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Enquête L'aide massive aux
Palestiniens
Douze mois plus tard, le bilan de cette conférence surprend
presque le diplomate Pierre Duquesne, chargé de sa supervision. "Un
cercle vertueux semble s'être mis en place", assure-t-il. Non
seulement les donateurs ont globalement tenu leurs promesses, mais les
Palestiniens ont également atteint une partie des objectifs qu'ils s'étaient
fixés. Pour l'année 2008, une somme record de 3 milliards de dollars
(près de 2 milliards d'euros) est en passe d'être atteinte pour ces
territoires qui comptent déjà parmi les plus aidés au monde. L'aide
budgétaire (1,7 milliard) a permis à une Autorité privée de ressources
fiscales, du fait du marasme provoqué par la politique très stricte de
bouclage des territoires palestiniens par Israël, de verser les salaires, en
Cisjordanie comme partiellement à Gaza, contrôlé par les islamistes du Hamas
et placé sous un très sévère régime d'embargo. L'Autorité palestinienne a pu également régler ses dettes
vis-à-vis des compagnies israéliennes d'eau et d'électricité, des banques
palestiniennes ponctionnées pendant cette période, comme des fonctionnaires,
payés de manière intermittente. En échange de cette aide, le premier ministre palestinien,
ancien fonctionnaire du Fonds monétaire international, est parvenu à réduire
de 40 000 le nombre total de fonctionnaires palestiniens (services de
sécurité compris), à initier des dizaines de microprojets tout en
garantissant le bon usage, "l'intégrité", de ces fonds par
une Autorité longtemps caractérisée par la corruption et l'inefficacité. A ce
soutien budgétaire direct se sont ajoutées une aide humanitaire d'environ 700
000 millions de dollars et une somme équivalente pour des projets dont le
plus emblématique est peut-être la station d'épuration de Beit Lahiya, au
nord de Gaza, frappé par le blocus. Les autorités israéliennes ont, elles aussi, fait des gestes
en faveur de l'Autorité palestinienne comme le paiement d'intérêts pour les
périodes de la deuxième Intifada pendant lesquelles elles avaient gelé des
taxes dues aux Palestiniens (ces derniers ne disposent ni de ports ni
d'aéroports pour leurs importations qui transitent obligatoirement par
Israël), mais ces gestes sont restés très isolés. Les autorités israéliennes n'auraient ainsi que très
partiellement rempli les engagements contractés en mai auprès de Tony Blair,
l'émissaire du Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations
unies) dans la région. L'organisation non gouvernementale Oxfam regrette
d'ailleurs que "le changement radical sur le terrain" promis
lors de la conférence de Paris par le président de la République française,
Nicolas Sarkozy, ne se soit pas concrétisé. L'étranglement de Gaza, fragilisé par la fermeture définitive
du marché du travail en Israël et par la quasi-impossibilité d'importer comme
d'exporter des marchandises, a produit pour 2008 une récession de 2 % qui
concerne un tiers de la population totale palestinienne, et parachève la
destruction du tissu économique, sans que par ailleurs le Hamas n'en paraisse
pour autant affaibli. La crispation sécuritaire israélienne s'est même étendue, pour
l'étroite bande de terre, à son approvisionnement en billets de banque, au
point de susciter l'agacement du Fonds monétaire international comme de la
Banque mondiale. Le paradoxe est que le découplage de cette aide internationale
des négociations politiques, même si les dons ont pour double objectif de
conforter l'Autorité palestinienne face au Hamas, tout en préparant les bases
d'un éventuel Etat palestinien, aboutit pour l'heure à ce que prône le chef
du Likoud, Benyamin Nétanyahou, dont le parti est donné favori pour les
élections législatives du 10 février 2009. Hostile en 2007 au processus d'Annapolis, l'ancien premier
ministre plaide en effet en faveur d'une "paix économique"
(limitée à la Cisjordanie), qui permettrait, selon lui, de repousser à une
date ultérieure des discussions sur les principaux points de contentieux
politiques que sont Jérusalem, les frontières ou la question des réfugiés. Gilles Paris |