Réflexions sur une nouvelle nakba Bernard Ravenel - AFPS 30 juillet 2007
Nous vivons une époque marquée par les « passions tristes ». L'expression est de ... Spinoza. Il ne s'agit pas ici d'une tristesse qui produit des larmes ou de la souffrance mais d'une tristesse qui dérive de l'impuissance ou de la désagrégation de ce en quoi on a cru profondément : une tristesse produite par la déception et la perte de confiance.
Miguel Benassayag, psychanalyste argentin réfugié en France, a utilisé cette expression de Spinoza comme titre d'un livre. Il estime que la raison première pour laquelle nous vivons une époque marquée par la déception et par la tristesse réside d'abord dans le changement de notre idée de l'avenir, un avenir qui n'est plus ressenti comme quelque chose d'attendu, d'espéré et d'important. Nous vivons aplatis sur le présent, lui-même déjà plutôt incertain...
Les causes de cette situation sont multiples (voir la dimension écologique). En ce qui concerne la Palestine, on peut se référer à l'idée que nous avions de son avenir dans les années 1970-80 par rapport à celle que l'on peut en avoir aujourd'hui.
Telles sont les premières sensations/réflexions que m'inspirent les événements actuels en Palestine, dans « notre » Palestine. Mais on ne peut s'arrêter là.
Le principe de responsabilité qui doit nous animer nous oblige en premier lieu à voir et à tenter d'expliquer ce qui se passe. D'abord, par un essai de reconstitution de l'enchaînement des faits.
Je pense que pour trouver des explications approfondies, il faudrait en revenir au résultats des élections de janvier 2006 où tout était déjà en germe (cf le texte que j'ai écrit à cette période, publié sur le site : « Réflexions et interrogations sur un tournant historique »).
Pour l'instant je partirai de la constitution du gouvernement d'union nationale en février 2007, l'accord de La Mecque. Cet accord avait posé les bases politiques pour la fin des confrontations entre Hamas et Fatah et pour la formation d'un gouvernement qui représentait un saut qualitatif important. Non seulement parce qu'il mettait fin à un début de guerre civile, mais parce qu'il avait fixé les conditions pour un débouché politique d'une situation bloquée. Blocage, rappelons-le, dû au choix stratégique de l'administration américaine et des gouvernements israéliens d'imposer par la force la guerre permanente pour un « Nouveau » et « Grand » Moyen-Orient.
La formation de ce gouvernement, articulée sur la relance de l'initiative arabe de paix était vraiment un changement de perspective par rapport au projet américain, projet qui déstabilise même les régimes arabes amis des Américains (c'est la raison première de l'initiative de Riyad).
Le point principal de la constitution du nouveau gouvernement palestinien a porté sur la question du contrôle des services de sécurité. Il fallait d'abord éloigner les faucons de chaque côté. Du côté Hamas, les faucons étaient deux ministres du gouvernement précédent, Mahmoud Zahar (Affaires étrangères) et Saïd Siyam (Intérieur) pour lesquels le Fatah avait opposé son veto. Ceux-ci ne furent effectivement pas repris, avec l'accord d'Ismaël Haniyeh et de Khaled Mechaal. En parallèle, du côté Fatah, l'accord supposait aussi d'éloigner Mohamed Dahlan, c'est-à-dire de ne pas lui attribuer le ministère de l'Intérieur. Et effectivement un accord a été réalisé sur la nomination de Hani Qawasmeh, indépendant du quota Hamas pour remplacer Saïd Siyam. L'objectif partagé était de coordonner les opérations des services de sécurité – ceux fidèles à Mahmoud Abbas et la « force exécutive » de Saïd Siyam créée depuis environ 18 mois – pour reprendre le contrôle de Gaza qui sombrait dans l'anarchie de bandes armées à l'ombre desquelles s'installent d'ailleurs des groupes de la mouvance Al-Qaïda. Dans cet accord, Mahmoud Abbas a joué un rôle actif de médiation entre factions auxquelles il n'appartenait pas.
En fait, pour les Etats-Unis et Israël, il apparut très vite que cet accord était inacceptable. Toute la pression fut alors mise spécialement sur Mahmoud Abbas pour revenir sur cet accord et pour lui imposer la nomination de Mohamed Dahlan à la vice-présidence du Conseil pour la sécurité nationale qui supervise les services secrets. Chacun savait que le rôle de Dahlan, répondant aux vues de Washington et de Londres, était de saboter systématiquement le gouvernement d'union nationale. Il faut noter que ce rôle déstabilisateur a été aussi condamné par de larges secteurs du Fatah, à commencer par Ahmed Helles, le très populaire ex-secrétaire général du Fatah à Gaza.
