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Khaled Mechaal :
« Nous voulons un Etat dans les frontières de 1967 »
http://blog.mondediplo.net/2008-12-22-Khaled-Mechaal-Nous-voulons-un-Etat-dans-les
lundi 22 décembre
2008, par Alain Gresh
« Le Hamas et les forces palestiniennes ont offert une
occasion en or d’apporter une solution raisonnable au conflit israélo-arabe.
Malheureusement, personne ne s’en est saisi, ni l’administration américaine,
ni l’Europe, ni le Quartet. Notre bonne volonté s’est heurtée au refus
israélien que personne n’a la capacité ou la volonté de surmonter. Dans le
document d’entente nationale de 2006 signé avec toutes les forces
palestiniennes (à l’exception du Jihad islamique), nous affirmons notre
acceptation d’un Etat palestinien dans les frontières du 4 juin 1967,
avec Jérusalem comme capitale, sans colonies et avec le sujet (mawdou’)
du droit au retour. C’est le programme commun aux forces palestiniennes.
Certaines veulent plus, d’autres moins. Ce programme date de trois ans. Les
Arabes veulent quelque chose de similaire. Le problème est en Israël. Les Etats-Unis
jouent un rôle de spectateur dans les négociations et ils appuient les
réticences israéliennes. Le problème n’est donc pas le Hamas, ni les pays
arabes : il est israélien. »
Dans une villa de Damas, Khaled Mechaal, le chef du bureau politique
du Hamas, multiplie les entretiens avec la presse, alors que le cessez-le-feu
avec Israël à Gaza est arrivé à échéance le 19 décembre et que le mandat
du président Mahmoud Abbas (Abou Mazen) arrive à son terme début janvier. La
télévision du Hamas indique le chiffre « 19 » au-dessous du
portrait du président : le temps au-delà duquel l’organisation ne
reconnaîtra plus sa légitimité.
Mechaal jouit d’une aura particulière depuis qu’il a échappé de peu à
la mort en septembre 1997. Il résidait alors à Amman. Sur ordre de Benyamin
Netanyahou, le premier ministre israélien, un commando des services secrets
israéliens lui avait injecté un poison. Mais l’opération tourna au fiasco
quand les membres du commando furent arrêtés par les Jordaniens ; le roi
Hussein exigea que son voisin lui livre l’antidote. Pour faire bonne mesure,
Israël accepta aussi de libérer le cheikh Ahmed Yassine, dirigeant spirituel
du Hamas (qui sera assassiné le 22 mars 2004).
Le Hamas se défend d’être un obstacle à la paix. « Nous avons
une position de réserve par rapport à la reconnaissance d’Israël. Mais,
malgré cela, nous avons dit que nous ne serions pas un obstacle aux actions
arabes pour la mise en œuvre de l’initiative arabe de 2002. Les Arabes ont
multiplié les initiatives. Ils ont renouvelé leur proposition en 2007. Et,
malgré cela, la direction israélienne refuse l’initiative de paix arabe, elle
la découpe en parties, elle joue sur les mots, elle multiplie les
manœuvres. »
Le précédent de la reconnaissance inconditionnelle par l’OLP de l’Etat
d’Israël ne poussera sûrement pas le Hamas à suivre la même voie. A la fin
des années 1980 aussi, les Etats-Unis multipliaient les pressions sur l’OLP
pour que celle-ci reconnaisse officiellement l’Etat d’Israël (sans jamais
préciser dans quelles frontières). En décembre 1988, Arafat obtempérait.
Vingt ans plus tard, l’Etat palestinien n’existe toujours pas. Pour Mechaal,
comme pour nombre de Palestiniens, à quoi serviraient de nouvelles
concessions ? Après tout, Mahmoud Abbas a déjà fait toutes les concessions
demandées, et les négociations qu’il mène depuis des années n’ont pas
avancé...
Les propos de Khaled Mechaal dégagent une certaine assurance. Depuis
sa victoire aux élections législatives de janvier 2006 et malgré toutes les
pressions, le Hamas reste un acteur incontournable, notamment depuis la prise
de contrôle de la bande de Gaza en juin 2007. D’autant
qu’il a réussi à infliger une défaite militaire à Israël qui a
contraint ce dernier à rechercher un cessez-le-feu.
