édition du 18 juillet 2008 A Naplouse, l'armée israélienne lance la bataille du "Mall" Naplouse, l'armée israélienne lance la bataille du "Mall ...
Reportage - NAPLOUSE ENVOYÉ
SPÉCIAL - Michel Bôle-Richard
Après tant d'autres, une nouvelle bataille a
commencé à Naplouse, longtemps considérée par Israël comme la
capitale du "terrorisme" en Cisjordanie. Un accord avait
pourtant été conclu entre l'Autorité palestinienne et l'Etat juif
à l'automne 2007 : les forces de police palestiniennes avaient été
considérablement renforcées ; les combattants des Brigades des
martyrs d'Al-Aqsa avaient rendu leurs armes ; le calme était
revenu en dépit des raids fréquents de Tsahal, qui s'est réservé
un droit d'incursion nocturne. Mais il y a quelques jours, l'armée
israélienne a lancé une nouvelle offensive contre une série
d'établissements soupçonnés "d'exploiter les infrastructures
civiles pour recruter du soutien en faveur des activités
terroristes du Hamas". C'est ainsi qu'un certain nombre de
perquisitions musclées ont eu lieu dans plusieurs mosquées, à la
mairie, dans une station de télévision locale, dans un centre
commercial. Chaque fois, des documents et des ordinateurs ont été
saisis. Une école islamique a été fermée et des bus scolaires
confisqués. Lors d'un autre raid nocturne, dans la nuit du lundi
14 au mardi 15 juillet, au moins 24 personnes, dont des membres du
Hamas, ont été arrêtées lors de rafles. Naplouse, après Hébron au mois de mars, est
la cible des autorités militaires israéliennes qui craignent que
les islamistes n'utilisent les associations caritatives pour
étendre leur influence et prendre le contrôle de la Cisjordanie,
après avoir pris celui de la bande de Gaza il y a un an. C'est pourquoi tout ce qui paraît être lié de
près ou de loin au Mouvement de la résistance islamique est visé.
Et notamment le Daawa, un organisme regroupant toutes les
activités sociales ou charitables accusées d'accroître l'"allégeance
politique" au Hamas. Y compris les boulangeries qui, comme à
Hébron, ont été fermées, car susceptibles de financer les
islamistes. CHOC IMMENSE A Naplouse, le choc a été immense lorsque
l'ordre de fermeture du "Mall" a été signifié le 9 juillet.
L'armée a décidé de saisir cette galerie commerciale de quatre
étages comportant 70 magasins et des bureaux officiels de
l'Autorité palestinienne. La raison invoquée par les Israéliens
est que la société qui chapeaute ce complexe serait proche du
Hamas. Les soldats ont condamné avec des barres de
fer soudées entre elles les boutiques vides, fermé les locaux de
la société, brisé les caméras de surveillance et laissé sur les
vitrines l'ordre de déguerpir avant le 15 août car, à partir de
cette date, l'utilisation des locaux sera passible d'une peine de
cinq ans de prison. Les lieux deviendront la propriété de Tsahal
et les équipements seront confisqués, indique le décret militaire,
qui précise : "Si vous restez dans le magasin après le 15 août,
vous serez considéré comme travaillant pour le Hamas." La décision de fermer le "Mall" a
immédiatement été prise très au sérieux par l'Autorité
palestinienne. Le premier ministre, Salam Fayyad, s'est rendu tout
de suite sur les lieux pour dénoncer cette "humiliation qui va
entraver (nos) efforts pour rétablir l'ordre et l'autorité
en Cisjordanie". Une délégation du comité exécutif de
l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) est venue sur
place, lundi 14 juillet, pour prendre la mesure du "sinistre",
selon le mot d'Azzamal Ahmad, dirigeant du Fatah. Le gouverneur Jamal Muheisen (Fatah) proteste
contre la fermeture d'institutions "utiles au peuple
palestinien" et dément que le "Mall" soit contrôlé par le
Hamas. "Qu'on nous le prouve !", s'insurge un commerçant
qui s'emporte contre les dirigeants de l'OLP, demandant des actes
plutôt que des belles paroles. Quant à Yasser Abed Rabbo, proche conseiller
de Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, il
s'interroge sur le point de savoir "si c'est la loi israélienne
ou la loi palestinienne qui prévaut à Naplouse". Pour les
commerçants, la réponse est claire. Ils envisagent différents
types d'action "pour empêcher que le crime ne se produise",
selon la formule d'Omar Al-Khayyat, propriétaire d'un restaurant
et d'un café. Que faire contre "l'emprise croissante des
Israéliens, qui veulent tout régenter" ? s'inquiète Nabil
Mabroukeh, un autre commerçant. "L'occupation israélienne est
devenue folle", s'alarme, de son côté, le journaliste
israélien Gideon Levy, dans le quotidien Haaretz. Il
qualifie d'"absurde" la politique consistant à "rendre
plus pauvre et plus désespérée une population afin de combattre le
Hamas". "Israël n'a-t-il rien appris de l'échec du blocus
de la bande de Gaza ?", s'indigne-t-il. Le Hamas fait remarquer que ces magasins
opéraient avec une licence délivrée par l'Autorité palestinienne.
"Est-ce que, demain, Israël va fermer les mosquées, les écoles,
les librairies, les dispensaires au prétexte que ces
établissements sont contrôlés par le Hamas ?", s'interroge
Omar Al-Khayyat. "Les écoles et les orphelinats du Hamas
éduquent des générations dans l'esprit du djihad (guerre
sainte) et de l'endoctrinement du Hamas comme valeur suprême",
indique le ministère des affaires étrangères, rappelant qu'Ehoud
Barak, ministre israélien de la défense, vient de bannir 36
organisations de charité qui, à travers le monde, permettraient de
financer le mouvement islamiste. Michel Bôle-Richard Aux dernières nouvelles (29 juillet 2008) le Mall de Naplouse ne serait plus menacé de fermeture |