Mahmoud Abbas, en nommant Dahlan, a alors cédé sur un point capital aux Etats-Unis, décidés à alimenter des guerres civiles entre musulmans : Arabes contre Iraniens, chiites contre sunnites, Fatah contre Hamas, dans une spirale de guerre de tous contre tous.
Une fois nommé, Dahlan s'est présenté à la première réunion du conseil de sécurité nationale, avec un plan de réorganisation de la sécurité alternatif à celui d'Hani Qawasmeh, lequel cherchait à exercer son pouvoir, en particulier sur les services de sécurité préventive (contre-espionnage) dont le chef Rashid Abou Shbak et ses centaines d'agents ont refusé d'obéir aux ordres du ministre. Fin avril, le médiateur égyptien, Bourham Hammade, n'a pu persuader Mahmoud Abbas de limiter les pouvoirs de Dahlan et de Abou Shbak. Dans ce climat, d'un côté comme de l'autre, les faucons reprennent le pouvoir, Zahar et Siyam d'un côté, Dahlan et des secteurs de la vieille garde Fatah de l'autre. Hani Qawasmeh propose alors sa démission qui est refusée par Ismaël Haniyeh. Mais, le 14 mai, les morts à Gaza l'amènent à sortir définitivement du gouvernement. C'est la rupture.
Pendant ce temps, l'insistance médiatique – bien lourde pour un projet qui aurait supposé une certaine discrétion – pour annoncer une probable attaque militaire à Gaza contre le gouvernement islamique, annonce soutenue bruyamment par les Etats-Unis, convainc vite l'aile militaire du Hamas qu'il faut éliminer préventivement la menace Dahlan par la force. Tout semble montrer qu'il s'agissait d'un piège dans lequel serait tombé le Hamas. En fait le plan des militaires Hamas prévu pour être mis en œuvre un peu plus tard a été accéléré par l'assassinat d'un imam important. On connaît la suite.
Vers une république islamique ?
Dans la mise en œuvre du coup de force, il semble que le commandement militaire du Hamas ait outrepassé les ordres, en liquidant non seulement les services de sécurité du Fatah, mais toute trace du Fatah (locaux, radio « la Voix de la Palestine » et les radios privées « Chabab » et « Houria », liste de membres du Fatah à exécuter sommairement). Finalement une fraction politico-militaire du Hamas dirigée par Mahmoud Zahar et Saïd Siyam avec l'aile militaire représentée par les brigades El Qassam a établi un pouvoir absolu (les milices Tanfisiyeh, sorte de police se situant en retrait). S'agit-il de la volonté d'établir une république islamique : un haut dirigeant du Hamas, Nizar Ryan, n'a-t-il pas évoqué un califat islamique ? Mais si on peut imaginer une avancée du processus d'islamisation de la société locale, je crois qu'il est trop tôt pour le dire. Ismaël Haniyeh a démenti toute intention en ce sens.
C'est en tout cas la fin du gouvernement d'union nationale dissout par Mahmoud Abbas. C'est la proclamation de l'état d'urgence demandé par le comité exécutif de l'OLP.
En tout état de cause une page est tournée : le mouvement de libération nationale qui s'est constitué avec l'OLP sous direction du Fatah et d'Arafat, progressivement élargi à d'autres forces politiques et qui prévoyait de s'ouvrir au Hamas, est maintenant cassé en deux et aura beaucoup de mal à se recomposer. Tout une partie de l'histoire du mouvement de libération, certes toujours conflictuelle mais qui a été aussi productive et unitaire en termes de conquêtes politiques et culturelles, a été liquidée.
Les causes internes de cette situation
Ce qui s'est passé n'est pas le résultat de la folie et de l'action incontrôlée de groupes qui n'obéissent pas à leurs leaders politiques. C'est le produit d'au moins trois stratégies de force des trois acteurs en conflit sans oublier que la chaîne des responsabilités démarre de l'occupation et de tout ce qui a été fait depuis 40 ans pour miner et casser l'OLP, pour rendre impossible toute solution négociée équitable sur la base du droit international.
D'abord Israël soutenu par les Etats-Unis a tout fait pour casser le gouvernement d'union nationale, a accentué l'utilisation de la force pour écraser toute forme de résistance et créer une situation intenable. Il a continué l'arrestation des ministres et des députés pour bloquer le conseil législatif. A cela s'est ajoutée une offensive diplomatique : la tournée en Europe de Tzipi Livni qui a retourné quelques gouvernements européens et bientôt l'Union européenne qui hésitaient sur la conduite à tenir.
