriff du monde qui fait la loi à l’Ouest, a accepté la mise au point d’un mécanisme temporaire international qui devra être soumis à son accord.

L’Union Européenne a été chargée de la création de ce mécanisme qui doit être limité dans sa portée et dans sa durée, et dont le fonctionnement doit être transparent et responsable.

Kofi Annan demande qu’il soit mis en place le plus rapidement possible, et évalué au bout de trois mois.

Mais alors que Saeb Erekat, conseiller de Mahmoud Abbas, souhaite que ce soit fait immédiatement, pour éviter une catastrophe humaine, Madame Ferrero-Waldner a déclaré que la mise en place du mécanisme est compliquée, ce n’est pas une question de jours... j’espère que c’est une question de semaines. Elle propose de tenir une réunion d’experts à Bruxelles afin de déterminer les paramètres du mécanisme !

Le Hamas a déclaré apprécier les efforts du Quartet pour soulager les souffrances des Palestiniens du fait du blocus occidental, mais estime qu’il aurait pu se montrer plus positif vis à vis d’un gouvernement élu et représentatif.

Et on ne sait toujours pas comment, ni quand, les salaires des 160 000 fonctionnaires seront payés.

Actuellement, alors que les salaires ne sont plus payés depuis au moins deux mois, le gouvernement palestinien ne peut recevoir les fonds promis par les pays arabes : les banques, qui ont subi des pressions, craignent des sanctions des États-unis.

Des responsables du Hamas et certains diplomates occidentaux expliquent que l’objectif de Washington est de renforcer la position de Mahmoud Abbas tout en empêchant le fonctionnement de l’Autorité palestinienne. Et mettre à mal l’unité palestinienne qu’Arafat avait toujours cherché à préserver.

Même les ONG financées par les États-unis respectent l’interdiction d’avoir des contacts avec le Hamas. Déjà de graves pénuries s’installent : les hôpitaux manquent de médicaments et d’autres produits pharmaceutiques de base, bientôt les soins non urgents devront être reportés. Jusqu’à quand ?

Le journal Le Monde peut titrer avec raison ’Palestine : une catastrophe sanitaire annoncée’.

Catastrophe humanitaire, catastrophe sanitaire, c’est ce qui risque le plus sûrement de se produire si le peuple palestinien doit attendre encore plusieurs semaines des décisions d’experts !

Et voilà que le gouvernement français, qui s’est jadis montré plus actif en faveur des Palestiniens, emboitant le pas aux interdictions occidentales, vient de refuser des visas d’entrée sur notre territoire à des personnalités politiques palestiniennes -ministre et élu du conseil législatif palestinien- invitées à participer au Forum sur le dialogue euro-européen qui s’est tenu à l’IMA ou représentant du gouvernement palestinien invité à une réunion européenne à Strasbourg !

Cet affront fait à des représentants du peuple palestinien est un affront fait au peuple qui les a choisis et une violation du droit des peuples à choisir librement leurs représentants.

Mais Israël peut poursuivre ses opérations criminelles : il n’y aura ni boycott ni sanctions.

Françoise Leblon, Afps, 14 mai 2006 (avec dépêches de AFP, AP, Reuters)

Retour