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La chute du dernier bastion du Fatah
dans la bande de Gaza

Article paru dans l'édition du 6 août 2008

Terminus Jéricho. Après trente-six heures d'atermoiements, les membres du Fatah rescapés de l'offensive du Hamas dans la bande de Gaza ont été transférés, lundi 4 août, dans la ville-oasis de la vallée du Jourdain. Leur arrivée sous escorte israélienne et leur installation dans les baraquements de la sécurité nationale palestinienne marquent l'effondrement de l'ultime place forte du Fatah dans le territoire aux mains des islamistes.

Dans la soirée du samedi 2 août, ces 180 hommes, membres pour la plupart de la puissante famille Helles, avaient été secourus par l'armée israélienne. A la demande du président palestinien Mahmoud Abbas, le point de passage de Nahal Oz avait été ouvert pour leur permettre de se réfugier en Israël. Quelques heures plus tôt, au motif que ce clan surarmé abritait les auteurs de l'attentat qui avait tué cinq de ses combattants le 25 juillet, le Hamas avait donné l'assaut à leur bastion, à Shuyajah, un faubourg surpeuplé de Gaza. Les combats au mortier et à l'arme automatique, qui avaient fait onze morts, avaient rapidement tourné à l'avantage des miliciens islamistes.

 

Dimanche, premier contre-ordre. De crainte que leur passage en Cisjordanie ne laisse encore plus le champ libre au Hamas, la direction palestinienne demande à Israël de renvoyer les vaincus à Gaza. Un premier groupe fait marche arrière mais leur arrestation immédiate par le Hamas gèle le mouvement. Pendant plusieurs heures, le sort d'Ahmed Helles, le chef du clan soigné dans l'hôpital israélien de Beersheba, se transforme en une patate chaude que se renvoient Israël, l'Autorité palestinienne, le Hamas et l'Egypte. Une association israélienne de défense des droits de l'homme s'adresse à la Cour suprême pour empêcher tout retour dans le guêpier gazawi.

Pendant ce temps, les vieilles inimitiés internes au Fatah resurgissent. Dans certains cercles, le clan Helles pâtit d'une image de "traître", héritée de son profil bas durant le coup de force du Hamas en juin 2007 et de son opposition à la stratégie de déstabilisation des islamistes menée par le chef local du Fatah, Mohamed Dahlan. L'idée d'accueillir à Ramallah ces hommes, impliqués pour certains dans les dérives mafieuses de l'Intifada, n'enchante pas la direction palestinienne. L'armée israélienne, qui sait que le groupe compte un certain nombre de combattants aguerris, n'est pas non plus enthousiaste.

Un compromis est finalement trouvé lundi 4 août. Ahmed Helles et ses proches rejoignent Ramallah mais le gros de la troupe - 88 hommes - est expédié à Jéricho, une bourgade coupée de la Cisjordanie par les barrages militaires. A leur descente du bus, les soldats israéliens leur distribuent une nouvelle carte d'identité, mentionnant Jéricho comme adresse. Une modification qui risque de pérenniser leur bannissement car les règlements sécuritaires israéliens interdisent aux résidents de Cisjordanie de se rendre à Gaza.

Benjamin Barthe

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