Écrans de contrôle par François Legeait, photographe indépendant et journaliste 27 mars 2008 Gaza a disparu de nos écrans de contrôle. 15 morts en 15 jours : pas de quoi affoler l'audimat ! Il se passe pourtant beaucoup de choses en ce moment en Palestine. Des choses qui, si les media nous les rapportaient, nous éclaireraient un peu sur une situation pas toujours très lisible. La semaine dernière des délégations du Fatah et du Hamas se sont rencontrées au Yémen pour tenter une réconciliation. Des discussions semble-t-il difficiles, mais le dialogue est rétabli. Face à la dégradation continue de leur situation - peut-être pas flagrante sur nos écrans de contrôle - les Palestiniens tentent de restaurer, sinon une unité nationale, du moins un front commun face à Israël. Cependant les pourparlers de paix se poursuivent entre l'autorité palestinienne et le gouvernement israélien. Des pourparlers houleux, entre un Ehud Olmert affaibli et un Mahmoud Abbas contesté. Saeb Erikat, un des principaux négociateurs palestiniens (et dans les années 90 un des artisans des accords d'Oslo), affirmait la semaine dernière que l'autorité palestinienne était "au bord de l'effondrement". "Si nous échouons à conclure un accord de paix cette année nous disparaîtrons. Les gens sont de plus en plus mécontents face à notre incapacité à concrétiser nos engagements". Incapacité palestinienne ? Pas seulement. Saeb Erikat proteste depuis des semaines contre l'expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie. Le 9 mars Olmert donnait son accord à la construction de 750 nouveaux logements dans la colonie de Givat Ze'ev, aux portes de Ramallah ; le 10 on annonçait un projet de 400 logements supplémentaires à Neve Yakov, au nord de Jérusalem. Le 17 le maire d'Ariel (près de Salfit) recevait l'autorisation de construire 48 nouvelles maisons. Le gouvernement indiquait en avoir approuvé 52 autres à Maale Adumim (à l'est de Jérusalem), 32 à Betar Illit (à l'ouest de Bethléem), et 64 à Share Tikva et El Kana (au sud de Qalqiliya). Le 21 Efrat, au sud de Bethléem, annonçait la construction de 54 nouveaux logements. Givat Zeev, Neve Yakov, et Maale Adumim, font partie d'un réseau de colonies dont l'expansion à terme isolera totalement Jérusalem du reste de la Cisjordanie. Alors que Tzipi Livni, ministre israélienne des affaires étrangères, claironne que "tous les enjeux du statut définitif sont sur la table des négociations", Olmert précisait hier dans une conférence de presse que si "Israël est déterminée à reprendre les négociations", la construction de colonies reprendra également, y compris à Jérusalem et "dans des zones conflictuelles objet des discussions de paix". C'est la politique du fait accompli qu'a toujours pratiqué Israël, faire s'enliser les négociations tout en continuant à avancer ses pions sur le terrain. Cela dure depuis des décennies sans que personne ne paraisse s'en émouvoir. Dernières manoeuvres en date : les menaces de rupture des relations avec l'autorité palestinienne, Fatah et Hamas parviendraient-ils à un accord au Yémen. L'effondrement de l'autorité palestinienne laisseraient à Israël les coudées franches pour un bon moment. Dans cette partie de dupes, Israël, soutenue par la communauté internationale, distribue les rôles, fixe les règles du jeu... et triche. Et nos écrans n'y voient que du feu. Ce matin des troupes israéliennes sont à nouveau entrées dans la bande de Gaza.
François Legeait Son dernier livre "Palestine 141" paraîtra vers le 15 avril 2008 |