Ambassadeur de
France, grand résistant et l’un des rédacteurs de la Déclaration
universelle des droits de l’homme dont on célèbre cette semaine
les soixante ans, Stéphane Hessel n’a pas mâché ses mots,
dimanche soir, lors de la soirée organisée par la Délégation générale
de Palestine à l’Institut du monde arabe (IMA). Invité d’honneur
d’une soirée musicale et poétique magnifique, rythmée par la poésie
de Mahmoud Darwich, servie par une pléiade de talents (1), Stéphane
Hessel a d’abord regretté que le président de l’IMA, Dominique
Baudis, n’ait pas jugé utile et important d’être là. Il s’en
est pris ensuite avec vigueur au gouvernement français, représenté
dans la salle par Fadela Amara, qui est restée muette. « Il est
scandaleux, a-t-il dit, que le gouvernement français n’ait toujours
pas réussi à faire libérer notre compatriote, le Franco-Palestinien
- Salah Hamouri. Il faut rappeler ici tout le mal qu’Israël fait
aux Palestiniens, tout ce que la Déclaration universelle exige
qu’Israël fasse et qu’il ne fait pas. » Et d’évoquer
« les yeux hagards des enfants de Gaza » où il s’est
rendu le mois dernier avec son épouse.
Ces enfants
« privés de tout par un siège inhumain », Hind Khoury, -
déléguée générale de Palestine, les avait évoqués juste avant,
demandant « qu’on leur dédie cette soirée culturelle, à eux
et aux 11 000 prisonniers politiques palestiniens, que l’on chante
pour eux car, comme le dit notre grand poète national, nous - aimons
la vie ». La présidente de la Fédération internationale des
droits de l’homme, Souheir Belhassen, évoque elle aussi -
une situation
intenable : « Nous étions hier avec Raji Sourani, le président
de l’Association palestinienne des droits humains, venus assister à
notre conseil : il avait mis dix-neuf heures à sortir de Gaza.
Il nous a raconté le cauchemar des gens de Gaza. En cette veille
d’Aïd, la grande fête des musulmans, il faut savoir que les gens
de Gaza n’ont presque pas de nourriture, pas de feu, pas même de
lumière. C’est indescriptible et c’est une honte d’être
incapable de mettre fin à cette situation. »
Bernard
Ravenel, qui préside la Plate-forme des ONG pour la Palestine, a noté
pour sa part que « les Palestiniens sont les seuls au monde dont
le malheur a pour origine une décision de l’ONU » (2), ce qui
devrait accroître la responsabilité de la communauté -
internationale à leur égard.
Il n’en est
rien, d’évidence. Le premier de tous les droits, le droit à la
vie, est bafoué chaque jour, de plus en plus gravement, à Gaza, où
plus de la moitié de la population vit dans une misère absolue. Mais
aussi à Hébron, où le premier ministre israélien lui-même reconnaît
dans le déchaînement des colons des « pogroms
anti-palestiniens ». Et partout en Cisjordanie, de l’autre côté
de ce mur d’apartheid qui empêche les Palestiniens d’accéder à
l’école, au travail, à l’hôpital, bref, à tout ce qui fait la
vie normale d’un - humain du XXIe siècle.
C’est ce
droit primordial qui a été célébré dimanche soir, autour du grand
poète Mahmoud Darwich, mort l’été dernier, pour qui la Palestine
et tous ceux qui l’habitent sont à compter dans ce qui « sur
cette terre, mérite vie ».
(1) Les poèmes
de Mahmoud Darwich étaient lus par Hala Omran, Marie-Christine
Barrault et Jean Damien Barbin. La musique jouée par l’ensemble Al
Adwar et le trio Khoury, avec les voix de Dima Bawad, Aïcha Redouane
et Hélène Delavault.
(2) C’est
une résolution de l’ONU
qui, en
novembre 1947, a décidé
de partager la
Palestine pour créer l’État d’Israël.
Françoise
Germain-Robin