29 septembre 2006
LE STATUT DE JÉRUSALEM
Patriarches et Chefs des Églises
chrétiennes locales
à Jérusalem
Une fois encore, nous
avons connu une nouvelle période de violence mortelle dans
la guerre au Sud
Liban. Et jusqu'à aujourd'hui, nous ne cessons d'être
confrontés à la mort et à la démolition à Gaza, et
à plus d'insécurité dans
la société israélienne. C'est pourquoi nous disons qu'il est
grand temps de
commencer un effort sérieux, par toutes les parties, pour
une paix totale, juste et définitive. De plus,
nous croyons que la
paix doit commencer dans la cité sainte de Jérusalem.
C'est pourquoi nous
présentons la déclaration suivante espérant qu'elle
apportera une modeste
contribution à la
naissance de la paix sur notre terre.
En 1994, nous, Patriarches et
Chefs des Églises chrétiennes locales à Jérusalem, nous
avons publié un mémorandum
sur la « Signification de Jérusalem pour les Chrétiens» qui
insistait sur le caractère chrétien de Jérusalem et sur
l'importance de la présence chrétienne en elle. Le
mémorandum parlait
aussi du statut politique spécial qui doit s'accorder avec
sa nature de ville sainte. Depuis ce temps-là,
nous avons vu une tendance
croissante chez les autorités politiques à décider du sort
de la ville et à
définir son statut de façon unilatérale. L'accès d e nos
fidèles à Jérusalem, de même que celui du personnel
religieux, reste toujours difficile. Avec la construction du
mur, une grande partie de nos
fidèles de Jérusalem se
trouve exclue de la ville sainte, et, selon les plans
publiés par la presse locale,
un nombre plus grand
encore en sera exclu dans l'avenir. Entourée de murs,
Jérusalem n'est plus le
centre et le coeur de la
vie comme elle devrait l'être.
Nous voyons qu'il est de
notre devoir d'attirer l'attention des Autorités locales,
comme de la
communauté internationale et des Églises du monde, sur cette
situation très grave et d'appeler à un
effort concerté afin de
chercher à trouver une vision commune pour le statut de la
ville sainte, basée
sur les résolutions
internationales et prenant en considération les droits des
deux peuples et des trois
religions en elle.
Dans cette cité, dans
laquelle Dieu voulut parler à l'humanité et réconcilier les
peuples avec lui-même
et entre eux, nous
élevons notre voix pour dire que les chemins suivis jusqu'à
maintenant n'ont pas
apporté la paix à la
ville et n'ont pas ramené la vie normale à ses habitants.
C'est pourquoi, ils doivent
être changés. Les chefs
politiques doivent arriver à une nouvelle vision et trouver
de nouveaux
moyens d'action.
Dans le plan même de
Dieu, trois religions et deux peuples furent amenés à vivre
ensemble dans cette
ville. Nous estimons
qu'ils doivent continuer à vivre ensemble dans l'harmonie,
le respect, la
coopération et l'acceptation mutuelle.
1. Jérusalem, ville
sainte et ville de la vie quotidienne pour deux peuples et
trois religions
Jérusalem, patrimoine de
l'humanité et ville sainte, est aussi la ville de la vie
quotidienne pour ses
habitants, Palestiniens
et Israéliens, Juifs, Chrétiens et Musulmans, et pour tous
ceux qui sont liés à
eux par des liens de
parenté et pour qui elle est le lieu de la prière, de
l'école, de l'hôpital ou du
gagne-pain de chaque
jour. Non seulement les souvenirs historiques et les lieux
saints de pèlerinage, mais aussi les communautés vivantes
des croyants, juifs, chrétiens et musulmans, rendent la
ville de
Jérusalem chère et unique pour chacune des trois grandes
religions monothéistes. Lieux saints et
communautés humaines
vivantes sont inséparables.
De plus, le caractère
sacré de la ville sainte et les besoins de ses habitants y
ont attiré et y attirent
aujourd'hui encore de
nombreuses institutions religieuses. Celles-ci furent
reconnues et acquirent des
gouvernements
successifs, au long des siècles, des droits qui leur
permirent de s'acquitter de leurs
obligations à l'égard de
la ville sainte et de ses habitants. En conséquence, les
droits fondamentaux
des personnes et des
communautés doivent y être respectés :
pour les personnes, les
droits fondamentaux qui leur permettent d'exercer leurs
devoirs religieux, politiques et sociaux, et de
répondre à leurs besoins éducatifs, culturels et médicaux ;
et pour les communautés,
le droit de
posséder, de gérer librement les oeuvres nécessaires pour
leur ministère et leur développement humain
intégral -
églises, monastères,
écoles, hôpitaux, oeuvres sociales, instituts pour études
théologiques et
bibliques, services d'accueil des pèlerins, etc. -
Cela inclut aussi le
droit d'importer le personnel et de disposer des
moyens nécessaires pour le bon fonctionnement de ces
institutions. |
2. Exigences pour une
solution juste et durable à la question de Jérusalem
L'avenir de la ville
doit se décider d'un commun accord, par la collaboration et
la consultation, et ne
doit pas être imposé par
la puissance ou la force. Les décisions unilatérales ou une
solution imposée continueront à mettre en danger la
paix et la sécurité.
