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Humanité dimanche  - 16 au 22 novembre 2006 - page 70

Hind Khoury

 

« Israël persévère dans son unilatéralisme meurtrier »

La passivité de la communauté Internationale après le massacre de Beït Hanoun revient-il à donner carte blanche à Israël?

18 morts dont 7 enfants et 4 femmes à Beït Hanoun :
devant le nouveau massacre accompli par l'armée israélienne au nord de Gaza, de nombreuses voix se sont élevées à l'ONU pour condamner l'État hébreu.
En vain. Pour Hind Khoury, déléguée générale de la Palestine en France,
il est temps que les Européens clarifient leur position vis à vis des Palestiniens.

 HD. Le ministre israélien de la Défense à diligenté une enquête au lendemain du massacre de Beit Hanoun, laissant supposer qu'il pouvait s'agir d'un accident. Comment réagissez-vous ?

Hind Khoury. Clairement, il s'agit d'un massacre. 14 mois après le désengagement de Gaza, qui a suscité beaucoup d'espoir, surtout dans le monde occidental, on se retrouve à nouveau dans une politique du pire. Une politique qui vise à assiéger et à affamer la population de Gaza, à tuer des familles, des enfants, dans une impunité choquante. Ce qui se passe à Gaza comme en Cisjordanie s'inscrit dans une stratégie d'ensemble, à la fois idéologique et économique. Israël veut isoler Jérusalem, une ville riche par le tourisme et cruciale d'un point de vue religieux. Pour cela, il cherche à diviser le peuple palestinien par tous les moyens. Le désengagement de Gaza ne visait qu'à détourner l'attention de l'expansion des colonies en Cisjordanie, qui permet à Israël de maîtriser l'accès à l'eau et aux terres fertiles. Aujourd'hui, Israël persévère dans son unilatéralisme meurtrier en répandant le chaos à Gaza. À Beït Hanoun, 18 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été assassinées. Le monde condamne quasiment d'une même voix. Mais cette condamnation ne peut pas faire oublier la passivité de la communauté internationale, qui revient à donner carte blanche à Israël pour commettre des violences insupportables contre les Palestiniens.

HD. Ces condamnations d'une large partie de l'opinion mondiale pourraient-elles être enfin suivies d'effets?

H. K. Il faut toujours espérer, surtout dans pareille crise. La victoire des démocrates aux États-Unis ne change rien dans l'immédiat. L'histoire a montré que les alternances entre républicains et démocrates à la tête des États-Unis n'avaient pas de réel impact sur la politique américaine au Proche-Orient. Ce qui est intéressant pour le long terme, c'est la volonté des démocrates d'impulser des enquêtes sur le fonctionnement du Congrès, dont la politique est aujourd'hui influencée très fortement par des lobbies pro-israéliens. Pour ce qui est de l'Europe, on peut dire qu'elle est tombée dans une impasse par rapport à l'objectif qu'elle affiche de soutenir le processus de paix et le respect du droit international. Il y a aujourd'hui des démarches auprès de l'Union européenne pour élaborer des mécanismes permettant de sécuriser les civils palestiniens, comme par exemple le déploiement d'une force internationale. C'est un signe encourageant, une approche multilatérale qui peut influencer les États-Unis. Maïs cet effort européen est en contradiction avec une politique de l'UE qui reste globalement calquée sur le «deux poids deux mesures» des États-Unis: d'un côté l'UE exige des Palestiniens qu'ils renoncent à la violence pour recevoir les aides financières, de l'autre elle laisse Israël répandre la violence et saboter tous les efforts de Mahmoud Abbas pour la paix.

HD. De nombreux médias français ont annoncé ces derniers jours que le Fatah s'était joint au Hamas pour appeler à la reprise des attentats suicide...

H. K. Après de tels massacres, il n'est pas étonnant que des éléments du Fatah fassent de telles déclarations. Il faut replacer cela dans le contexte de l'oppression violente endurée par le peuple palestinien. Ce qui est certain, c'est que les attentats sont contraires au droit international. Or, la démarche actuellement en voie d'aboutir entre le Hamas et le Fatah s'inscrit précisément dans le respect du droit international. Il s'agit de parvenir à un gouvernement d'union nationale, fondé sur la lutte du peuple palestinien pour un État indépendant dans les frontières de 1967, impliquant par conséquent la reconnaissance de l'État d'Israël. Pour le moment, on voit bien qu'Israël n'a pas la volonté politique de retrouver la voie de la paix. Le traitement de la situation par la plupart des médias français est terriblement déséquilibré. Les Palestiniens sont traités comme des terroristes qui n'auraient que ce qu'ils méritent. C'est inacceptable et injuste. Malgré les agressions subies quotidiennement, le peuple palestinien fait des efforts héroïques pour se rassembler autour d'un programme politique, dans le  respect de la trêve signée au Caire en mars 2005.

HD. Quelles seraient les caractéristiques de ce gouvernement d'union nationale ?

H. K. Ce nouveau gouvernement serait composé de personnes ayant des capacités techniques particulières, sur le plan des finances, des services d'éducation et de santé notamment; des personnes qui puissent reconstruire les institutions publiques tout en rétablissant progressivement les services publics. Ceux-ci sont tous paralysés, on ne peut pas continuer comme cela. On a donc besoin de ce gouvernement. Les sanctions contre l'Autorité palestinienne doivent être levées, les salaires des fonctionnaires versés. Israël retient les taxes aux frontières des territoires palestiniens. Ces taxes sont dues aux Palestiniens. Elles constituent un tiers du budget mensuel de l'Autorité. Elles doivent être reversées. C'est cela, l'espoir, dans l'immédiat.-^

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LAURENT ETRE    LEtre@humadimanche.fr

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