À
une nette majorité, le Parlement européen a décidé de ne pas suivre
le Conseil des ministres des Affaires étrangères et a purement et
simplement reporté le vote concernant le rehaussement du statut
d’Israël. Un vote d’autant plus remarquable que la ministre israélienne
des Affaires étrangères, Tzipi Livni, était venue en personne, la
veille, à Bruxelles, devant la commission des Affaires étrangères du
Parlement.
Le
« rehaussement » dont il est question donnerait tout
simplement un statut spécial à Israël et en ferait quasiment un
membre à part entière de l’Union européenne. C’est un camouflet
pour Nicolas Sarkozy, actuel président de l’UE, qui, le 23 juin
dernier, devant la Knesset (le Parlement israélien), annonçait que
« la France travaillerait au rehaussement des relations entre
l’Union et Israël ». C’est pourquoi il a fait accélérer le
processus. « Nous avions cru comprendre qu’on aurait le temps de
voir les progrès accomplis sur le terrain, mais les choses se sont précipitées »,
a indiqué à l’Humanité l’eurodéputée Véronique De Keyser
(PSE), qui, immédiatement après le vote, s’est exclamée :
« L’honneur du Parlement est sauvé. »
Ce
vote a été obtenu après que Francis Wurtz, président du groupe
GUE-GNL au Parlement européen, fut intervenu pour demander une
modification de l’ordre du jour. En clair, alors que les eurodéputés
doivent donner un avis conforme en disant oui ou non, Francis Wurtz leur
proposait de reporter la question. L’argument amené à la tribune du
parlement a porté et a su capter les voix des socialistes et des Verts
européens (Cohn-Bendit est intervenu en ce sens, tout en soulignant
qu’il serait fou de ne pas rehausser le statut d’Israël). Francis
Wurtz s’est appuyé sur ce que préconisait la délégation du
Parlement qui s’est rendue en Israël et dans les territoires
palestiniens en mai dernier (à laquelle participaient tous les
groupes).
Les
eurodéputés demandaient « qu’il y ait des signes sérieux de
bonne volonté traduits par des réalités tangibles sur le terrain par
Israël ». Le président de la GUE notait que ces signes n’ont
pas été donnés et qu’un an après la conférence d’Annapolis il
convenait de reporter tout vote du Parlement jusqu’à ce que des
« signes de bonne volonté » soient donnés par Tel-Aviv.
Accorder
un tel statut reviendrait à accorder une prime à l’occupation, selon
la formule d’un député européen. Comme le soulignait Francis Wurtz
devant le Parlement européen le 5 juin : « Ce qu’on attend
de l’Europe au sud de la Méditerranée à ce propos, c’est
qu’elle surmonte enfin ce que l’ancien représentant du secrétaire
général des Nations unies, M. de Soto, appela fort justement
"l’autocensure" à l’égard d’Israël concernant la
violation permanente du droit international. »
Tout
le monde comprend bien que l’enjeu est purement politique, puisque,
selon le fait accompli, cher aux dirigeants israéliens, Tel-Aviv
participe déjà à plus de 600 programmes de recherches. La manoeuvre
est, de plus, habile : elle tente d’enfermer le débat sur la
sanction ou non de la société civile israélienne - en l’occurrence
les scientifiques -, qui serait la bénéficiaire de tels
programmes. Si l’on ajoute à cela les campagnes de lobbying et les
pressions (dénoncées y compris par Véronique De Keyser :
« Nous sommes victimes de pressions, traités d’antisémitismes »,
assure-t-elle), on comprend les difficultés du débat. Le report décidé
hier a été appuyé par le PCF, de nombreuses associations et Leïla
Shahid, déléguée générale de Palestine auprès de l’UE, qui
demandait « de ne pas accorder ce privilège à Israël avant
qu’il mette en oeuvre les principes de la paix ».
Pierre
Barbancey