Diverses solutions sont
possibles. La ville de Jérusalem pourrait rester unifiée,
avec une souveraineté
partagée, exercée à
égalité par les Israéliens et les Palestiniens. Elle
pourrait être aussi divisée, si tel
était le désir de ses
deux peuples, avec deux souverainetés distinctes, afin
d'arriver à une véritable unité des coeurs dans les
deux parties de la ville. Le mur qui a déchiré la ville en
plus d'un point et qui a exclu un grand nombre de ses
habitants devrait faire place à une éducation à la confiance
et à l'acceptation
mutuelle.
Face à l'incapacité des
parties impliquées à trouver, jusqu'à aujourd'hui, une
solution juste et durable, l'aide de la communauté
internationale est nécessaire. Dans l'avenir aussi, cette
aide devrait continuer sous la forme de garanties qui
assurent la stabilité des- accords auxquels les deux parties
seront arrivées.
Nous recommandons de
créer aussitôt que possible un comité ad hoc afin de
réfléchir sur l'avenir de la ville. A ce comité les
Églises locales doivent pouvoir participer.
3. Statut spécial
- Ville ouverte
Jérusalem, ville sainte,
patrimoine de l'humanité, et ville de deux peuples et de
trois religions, a un caractère unique qui la distingue de
toutes les villes du monde et qui dépasse toute souveraineté
politique locale. «
Jérusalem est trop précieuse pour dépendre exclusivement
d'autorités politiques
nationales ou
municipales » (cf. mémorandum 1994). Ses deux peuples sont
les gardiens de sa sainteté
et portent la double
responsabilité d'y organiser leur vie et d'y accueillir tous
les « pèlerins » du
monde. La collaboration
internationale requise n'est pas supposée remplacer le rôle
et la souveraineté
de ses deux peuples.
Elle est plutôt requise afin d'aider ses deux peuples à
arriver à la définition et à la
stabilité du statut
spécial de la ville. C'est pourquoi, au plan concret,
politique, économique et social,
ses deux peuples doivent
donner à Jérusalem un statut spécial qui corresponde à son
double caractère,
d'un côté, de ville sainte et universelle et, de l'autre, de
ville ordinaire et locale où se déroule leur vie
quotidienne. Une fois ce
statut trouvé et défini, la communauté internationale est
appelée à le confirmer par des garanties
internationales qui assureront la paix stable et le respect
pour tous.
Les composantes de ce statut
spécial sont les suivantes
·
Le droit humain d e
liberté d e culte et de conscience pour tous, individus et
communautés
religieuses (cf. mémorandum 1994) ;
·
L'égalité devant les
lois, de tous ses habitants en conformité avec les
résolutions
internationales ;
·
Le
libre accès à Jérusalem,
pour tous, citoyens, résidents ou pèlerins, en tout temps,
de guerre ou de
paix. C'est pourquoi Jérusalem doit être une ville ouverte
;
·
« Les droits de
propriété, de garde et de culte que les différentes Églises
ont acquis à travers
l'histoire doivent
continuer à être détenus par les mêmes communautés. Ces
droits, déjà
protégés par le Statu Quo des Lieux Saints selon les
`firmans' et les autres documents
historiques, doivent
continuer à être reconnus et respectés » (cf. mémorandum
1994) ;
·
Quelle que soit la
solution envisagée, les divers Lieux Saints chrétiens de la
ville, partout où
ils sont, doivent rester
géographiquement unis entre eux. |
Conclusion
Pour les Juifs, les Chrétiens
et les Musulmans, Jérusalem est un haut-lieu de la
Révélation et de la
rencontre de Dieu avec les hommes. C'est pourquoi, nous ne
pouvons rester indifférents à son sort et nous ne pouvons
garder le silence face à ses souffrances présentes :
« Pour la cause de
Jérusalem, je ne
me tiendrai pas tranquille, jusqu'à ce que ressorte, comme
une clarté, sa justice, et son salut, comme un
flambeau qui brûle » (Is 62,1).
Nous lançons un appel solennel
à tous les chefs religieux dans cette Terre Sainte à la
collaboration afin d'arriver à une vision commune de la
ville qui puisse unifier les coeurs de tous les croyants.
Nous appelons nos
autorités politiques à rechercher de commun accord et en
collaboration avec les autorités
religieuses une solution
qui réponde au caractère sacré de la ville.
Nous espérons que notre appel
puisse être entendu et que les chefs politiques puissent
respecter la nature de cette ville sainte et se montrer
capables enfin d'arriver à un accord définitif qui fasse de
Jérusalem vraiment le
signe de la présence de Dieu et de sa paix parmi tous les
peuples.
- Patriarche Theophilos
III, Patriarcat Grec Orthodoxe
-
Patriarche Michel
Sabbah, Patriarcat Latin
- Patriarche Torkom II,
Patriarcat Arménien Apostolique Orthodoxe
-
Pier Battista
Pizzaballa, ofm, Custode de Terre Sainte
- Anba Abraham, Patriarcat Copte Orthodoxe
- Swerios Malki Mourad, Patriarcat Syrien Orthodoxe
- Abune Grima,
Patriarcat Ethiopien Orthodoxe
- Paul Nabil Sayah, Exarchat Patriarcal Maronite
- Riah Abu Al-Assal,
Eglise Episcopalienne à Jérusalem et au Moyen Orient
- Mounib Younan, Eglise
Luthérienne Evangélique en Jordanie et en Terre Sainte
- Pierre Malki, Exarchat
Patriarcal Syrien Catholique
-
George Bakar, Exarchat Patriarcal Grec Melkite Catholique
-
P. Raphael Minassian,
Exarchat Patriarcal Arménien Catholique.
Jérusalem, 29 Septembre 2006
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