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A Bil’in, deux ans de résistance contre le « mur »

www.info-palestine.net/article.php3?id_article=1616

dimanche 20 mai 2007 - Karim Lebhour - RFI

La manifestation n’est commencée que depuis quelques minutes, mais déjà, grenades lacrymogènes, bombes sonores et balles caoutchoutées pleuvent sur la petite foule de villageois et de pacifistes étrangers et israéliens qui marchent dans les champs d’oliviers en direction du « mur ». Militaires et gardes-frontières israéliens barrent l’accès, tandis qu’un haut-parleur répète qu’il s’agit d’une « zone militaire fermée ». « Ce sont nos terres. Vous êtes les occupants. C’est vous qui devez partir ! », lance un villageois aux soldats casqués et armés qui lui ordonnent de faire demi-tour.(JPG)

Chaque vendredi, depuis deux ans, les villageois de Bil’in, manifestent contre la barrière grillagée et électrifiée qui serpente entre les collines et confisque plus de la moitié des terres de ce village palestinien de Cisjordanie. La barrière fait partie du « mur » de séparation qui s’étend déjà sur plus de 700 km autour de la Cisjordanie et prend la forme d’un haut mur de béton dans les zones urbaines. Présentée par Israël comme une « clôture de sécurité » pour empêcher l’infiltration de terroristes palestiniens, le tracé pénètre profondément à l’intérieur de la Cisjordanie. « Les Israéliens disent avoir érigé le mur pour des raisons de sécurité. Alors pourquoi ne pas l’avoir construit à proximité des habitations ? », demande Mohamed Khatib, membre du Comité populaire de Bil’in, en montrant au loin les rangées de maisons parfaitement alignées des colonies de Matityahu. Ils l’ont fait passer ici pour annexer nos terres. » Si le tracé englobe une partie des terres de Bil’in, c’est qu’il anticipe une éventuelle extension de la colonie de Modi’in Illit. Avec l’aide d’un avocat de Tel Aviv, les habitants de Bil’in ont contesté devant la Cour suprême israélienne la route du « mur » et la légalité des colonies. Les auditions auront lieu à la fin du mois de mai.

« Le mur est une catastrophe pour nous, poursuit Abdallah Abu Rahmeh, instituteur du village. Il coupe l’accès aux oliviers qui sont la principale ressource du village. Dès le début des travaux, nous avons organisé des manifestations pacifiques en nous enchaînant aux arbres pour empêcher les bulldozers de détruire notre terre ». Au fil des manifestations, Bil’in est devenu un symbole de la lutte palestinienne contre le « mur ». Chaque semaine, le Comité du village se réunit pour trouver de nouvelles idées d’actions. Pour ralentir les bulldozers, les habitants de Bil’in se sont enfermés dans des cages obligeant les militaires à les désincarcérer pendant des heures. Ils ont formé des chaînes humaines, se sont servis de miroirs aveuglants et ont fabriqué des « bombes biologiques » avec des fientes de poulet dans des gants en caoutchouc. Cela n’a pas empêché les travaux, mais ces actions originales et pacifiques ont efficacement contribué à attirer les médias du monde entier sur ce village de 1 800 habitants. « Depuis la seconde Intifada, les Palestiniens passent pour des terroristes. Nous, nous demandons simplement l’application de nos droits, poursuit Abdallah Abu Rahmeh. Nous voulons faire la même chose que Gandhi, Nelson Mandela ou Martin Luther King. Quand les gens voient la violence des soldats alors que nous levons les bras, ce sont eux qui s’attirent une mauvaise image ».

L’exploit

Une salve de cris et d’applaudissements éclate. Un manifestant vient de parvenir à monter sur une tour de défense de l’armée et à déployer un large drapeau palestinien, au nez et à la barbe des militaires. C’est l’action d’éclat du jour. Au sol, les champs d’oliviers ressemblent à un champ de bataille. Les manifestants courent dans tous les sens pour échapper aux gaz lacrymogènes. Une ambulance emmène un manifestant légèrement blessé par une balle caoutchoutée. « Notre mission est de protéger la barrière. Les manifestants ont tenté à plusieurs reprises de l’endommager et nous utilisons les moyens nécessaires pour les stopper, répond le Major Assaf, porte-parole de l’armée qui admet que les soldats ont parfois tiré à balles réelles contre les lanceurs de pierres qui entrent en action, alors que la manifestation se termine.

L’exemple de Bil’in commence à s’étendre. Des manifestations similaires se déroulent désormais dans plusieurs villages de Cisjordanie, comme à Oum Salamouna, prés de Bethléem, à Qaffin dans le nord ou Bani Naim, à près de Hébron. « Bil’in est un formidable exemple d’un nouveau type de lutte palestinienne qui émerge, juge Lucy Nusseibeh, fondatrice et directrice de l’organisation MEND (Non-violence et démocratie au Moyen-Orient), pour qui la militarisation de l’Intifada a été une « catastrophe ». « Les Palestiniens ne peuvent pas gagner de cette façon. La violence ne fait que légitimer l’usage de la violence par les Israéliens. Face à une action non-violente, cela devient beaucoup plus difficile pour les soldats de riposter, poursuit Lucy Nusseibeh. Si un mouvement palestinien non violent parvient à se faire entendre en Israël, cela peut contribuer à faire baisser les peurs qui ont conduit à la construction du « mur » et beaucoup de problèmes seront évacués ».

Karim Lebhour, correspondant à Ramallah - RFI (Radio France Internationale), le 19 mai 2007

Voir : Bil’in, un village de Palestine... 


 Voir aussi la carte du mur :

+ Excellente Video : "Not so cool facts about Israel"

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