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Paris, le 21 octobre 2006 M. Philippe Douste-Blazy Ministre des Affaires étrangères 37, Quai d'Orsay 75007 Paris
Monsieur le Ministre, Dans une déclaration faite jeudi 19 octobre sur TFJ, une télévision de la communauté juive en France, vous avez déclaré que " J'ai beaucoup évolué sur la question du mur de séparation. Vous avez ajouté que : "Même si moralement et éthiquement pour moi, ce mur posait problème, quand j'ai su qu'il y avait 80% d'attentats en moins là où se dresse ce mur, j'ai compris que je n'avais plus le droit de penser cela vis-à-vis des Israéliens.
Monsieur le Ministre votre déclaration non démentie constitue une triple insulte : - une insulte au peuple palestinien qui vit un véritable enfer, que vous semblez ignorer, derrière ce mur de 8 mètres de haut ou derrière la clôture de séparation truffée de barbelés, de caméras et large de 40 mètres. Pourquoi Monsieur le Ministre n'allez-vous donc pas vivre, comme un simple citoyen palestinien, ne serait-ce qu'une semaine en Cisjordanie pour vous faire une idée sur ce point humain ? Je doute que pareille expérience vous conforterait dans votre opinion. Par contre cela vous ramènerait aux réalités que vous méprisez aujourd'hui. - une insulte au droit international qui, par la voix de la Cour internationale de justice a rendu, le 9 juillet 2004, un avis parfaitement clair qui condamne cette construction et qui demande sa démolition et réparation aux populations victimes. Cet avis précise clairement (article 142) que " Israël ne peut se prévaloir du droit de légitime défense ou de nécessité comme excluant l'illicéité de la construction du mur (...) En conséquence la Cour juge que la construction du mur et le régime qui lui est associé sont contraires au droit international. Elle précise, par ailleurs, que les Etats ne doivent en aucun cas accepter cette situation et encore moins lui prêter main forte. - une insulte à la France qui a de manière constante condamné cette barbarie humaine et une humiliation permanente qui ne constitue en rien un rempart aux attentats mais qui au contraire attise haine et ressentiment entre les peuples. Cette déclaration mine notre influence dans cette région du monde et nous fait basculer, d'un seul coup d'un seul, du côté des positions unilatérales de M. Olmert. Quand un mur tombait, il y a peu de temps, le monde entier se réjouissait. Aujourd'hui c'est l'inverse : on se réjouit de la construction des murs et les USA s'apprêtent à en construire un, également, à la frontière mexicaine et cela sur une longueur de 1.200 kilomètres.
Monsieur le Ministre, Votre déclaration ne peut
manquer d'être considérée comme appuyant la politique d'occupation
et de colonisation du gouvernement israélien puisque ce " mur de
la honte " empiète très largement dans les territoires
palestiniens ainsi que dans la partie Est de Jérusalem et viole
ainsi le tracé de la ligne verte de 1967 qui constitue la
référence internationale Il est vrai que, déjà, vous n'avez rien fait contre la construction, par deux entreprises françaises, du tramway reliant la ville de Jérusalem d'Ouest en Est, des entreprises qui ne peuvent pourtant s'exonérer du droit international que vous avez à défendre car ce tramway est un élément de consolidation de l'occupation israélienne illégale. Les Conventions de Genève permettaient de vous opposer à ces entreprises pour cette construction. Vous n'avez rien fait. A tout cela s'ajoute l'arrêt du versement de l'ensemble de l'aide européenne aux territoires palestiniens qui ne manque pas de créer un chaos profitable aux éléments radicaux à qui vous posez des conditions tandis que des conditions identiques ne sont pas posées au gouvernement de M. Olmert. Cet unilatéralisme éloigne tout accord de paix dans cette région qui est la bouche du volcan qui ne cesse de cracher son feu qui embrasse le Proche-Orient. De même c'est le silence sur l'utilisation par l'armée israélienne d'une nouvelle arme atroce, la DIME (Dense Inert Metal Explosive), qui brûle et calcine les corps et coupent comme une scie les membres des personnes visées et atteintes. Ignoble. Et vous ne dîtes rien. Cette déclaration est également à rapprocher de l'inaction absolue, sauf en terme de sanctions, dont fait preuve le Quartet alors que le Président de la République Française disait vouloir sa réunion urgente en vue de la tenue d'une Conférence internationale impulsée par la France. Tout ceci est au point mort. Votre déclaration décrédibilise la position française et va au devant des positions américaines et israéliennes du maintien de l'occupation et de la colonisation qui se développe.
Monsieur le Ministre, quand vous parlez c'est la France qui parle. Quand vous soutenez le mur, c'est la France qui soutient le mur. Quand vous refusez d'agir, c'est la France qui refuse d 'agir. Quand vous affichez une position identique à celle des Américains et des Israéliens, c'est la France qui change de position et s'écarte non seulement du droit international mais de toute construction de la paix. En vérité vous faites le jeu des forces qui refusent la paix au Proche-Orient tout en ne manquant jamais de saluer d'un coup de chapeau le Président Abou Mazen qui s'échine à réunir les forces palestiniennes dans un gouvernement d'Union nationale. Cela vous ne le voulez pas de sorte que puisse durer ce conflit ou s'imposer la volonté unilatérale israélienne. Vos déclarations sont graves, très graves. Elles sont même insensées. Elles appellent une condamnation formelle. C'est ce que je tiens à vous signifier par ce courrier. Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à mes salutations distinguées. Jean-Claude Lefort Député du Val-de-Marne |