C’est ce cessez-le-feu (ou plutôt tahdi’a, « retour au
calme », selon le terme arabe), négocié sous l’égide de l’Egypte, qui
est arrivé à échéance le 19 décembre. Pourquoi ?
« Le cessez-le-feu ne s’est pas terminé par une décision. Il
devait se terminer au bout de six mois, et c’est ce qui se passe. Il n’y a
pas besoin que quelqu’un annonce sa fin. L’accord comprenait trois
points : le cessez-le-feu entre les parties ; l’extension du
cessez-le-feu au bout de quelques mois à la Cisjordanie ; la levée du
blocus de Gaza. D’autre part, il existait un engagement de l’Egypte d’ouvrir
le point de passage de Rafah. »
« Ces engagements n’ont été respectés que très partiellement
par Israël. Oui, le niveau de violence a baissé, les agressions contre Gaza
ont diminué, mais elles ne se sont pas arrêtées (vingt-cinq Palestiniens ont
été tués depuis la signature de l’accord). Quant au reste, rien n’a été
conclu. Les points de passage qui auraient dû rouvrir dans les dix jours qui
suivaient le 19 juin n’ont été rouverts que très partiellement. Et, dans
la dernière période, la situation à Gaza est devenue pire
qu’avant l’accord. Ce bilan, nous l’avons dressé depuis longtemps, mais, par
égard pour l’Egypte qui a négocié l’accord, nous nous y sommes tenus. »
« En juin, 94 % de la population de Gaza était avec
l’accord. Aujourd’hui, les gens sont contre, car il n’a pas réalisé ce qui
pour eux est l’essentiel : la levée du blocus. Le non-renouvellement de
l’accord était naturel et conforme à l’état d’esprit de la population. »
Mechaal ajoute :
« De toute façon, la tahdi’a ne pouvait être que
provisoire. Car ce qui est à l’origine de la situation, c’est l’occupation,
et l’occupation engendre la résistance. Nous menons une guerre défensive, pas
d’agression. »
Sur le terrain, les combats ont repris. Aux raids israéliens
répondent les roquettes palestiniennes. La presse israélienne évoque une
opération de grande envergure contre la bande de Gaza et Tzipi Livni,
ministre israélienne des affaires étrangères, déclare qu’il faut se
débarrasser du Hamas par tous les moyens. Mais que peut-on tenter d’autre, en
dehors d’un retour à l’occupation directe de Gaza ?
Le Hamas dispose de soutiens régionaux, en premier lieu la Syrie et
l’Iran. Plusieurs pays du Golfe ont maintenu des relations avec le mouvement.
La Jordanie, après une longue période de boycottage, a entamé un dialogue
avec l’organisation. Pragmatique, le roi Abdallah a dû prendre en compte les
échecs des tentatives d’éliminer le Hamas, qui dispose d’appuis importants
dans le royaume, notamment l’organisation des Frères musulmans. D’autre part,
les négociations israélo-palestiniennes sont dans l’impasse et l’absence de
toute solution sur la question des réfugiés – il y a plusieurs millions de
Palestiniens en Jordanie – fait craindre au souverain la renaissance de
l’idée que la Jordanie devrait être l’Etat palestinien, une idée agitée à
plusieurs reprises par la droite israélienne. Or, le Hamas est opposé aussi
bien à cette idée qu’à celle d’une installation définitive des réfugiés dans
les pays d’accueil.
Le problème pour le Hamas reste l’attitude de l’Egypte. Le Caire a
administré la bande de Gaza entre 1949 et 1967. Il y dispose d’une influence
réelle. L’Egypte a été le parrain de l’accord de tahdi’a entre Israël
et le Hamas. Pourtant, elle ne considère pas que le Hamas, qui a gagné les
élections de 2006, est l’autorité légitime ; et elle le voit comme une
simple extension des Frères musulmans, qui sont la principale force
d’opposition – très réprimée – au régime du président Moubarak. Enfin, l’Egypte,
qui a signé un accord de paix avec Israël, préfère la « souplesse »
de Mahmoud Abbas à l’« intransigeance » du Hamas. Est-ce cela qui
permet de comprendre pourquoi Le Caire refuse d’ouvrir le passage de Rafah
entre l’Egypte et Gaza, ouverture qui permettrait ce casser le blocus, mais
qui serait interprétée comme une victoire du Hamas ?