Le Fatah a mené une véritable stratégie de la tension. La majorité du Fatah représentée au niveau de ses instances, comité central et conseil révolutionnaire, n'a pas admis la victoire électorale du Hamas. Elle a voulu maintenir ou rétablir son quasi monopole du pouvoir politique. Elle a refusé de régler ses comptes internes pour examiner les causes de la défaite – il n'y a pas eu de Congrès depuis 1989. Elle a renforcé sa capacité militaire en hommes et en matériel. En résumé, la vieille garde du Fatah a préféré la résistance à tout prix en voulant en particulier garder le monopole de la force (rôle des services et des milices). Finalement Mahmoud Abbas ne semble pas avoir été capable de gérer une crise aussi grave et, quoique plutôt très réticent quant à l'emploi de la force contre d'autres Palestiniens, il risque de devenir un instrument du projet américain au Moyen-Orient.
Le Hamas a réagi par une réponse militaire préventive. Il avait opté d'entrer dans le jeu électoral à la fois pour ses objectifs politiques, mais aussi pour se protéger, à l'intérieur des institutions, contre toute tentative d'élimination. En même temps, sa majorité a voulu logiquement traduire sa victoire électorale en pouvoir effectif. Mais, à contre-courant : contre le boycott économique et politique international, contre les obstacles opposés par le Fatah, contre la répression d'Israël. Dans le même esprit, le Hamas a accepté le gouvernement d'union nationale pour alléger la pression interne et externe tout en étant conscient que le niveau de violence contre lui se maintiendrait, et même augmenterait. Il a donc renforcé son potentiel de combat, c'est-à-dire sa structure militaire capable de s'opposer non seulement à Israël, mais aussi à la force armée du Fatah.
Il faut aussi s'interroger sur la capacité d'Ismaël Haniyeh, manifestement débordé par son aile militaire et qui s'exprime plus souvent en chef d'un mouvement religieux qu'en dirigeant d'un gouvernement qui doit prendre en compte la complexité de la réalité. Bref, dans les deux structures, Fatah et Hamas, c'est l'aile militaire qui l'a emporté sur l'aile politique, aboutissant ainsi à une désagrégation du système politique palestinien.
Conséquences internationales et conséquences intérieures
Les responsables de la situation – Etats-Unis, Israël, soutenus de fait par l'Union européenne – ont apparemment triomphé et disent maintenant soutenir Mahmoud Abbas et sa ligne dure. Ce faisant, ils accélèrent consciemment la cassure en deux de la Palestine. Ils veulent la fin de la Palestine comme mouvement national de libération. De son côté, l'Egypte retire sa mission diplomatique de Gaza pour l'installer à Ramallah. La Ligue arabe, divisée, s'interroge avant de réagir. Tout récemment, la déclaration des dix ministres des Affaires étrangères des dix pays méditerranéen de l'Union européenne semble esquisser une initiative autonome possible de l'Europe.
Sur le plan intérieur, Mahmoud Abbas refuse tout dialogue avec le Hamas et va recevoir de l'argent pour une nouvelle structure militaire comme instrument possible de guerre civile.
Quant au Fatah, il n'existe plus comme mouvement politique et progressiste. Il est dominé par des fonctionnaires d'un Etat qui n'est pas un Etat et par des groupes para-militaires. Il voit son éclatement se préciser avec des secteurs qui, pour les uns, exigent la restauration de leur pouvoir, et pour les autres, exigent l'éloignement de Dahlan, mais aussi une rénovation et un programme clair, pour la fin de l'occupation et l'obtention de l'Etat. Marwan Barghouti a exprimé le point de vue de beaucoup de militants du Fatah en condamnant la violence du Hamas, mais en même temps il demande une épuration du sommet du Fatah en commençant par Dahlan, demande qu'on évite des représailles contre le Hamas et se prononce pour l'unité du mouvement de libération.
Quant au Hamas, dont le fonctionnement est plutôt opaque, il ne peut cacher ses profondes divisions internes qui ont précédé, accompagné, et suivi le coup de force. Quelles que soient les bonnes raisons qui l'ont amené à cette réaction exclusivement militaire, il porte la responsabilité effective principale de la rupture de l'unité politique et géographique du mouvement national palestinien. Face au Fatah en déliquescence, il ne peut plus se présenter aux Palestiniens comme une vraie alternative pour la libération nationale (et sociale) de la Palestine. Son refus de rechercher une solution politique au problème posé (le projet militaire de Dahlan), de mobiliser la société et de construire des alliances politiques pour mieux y parvenir, et sa volonté conséquente de régler de manière exclusivement militaire le problème, toute cette « culture politique » exclut que le Hamas puisse jouer à l'avenir dans la recomposition du mouvement de libération nationale un rôle de moteur unitaire comme l'a fait le Fatah de Yasser Arafat à partir de 1969 avec l'OLP. (De ce point de vue le Hamas n'aura pas, et de loin, montré les mêmes capacités que le Hezbollah au Liban.)
