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Séparés mais inégaux en Palestine:
la route vers l’Apartheid

 

par Mohammed Khatib, publié  le 28 novembre 2007

http://www.apartheidmasked.org/?p=312

A la veille de la réunion destinée à relancer les négociations entre Israël et les Palestiniens à Annapolis, Maryland, le Premier ministre israélien Ehud Olmert a annoncé qu’Israël ne construira pas de nouvelles colonies en Cisjordanie, mais qu’il n’"étranglera" pas les colonies israéliennes existantes.

 Cela signifie que les 149 colonies israéliennes de Cisjordanie qui étranglent les Palestiniens, y compris les colonies installées sur les terres de notre village, resteront de façon constante.

 L’annonce cynique d’Olmert confirme nos craintes qu’Israël, avec l’appui des États-Unis, insistera sur le maintien de la plupart des colonies de Cisjordanie lors des prochaines négociations, enfermant les Palestiniens dans une situation de "séparés mais inégaux"

 Quand le Secrétaire d’État américain, Condoleezza Rice, est venue au Moyen-Orient, il y a quelques semaines, les gens de notre petit village de Bil’in ont rejoint les habitants des villages voisins pour lui envoyer un message.

 Nous avons protesté pacifiquement contre une route de Cisjordanie qui est réservée aux colons juifs israéliens et interdite aux Palestiniens, mais qui a été construite sur des terres palestiniennes. Notre banderole disait : "Condi, Qu’aurait fait Rosa Parks ?"

 Nous savons que Mme Rice a connu le goût amer de la discrimination grandissante dans le sud des États-Unis au cours de la lutte pour les droits civiques. A Bil’in, nous nous sommes inspirés du mouvement des droits civiques américain pendant nos trois années de campagne de résistance non violente contre l’occupation militaire et la politique discriminatoire israélienne.

 Nous partageons l’admiration de Mme Rice pour le courage de Rosa Parks qui a été arrêtée en Alabama, l’Etat où vit Rice, pour avoir refusé de donner son siège dans le bus à un homme blanc.

 En tant que Palestiniens, nous ne sont même pas autorisés à monter dans les bus sur de nombreuses routes dans notre propre pays, parce que 200 kilomètres des meilleures routes de la Cisjordanie sont réservées aux colons juifs israéliens.

 La couleur des plaques d’immatriculation palestiniennes est différente de celle des plaques d’immatriculation Israéliennes. Les plaques d’immatriculation palestiniennes ne sont pas autorisées sur la plupart des routes qui traversent la Cisjordanie, dont beaucoup ont été construites grâce à des financements du gouvernement américain. Depuis 5 ans, les Palestiniens sont interdits d’accès à la route 443 où nous avons protesté [1].

 Selon le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA), il y a 561 obstacles physiques et checkpoints à l’intérieur de la Cisjordanie [2], limitant la circulation des Palestiniens en Cisjordanie même, en comparaison avec les huit checkpoints seulement qui séparent la Cisjordanie d’Israël.

 En Cisjordanie, presque tous les obstacles et checkpoints sont situés le long des routes réservées aux Israéliens [3]. Aller à l’hôpital, à l’école et au travail ou rendre visite à la famille est devenu très difficile, voire impossible, pour nous.

 Ce morcellement de la Cisjordanie a dévasté notre économie. Pour les Palestiniens, accepter un Etat en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sur seulement 22% de notre patrie historique était déjà un compromis spectaculaire.

 Mais le Président Bush a promis à Israël en 2004 que, dans tout accord négocié avec les Palestiniens, Israël conserverait ses "grands centres de population déjà existants" en Cisjordanie

Toutefois, toutes les colonies israéliennes sont illégales en vertu du droit international.

 En annexant à Israël les groupes de colonies situés de façon stratégique, ou "blocs de colonisation", et leurs routes qui découpent les secteurs palestiniens en enclaves isolées, Israël va acquérir un contrôle permanent de nos déplacements, des frontières, de l’eau, et nous séparera de Jérusalem.

 L’organisation israélienne, La Paix Maintenant, a signalé il y a quelques semaines que le taux de croissance démographique dans les colonies est trois fois supérieur au taux de croissance à l’intérieur d’Israël.

 Nous constatons une telle rapidité de croissance des colonies autour de Bil’in et dans toute la Cisjordanie, que je ne peux même pas trouver une carte exacte de la Cisjordanie pour mon fils.

 En 2001, des promoteurs israéliens ont commencé à construire des maisons de colons sur des terres saisies à mon village de Bil’in et ont décrété que c’était un un quartier du bloc de colonie de Modi’in Illit.

 Quatre ans plus tard, le Mur d’Apartheid israélien a séparé Bil’in de 50% de nos terres agricoles sous prétexte de protéger cette nouvelle colonie.

 En réponse, nous avons organisé plus de 200 manifestations non-violentes avec des supporters israéliens et internationaux. Des centaines d’entre nous ont été blessés et arrêtés.

 Après nos protestations, la Cour Suprême israélienne a statué que le tracé du Mur à Bil’in devait être modifié pour nous rendre environ la moitié de nos terres saisies. Même si nous avons célébré ce succès, Israël continue de construire sur notre terre qui ne nous a pas été rendue et prévoit de l’annexer en tant que partie du bloc de colonie de Modi’in Illit

 Israël a déjà annexé de fait 10,2% de la Cisjordanie qui se trouve entre la Ligne Verte et le Mur de Séparation, y compris les grands blocs de colonisation et 80% des 450000 colons israéliens.

 Le Mur d’Apartheid, les colonies et les routes de colonisation transforment les secteurs palestiniens en enclaves isolées.

 Nous prions pour que nos enfants ne passent leur vie sous occupation militaire israélienne. Nous espérons que la réunion d’Annapolis nous rapprochera de nos rêves de liberté.

 Mais nous sommes préoccupés par le fait que si Israël est autorisé à conserver la plupart de ses colonies et les routes qui les relient, alors le système existant de "séparés mais inégaux" sera entériné dans un État palestinien.

 Mohammed Khatib est l’un des responsables du Comité Populaire Contre le Mur de Bilin et le secrétaire du conseil municipal de Bilin.

 Traduction : MG pour ISM

 [1] voir http://www.btselem.org/

[2] La Cisjordanie a la taille d’un département français moyen sur lequel les routes seraient coupées à 561 endroits.

[3] Il est non seulement interdit aux Palestiniens de prendre ces routes, mais il leur est également interdit de les traverser, et par conséquent tout le long de ces routes, les voies transversales sont coupées.

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