« Nous voulons de bonnes relations avec les pays arabes,
explique Mechaal. Nous ne sommes jamais à l’origine des ruptures avec tel
ou tel. Nous traitons toujours avec les gouvernements, jamais avec les forces
d’opposition ; nous ne nous ingérons pas dans les affaires
intérieures. »
Un retour à l’unité palestinienne est-il envisageable ?
Depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas, les
ponts étaient rompus entre le président Abbas et les islamistes. L’accord de La Mecque était enterré. « Il
y a eu deux étapes dans les tentatives de réconciliation entre le pouvoir de
Ramallah et nous. Au départ, le pouvoir ne voulait pas d’accord à cause des
vetos américain et israélien ; parce qu’il pensait que nous allions nous
effondrer à Gaza sous l’effet du blocus ; et que le sommet d’Annapolis allait déboucher sur une percée.
Malgré les efforts de nombreux Etats arabes et aussi d’autres pays comme le
Sénégal, la réconciliation n’a pu avoir lieu. »
« Puis, du fait de l’échec de ces espoirs – et de l’arrivée
au pouvoir d’un nouveau président aux Etats-Unis, et aussi (en février) d’un
nouveau premier ministre israélien –, la présidence palestinienne a
changé de position. Il lui a semblé nécessaire d’essayer d’obtenir un accord
qui permettrait de présenter, sous la direction de Mahmoud Abbas, un projet
palestinien unifié. Et, pour être franc, certains espèrent qu’un accord
permettrait la tenue d’élections et d’évincer le Hamas du pouvoir par une
voie électorale. Mais cela montre que la volonté de réconciliation s’appuie
sur des bases fausses, et cela explique pourquoi elle a échoué. »
La région vit une période d’attente. Des élections générales se
dérouleront en Israël le 10 février 2009. Dans moins d’un mois, Barack
Obama prendra ses fonctions de président. Va-t-on vers des changements ?
« En principe, le nouveau président devrait infléchir la
politique américaine pour deux raisons. Pourquoi ? D’abord, parce que
l’administration Bush a échoué, elle est arrivée dans une impasse dans la
région ; il serait normal qu’elle change. Ensuite, parce que la
non-solution du conflit israélo-arabe et la non-résolution de la question
palestinienne sur une base juste amèneront l’instabilité non seulement dans
la région, mais dans le monde. Il est donc dans l’intérêt des Etats-Unis de
supprimer les causes de l’hostilité aux Américains dans la région et dans le
monde musulman. »
Mechaal réfléchit un moment puis ajoute :
« Il y a une troisième raison. Si Obama veut redonner un rôle
plus effectif aux Etats-Unis dans le monde, il doit traiter le Proche-Orient
de manière différente. Sur beaucoup de dossiers, ils se sont alignés sur
Israël, et sur le lobby sioniste.
Est-ce que ce changement va se produire ? Cela dépend de la
volonté et de la disposition de l’administration Obama à prendre les mesures
nécessaires. A ce stade, je ne peux répondre ni dans un sens ni dans un
autre. Mais, en ce qui nous concerne, nous aurons une attitude positive et
nous répondrons de manière responsable à toute initiative américaine qui
prendra en compte les droits des Palestiniens. Nous voulons
l’autodétermination. Notamment depuis que nous avons concédé une base que
demandait la communauté internationale, une solution sur la base des
frontières de 1967. »
L’Europe n’occupera pas une place très importante dans la
conversation, tant son rôle paraît marginal et aligné sur celui des
Etats-Unis.
En conclusion, qu’en est-il du cas du soldat franco-israélien Gilad
Shalit, considéré par certains comme un otage ?
« Nous regrettons que le monde ne se préoccupe que du soldat
Shalit, qui été capturé durant des combats, et pas des
12 000 prisonniers politiques palestiniens – dont des députés élus.
Mais nous avons accepté la demande du président Sarkozy lors de sa visite en
Syrie, de transmettre une lettre de sa famille au soldat Shalit, par respect
pour la France et pour le choix qu’elle avait fait de se rapprocher du monde
arabe. Pour sa libération, nous avons négocié indirectement avec Israël
depuis deux ans sous l’égide de l’Egypte. Mais Israël est revenu sur les
engagements pris (notamment le nombre de libérations de prisonniers
palestiniens). Nous voulons que Gilad Shalit retrouve sa famille, mais nous
voulons que des prisonniers palestiniens retrouvent aussi leur
famille. »
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