Toujours est-il que le spectre de la guerre civile s'est matérialisé sous ses formes les plus horribles, sans respect minimum des règles de la guerre où chaque faction pratique la vendetta. Les actes de brutalité, de saccage, les humiliations imposées en particulier aux agents du Fatah obligés de se rendre à moitié dévêtus, les exécutions sommaires des deux côtés, tout cela exprime une réalité qu'avait déjà analysée Franz Fanon. Dans la violence, a-t-il écrit, on finit par intérioriser les valeurs de l'ennemi et à lui ressembler. La culture de la guerre et de la force l'a emporté, risquant de mener le mouvement national, s'il ne se ressaisit pas à temps, vers l'autodestruction. C'est ainsi qu'on liquide des décennies d'une terrible lutte avec tout ce qu'elle a comporté de souffrance, d'héroïsme, mais aussi apporté en termes de projet de société et de méthodes de lutte de masse (voir la première Intifada).
Les deux forces actuellement en lutte, toutes deux en crise de direction, incapables de produire de la politique et conditionnées par leurs branches militaires, apparaissent désormais de moins en moins capables de représenter, chacune à elle seule et même les deux ensemble, les aspirations les plus avancées de la population palestinienne.
Quel avenir pour le mouvement national de libération ?
Dès le début des affrontements à Gaza, les partis de gauche et le Djihad islamique ont appelé à une manifestation de rue pour s'interposer. Plusieurs milliers de personnes y ont participé et ont été très mal reçues par les deux camps. Mais cette manifestation peut avoir posé les fondements d'une recomposition du mouvement national qui serait constitué des secteurs politiques critiques de la ligne militariste du Hamas et du Fatah, en même temps que de cette gauche – qui devra surmonter ses divisions – et du mouvement de résistance civile qui continue à intervenir sur le terrain. L'enjeu est énorme. En effet, la phase de l'union nationale comme coalition inter-classes, indispensable pour réaliser la tâche de libération nationale contre le colonialisme, n'a pu aller à son terme. Une situation exceptionnelle dans l'histoire de la décolonisation. L'enjeu est d'autant plus important qu'il met en cause la possibilité qui s'éloigne de l'Etat palestinien indépendant. Or, aucun protectorat, qu'il soit iranien ou syrien, ou encore moins américain, ne pourra réellement aider à la réalisation de cet objectif. De graves questions se posent : quelles sont les possibilités de reconstitution de l'union nationale ? Par quelles voies (dissolution ou réforme de l'OLP) ? Quelle est la nature des divergences politiques et culturelles entre Fatah et Hamas rendant difficile un accord durable pour la libération nationale ?
L'union nationale palestinienne est une condition indispensable pour la réalisation de la libération nationale effective sans laquelle il n'y a pas de paix possible dans la région. Or, plus que jamais l'alternative aujourd'hui est, au Moyen-Orient, entre la guerre et la paix, entre une guerre infinie qui impose la loi de la force et une vraie paix qui établit la force de la loi. Cette recomposition unitaire ne peut être qu'un long processus qui se fera dans un contexte régional de guerre et de montée d'ensemble du radicalisme islamique et de la descente du Fatah incapable de se redonner un projet à la hauteur des nouveaux enjeux.
Que peut faire le mouvement de solidarité ? Se battre pour l'union et contre la guerre
A la lumière de la tragédie de cette dernière période, je suis encore plus covaincu que la voie de la négociation est la seule qui puisse être suivie pour tenter un avenir crédible et possible pour les deux peuples. L'alternative serait la confrontation et la déstabilisation de toute la région avec des conséquences qui peuvent être terribles.
En effet, maintenant que le projet national palestinien paraît reporté pour longtemps, la seule possibilité qui reste serait-elle de se faire entraîner, absorber, dans une logique d'anéantissement réciproque ? Parallèlement, serons-nous capables de soutenir efficacement les Palestiniens dans leur volonté d'union, de nous mobiliser contre les guerres qui se préparent dans la région, et en particulier contre eux ? Dans une ambiance où prospère la culture de la guerre et de la force, où la possibilité d'envisager la paix, même comme processus interne aux Palestiniens semble s'éloigner, tout paraît aller à contre-courrant d'une logique de paix. Il nous faudra pourtant aller dans cette direction et s'emparer des signes, même faibles, qui vont dans le même sens (voir la lettre à Tony Blair des ministres des Affaires étrangères des dix pays méditerranéens de l'Union européenne et la récente position de la Russie.)
