Palestine : le double langage des Occidentaux POLITIS - jeudi 18 mai 2006 Mériem Bouchefra et Denis Sieffert La suspension de l’aide aux Palestiniens, décidée par les pays occidentaux à la suite de la victoire du Hamas aux élections législatives, résulte de quelques contre-vérités et d’un raisonnement spécieux visant toujours à faire porter aux colonisés la responsabilité de la colonisation. Retour sur ces arguties qui ne correspondent à aucune logique ni à aucune vérité. À la suite des élections législatives du 25 janvier dernier, le Canada et les États-Unis, suivis par l’Union Européenne et le Japon, ont décidé de suspendre leur aide financière aux territoires palestiniens. Motif : le Hamas, grand vainqueur de ce scrutin, est considéré comme une organisation terroriste par les Européens et les Américains. La communauté internationale avait d’abord émis des conditions à la poursuite de son aide dans les territoires : l’abandon de la violence ainsi que la reconnaissance d’Israël et des accords israélo-palestiniens passés. Devant le refus prévisible du mouvement islamiste, les principaux bailleurs de fonds de la Palestine ont décidé de suspendre leur aide directe, tout en poursuivant une aide humanitaire. Une distinction sibylline qui vaut son pesant d’hypocrisie. Mais aussi l’annonce d’une catastrophe humanitaire. 1/Une analyse « erronée » de l’élection palestinienne</> On peut évidemment s’interroger sur le bien-fondé de cette suspension des aides. Elle intervient comme une punition à l’encontre d’une population après un vote pourtant irréprochable d’un point de vue démocratique, mais qui ne correspondait pas aux attentes des occidentaux. Leur politique est pourtant, comme on le verra, directement à l’origine de la victoire du Hamas. Mais, surtout, cette décision résulte d’une analyse au minimum « erronée » de la signification des élections palestiniennes. Tous les sondages et les enquêtes en témoignent : les Palestiniens n’ont pas voté pour la Charte du Hamas qui préconise la destruction d’Israël. Par leur vote, ils ont désavoué les responsables du Fatah, leur corruption et, plus encore, leur stratégie de concessions à Israël dont les Palestiniens n’ont tiré en treize ans (depuis les accords d’Oslo, en 1993) aucun profit. Or, si le Fatah n’a pas été en situation de remporter les élections de janvier, c’est que sa politique conciliante de négociation a essuyé rebuffades sur rebuffades de la part des Israéliens. Pour que cette politique ait été légitimée aux yeux du peuple palestinien, il aurait fallu qu’Israël respecte et valorise ceux qui, dans la société palestinienne, avaient accompli l’acte historique de reconnaître l’État hébreu, et cela il y a déjà dix-huit ans. On sait que c’est tout le contraire qui a été fait. Une analyse « erronée » donc, ou plus probablement de très mauvaise foi...</> 2/L’aide n’est pas un acte humanitaire, mais une compensation politique Les Palestiniens n’auraient pas besoin d’aide, au moins à ce niveau, s’ils avaient pu fonder un État souverain, être libérés de l’occupation, et construire librement une société plusieurs fois anéantie par les raids de l’aviation israélienne. L’impunité dont jouit Israël et le refus occidental de mettre en oeuvre les résolutions des Nations unies enjoignant à l’occupant de quitter les territoires sont donc directement à l’origine de la situation des Palestiniens. Pour le dire plus clairement encore, la nécessité d’une aide résulte directement de la lâcheté politique des Occidentaux. Il ne s’agit pas seulement d’une mission humanitaire, mais d’un devoir moral en regard d’un devoir politique qui n’est pas rempli. Présenter l’aide comme « humanitaire » revient à ranger la colonisation et l’occupation d’un peuple par une armée au rang de catastrophe naturelle.</> 3/Un chantage à la vie Les conséquences de cette décision sont désastreuses. Et la situation ne va aller qu’en s’aggravant. Les territoires palestiniens sont en effet fortement dépendants de l’aide internationale du fait de l’occupation israélienne. En 2005, ils ont reçu environ 1,3 milliard de dollars de la part de l’ensemble de la communauté internationale. Si 350 millions de dollars sont versés directement à l’Autorité palestinienne afin de soutenir son budget, la majeure partie des sommes allouées aux Palestiniens concerne l’aide humanitaire (500 millions de dollars) et l’aide au développement (450 millions de dollars). L’Union Européenne, qui est le premier soutien financier des Palestiniens avec 500 millions d’euros par an, a ainsi tenu à préciser que la suspension de l’aide internationale aux Palestiniens ne concernait que l’aide directe au gouvernement, qui ne constitue donc que le quart de l’aide totale apportée. Mais, avec cette suspension de l’aide internationale, c’est toute l’économie palestinienne qui est touchée. Dans un rapport daté du 16 mars, la Banque mondiale prévoit que 75 % des Palestiniens vivront sous le seuil de pauvreté si la communauté internationale ne revient pas sur sa position. Aujourd’hui, ce sont déjà 60 % qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, et même 78 % pour la seule population de Gaza, avec moins de 2,10 dollars par jour et par personne. Ce sont les secteurs de la santé et de l’éducation qui seront touchés en premier. Lire la suite et l’ensemble de notre dossier dans Politis n° 902 http://www.politis.fr/article1698.html |