En
Palestine, la Bourse ne connaît pas la crise
RAMALLAH ENVOYÉ
SPÉCIAL Benjamin Barthe
Un Etat dans les limbes, une économie en lambeaux mais une
Bourse qui résiste : c'est le paradoxe palestinien. Alors que les marchés
s'effondrent dans le monde entier, l'indice Al-Quds (Jérusalem) de la
Bourse palestinienne, basée à Naplouse, enregistre depuis le début de
l'année une progression de 4 %.
Modeste en
d'autres temps, ce résultat dans le contexte de krach fait de Naplouse la
place financière la plus dynamique de tout le Moyen-Orient et la deuxième
dans le monde arabe après Tunis.
"La crise
nous a affectés dans la seconde semaine d'octobre, durant laquelle nous
avons clôturé en baisse de 4 % à deux reprises, explique Sofian Barghouti, le manager de
l'antenne de Ramallah du Palestinian Securities Exchange. Mais cet
impact demeure très modéré comparé à l'Egypte, à Dubaï et à l'Arabie
saoudite, où l'indice a plongé d'environ 50 %."
Cet exploit
incongru tient au fait que la Bourse palestinienne a connu son krach il y a
en fait deux ans. L'indice Al-Quds, qui faisait du surplace depuis l'ouverture
du marché en 1995 dans la foulée des accords d'Oslo, avait enregistré en
2005 une hausse foudroyante de plus de 300 %, due aux espoirs de
stabilisation suscités par l'élection à la présidence de Mahmoud Abbas. Il
s'était effondré aussi sec l'année suivante, avec la victoire électorale du
Hamas.
"PEU
D'INVESTISSEURS ÉTRANGERS"
"Aujourd'hui,
compte tenu de la correction de 2006-2007, les entreprises palestiniennes
présentes en Bourse sont toutes sous-évaluées, explique Hashem Shawa, PDG de la Bank of
Palestine. Même avec la crise financière mondiale, les cours ne peuvent
pas tomber plus bas."
Autre explication
: le relatif isolement du marché financier palestinien et son manque de
sophistication le maintiennent à l'écart des produits hyper-spéculatifs qui
ont déstabilisé les Bourses et les banques occidentales. "La Bourse
de Dubaï a été affectée par tous ces investisseurs étrangers qui ont
liquidé leur portefeuille pour couvrir leurs pertes sur les marchés
occidentaux, dit Sofian Barghouti. Comme il y a peu d'investisseurs
étrangers chez nous, ce phénomène ne nous a pas touchés."
Pour autant, cette
résistance imprévue ne préfigure pas forcément un rebond de l'économie
locale, toujours handicapée par une croissance nulle. Composée d'une
trentaine de sociétés, la Bourse de Naplouse est tirée par trois d'entre
elles, qui assurent les deux tiers de sa capitalisation : le prodige des
télécommunications Paltel, le conglomérat Padico et la Bank of Palestine.
"L'évolution
de la Bourse n'est pas représentative de l'état de notre économie, estime Hashem Shawa. Mais elle donne
une idée de notre capacité de résistance et d'innovation en dépit des
obstacles posés par l'occupation israélienne."
Benjamin Barthe
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