En même temps, malgré l'affaiblissement de la position palestinienne, il ne faut surtout pas abaisser le niveau de nos exigences pour une solution politique. Dans le contexte actuel, notre orientation pourrait se décliner ainsi : 1/ négociation politique sans condition ni préalable dans le cadre d'une conférence internationale ONU avec comme objectif premier le retrait d'Israël dans les frontières de 1967, 2/ Pour une force de protection et d'interposition de l'ONU qui soit liée au retrait total des colonies. Sinon cette force risquerait d'être utilisée pour protéger les colonies en territoire palestinien; 3/ Ne pas jouer Mahmoud Abbas contre Ismaïl Haniyeh et demander le versement immédiat de l'argent dû par Israël et les Européens aux Palestiniens, à tous les Palestiniens, y compris bien sûr à ceux qui ont choisi Hamas (cf. article dans le journal Le Monde du 10 juillet 2007 signé par les présidents de plusieurs associations de la Plateforme dont l'AFPS). 4/ Sur la question de l'Etat, la situation sur le terrain est telle que ressort l'idée de la solution d'un Etat laïque, démocratique et bi-national. C'est pour moi le choix le plus rationnel et le plus juste pour les deux nations. Mais il n'est politiquement pas praticable encore aujourd'hui et pour une période encore assez longue. Aucune des deux nations, du fait des guerres qui les ont opposées n'est en état psychologique de se détacher rapidement de son identité ethno-nationale et de renoncer à disposer de son propre Etat censé la protéger. Il faudra deux ou trois générations – 50 ans, nous disait Daoud Talhami, un dirigeant historique du Front démocratique rencontré à Ramallah il y a trois ans – pour que les deux sociétés, après des pratiques de coopération et d'échanges entre elles, puissent envisager favorablement un cadre institutionnel et politique commun partagé librement.
Pour l'avenir on peut s'interroger : quel avenir pour l'Autorité nationale palestinienne ? Comment le mouvement national palestinien va-t-il se recomposer ? Un Etat palestinien est-il encore possible ?
Donc, si l'on s'en tient comme il se doit au principe de responsabilité, il faut éviter l'isolement ou le repli individuel et renforcer nos liens avec la société civile palestinienne, c'est-à-dire avec ceux qui cherchent à la fois à développer les projets sur place et avec ceux – souvent les mêmes – qui veulent reconstituer le lien politique avec l'ensemble des personnes qui ne peuvent abandonner l'espoir. Il n'y a pas de fatalité dans le destin des Palestiniens. L'histoire n'est pas finie. Elle peut même connaître des rebondissement surprenants.
PS. A propos du Hamas Les événements de Gaza ont suscité une grande inquiétude et réouvert le débat sur l'islamisation de la société palestinienne et plus globalement sur la nature du Hamas. Ce débat nécessitera dans l'AFPS un travail important d'information et de réflexion collective déjà entamé lors de l'université d'été de l'an passé et qui doit se poursuivre, notamment à travers les différentes types de formation mis en place par de l'AFPS (cycles de formation, sessions régionales, université d'été).
Pour une discussion sereine sur ce thème, je crois qu'il faut d'abord se débarrasser d'une double naïveté idéologique. La première serait celle qui ferait du Hamas le porteur d'un régime théocratique totalitaire. Si des éléments de son projet et de sa pratique vont dans ce sens, je crois que les tendances contradictoires de ce mouvement et l'opinion publique palestinienne rendent en l'état peu vraisemblable une évolution dans ce sens. Le petit livre d'Aude Signoles sur le Hamas fournit à cet égard des données utiles. La seconde serait celle qui ferait du Hamas un mouvement anti-impérialiste succédant à celui qui s'est exprimé dans la deuxième partie du XXe siècle. Là encore, si la résistance contre le projet américain au Moyen-Orient peut jouer dans ce sens, on ne peut pas ne pas relever la faiblesse d'élaboration du mouvement concernant les questions de fond : d'abord celle posée par Samir Amin « Existe-il une économie politique de l'islamisme ? » Mais aussi celles sur les rapports sociaux et les rapports entre les sexes, celles sur la démocratie politique (rapports entre légitimité politique et légitimité religieuse), bref tout ce qui concerne un projet concret de société de libération des peuples soumis à l'impérialisme et à ses agents locaux.
Paris le 30 juillet 2007 |