Reportage
La
radicalisation de certains colons inquiète les autorités israéliennes
KIRYAT ARBA ENVOYÉ SPÉCIAL - Michel Bôle-Richard
Noam Federman n'est pas du genre à se laisser impressionner.
Déambulant dans les ruines de sa maison, cet homme de 39 ans n'a pas
l'intention de se laisser déloger de l'endroit où il s'est installé avec
une autre famille depuis trois ans. "J'y suis, j'y reste, et si
l'on m'expulse, je reviendrai."
Militant d'extrême
droite proche des idées du rabbin Meir Kahane assassiné aux Etats-Unis en
1990, cet ultra nationaliste religieux refuse de répondre lorsqu'on lui
demande si la terre sur laquelle il s'est installé appartient à des
Palestiniens. Il se contente de montrer le ciel du doigt. Un peu plus loin,
un drapeau orange flotte au vent avec l'inscription "La terre
d'Israël appartient au peuple d'Israël".
M. Federman ne
comprend pas commen le gouvernement de son pays a pu ordonner la
destruction de ce qu'il appelle sa ferme, un arpent de terre de trois
hectares au pied d'une colline sur lequel a été construite la colonie de
Kiryat Arba qui jouxte la ville d'Hébron. Il traite le premier ministre
Ehoud Olmert de tous les noms ainsi que le ministre de la défense, Ehoud
Barak.
Ce dernier a
envoyé ses hommes, dimanche 26 octobre, pour raser les trois bâtiments qui
avaient été édifiés pour loger sa famille et ses animaux de ferme. "J'ai
neuf enfants et chacun de mes enfants aura neuf enfants. Nous sommes
l'avenir de ce pays. C'est pour cela qu'ils nous haïssent, mais ils ne nous
détruiront pas." Au total, dix-sept personnes vivaient là. Dans la
nuit du dimanche au lundi, les bulldozers ont tout rasé sans laisser le
temps aux occupants de prendre leurs biens.
Depuis, c'est la
guerre ! "Nous souhaitons aux militaires de Tsahal d'être abattus
par leurs ennemis. Nous les maudissons, nous leur souhaitons de devenir
tous autant qu'ils sont des Gilad Shalit (le soldat israélien enlevé en
juin 2006 dans la bande de Gaza), qu'ils soient tués, égorgés",
s'est emporté Shmouel Ben Yshaï, un colon de Hébron, partisan du Grand
Israël. Des propos qui ont scandalisé. M. Olmert a demandé une sanction
exemplaire. Finalement, l'auteur des insultes a écopé d'une amende.
Dans la semaine,
l'un des bâtiments a été reconstruit, mais il a été de nouveau jeté à
terre, jeudi, par les gardes-frontières. Ce qui a déclenché d'autres
échauffourées entre jeunes colons excités et forces de sécurité. Plusieurs
gardes-frontières ont été blessés par des jets de pierres.
Le rabbin de
Kiryat Arba, Dov Lior, a accusé les forces de l'ordre de "se
comporter comme les nazis en Pologne". En représailles, les colons
se sont attaqués aux Palestiniens vivant à proximité. Ils ont vandalisé des
maisons, coupé des arbres, endommagé des voitures, brûlé des pneus, profané
un cimetière.
Les escarmouches
sont devenues presque quotidiennes. Elles se produisent dans la soirée
entre les forces de l'ordre stationnées sur place et les jeunes colons
extrémistes descendus de Kiryat Arba pour soutenir la "ferme
Federman" comme ils l'appellent. Son emplacement est bien choisi :
l'annexion de ces terres permettrait de créer un lien entre Kiryat Arba et
la colonie voisine de Ramat Mamre. Des Jeep et des soldats gardent l'accès
à la ferme Federman. Sur place, quelques jeunes soudent des barres
métalliques pour dresser les structures des bâtiments à reconstruire.
Ces incidents
entre colons et forces de sécurité israéliennes sont de plus en plus
fréquents, en augmentation de 12 % par rapport à la même période en 2007.
Yesha, le Conseil des communautés juives en Judée et Samarie (Cisjordanie)
est débordé, même s'il condamne la démolition de la ferme implantée là
depuis dix ans. Les autorités estiment que la situation ne plus durer et
qu'il est "inadmissible" que les soldats soient la cible
des colons radicaux.
M. Olmert, lors du
conseil des ministres, dimanche 2 novembre, a qualifié ces agissements d'"intolérables".
Le gouvernement a, en outre, décidé de "stopper immédiatement tout
financement, qu'il soit direct ou indirect, d'avant-postes illégaux ou de
leurs infrastructures". C'est la première fois qu'un tel
engagement est pris.
Il existe plus
d'une centaine de colonies sauvages. Dès 2001, Ariel Sharon, alors premier
ministre, avait promis de les démanteler. Elles sont toujours là et leurs
occupants sont désormais une source d'inquiétude pour le pouvoir.
Michel Bôle-Richard
|