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Nations unies Article paru dans l'édition du mercredi 06 juin 2007 JÉRUSALEM CORRESPONDANT Peut-on encore parler de la création d'un Etat palestinien viable à côté de celui d'Israël alors que tout indique qu'elle n'est plus possible ? Faut-il encore évoquer la "feuille de route", le plan de paix international, alors que tout démontre qu'elle est désormais inapplicable ?
A l'occasion du 40e anniversaire de la guerre des Six-Jours (1967), deux rapports, le premier d'Amnesty International et le second de l'office de coordination de l'ONU pour les affaires humanitaires (OCHA), illustrent, faits à l'appui, que l'emprise d'Israël sur la Cisjordanie est telle que la création d'un Etat viable et continu n'est plus qu'une fiction. En effet, selon le rapport auquel OCHA met la dernière main, parce qu'ils sont occupés par des colons, par l'armée ou décrétés réserves naturelles, 45,47 % des 5 600 km2 que compte la Cisjordanie sont soit interdits d'accès, soit soumis à un régime de permis pour les Palestiniens. Selon le rapport, le taux de croissance des colonies israéliennes est de 5,5 % par an, "soit l'équivalent de deux bus entiers qui, chaque jour, s'ajoutent aux 450 000 personnes déjà installées, c'est-à-dire trois fois la croissance naturelle de l'Etat juif".
Les chances d'une inversion de tendance ou d'un démantèlement des implantations apparaissent illusoires. Ce qui signifie que les perspectives de la création d'un Etat palestinien comme le président George Bush en avait exprimé la "vision" le 24 juin 2002, et comme ne cessent de le répéter les autorités israéliennes, relève de plus en plus d'une chimère.
En cela le rapport d'OCHA est on ne peut plus instructif. Il révèle tous les détails de la façon dont l'Etat juif fait main basse sur la Cisjordanie, la tronçonnant en une quinzaine de cantons desquels il est pratiquement impossible de sortir pour les 2,5 millions d'habitants qui vivent sur ce territoire. Pour OCHA, il apparaît de plus en plus difficile de faire concorder les constatations sur le terrain avec la volonté exprimée de créer un Etat palestinien digne de ce nom. "La réalité s'oriente dans une direction qui va rendre la vie des Palestiniens plus difficile et ne va pas leur permettre d'atteindre ce à quoi ils aspirent", déplore David Shearer, directeur d'OCHA. En quittant ses fonctions début mai, Alvaro de Soto, l'envoyé spécial de l'ONU au Proche-Orient, avait déjà dressé un constat accablant : "D'un côté, les Palestiniens doivent endurer les perpétuels ajournements des négociations qui sont le seul espoir d'un aboutissement pacifique. De l'autre, les perspectives d'un Etat viable sundefinedamenuisent sous leurs propres yeux." Le constat d'Amnesty International est tout aussi accablant. Dans un rapport de 45 pages intitulé "Supporter l'occupation", l'organisation internationale dénonce "les violations répétées pendant presque quarante ans des lois internationales que les légitimes préoccupations d'Israël en matière de sécurité ne justifient pas". Amnesty International passe en revue toutes les atteintes aux droits de l'homme et le non-respect des conventions internationales. Pour Malcolm Smart, directeur du programme sur le Moyen-Orient d'Amnesty International, "le niveau de désespoir, de pauvreté et d'insécurité alimentaire dans les territoires occupés a atteint un niveau jamais atteint jusqu'à présent". "Les restrictions imposées sont disproportionnées et discriminatoires. Elles sont imposées aux Palestiniens parce qu'ils sont palestiniens dans le seul bénéfice des colons dont la présence en Cisjordanie est illégale", souligne le rapport, pour qui "la charité et l'aide internationale n'absolvent pas Israël de ses obligations". Le ministère de la justice a répliqué, affirmant que ce rapport était "biaisé, immoral, rempli d'erreurs et d'imprécisions factuelles et légales" et "parle à la légère, sans leur donner l'importance qu'ils méritent, des besoins sécuritaires légitimes d'Israël". Michel Bôle-Richard |