|
|
|
Article paru dans
l'édition du 19 mars 2009 Reportage A Jérusalem-Est, le
quartier Al-Boustan s'organise contre sa destruction annoncée JÉRUSALEM CORRESPONDANT
"Certaines de ces maisons datent
d'avant l'occupation de 1967, et les demandes de permis ne sont jamais
accordées", proteste Abed
Shalode, du comité de défense. Des cartes ont été déployées sur le mur pour
expliquer comment la colonisation est en marche à Jérusalem-Est. Des zones plus claires cernées de rouge indiquent les
emplacements des implantations juives et leur progression dans le faubourg de
Silwan, dans lequel figure le quartier Al-Boustan. Située au pied de
l'esplanade des Mosquées, le Mont du Temple pour les juifs, près de la face
sud de la vieille ville, cette zone est âprement convoitée par les colons
pour en faire un prolongement du quartier juif. C'est à cet endroit qu'est située la cité de David. D'intenses
fouilles archéologiques y sont menées pour retrouver les traces de l'ancien
royaume et démontrer que cette terre est bien juive. D'autant que la
municipalité de Jérusalem projette d'en faire un lieu touristique. "Pas de site touristique sur les ruines
des maisons de 1 500 habitants", proclame un écriteau placé sous la tente. Deux maisons ont
déjà été détruites, et la population craint l'arrivée soudaine des
bulldozers. "La réaction sera violente", prévient Daoud Siam, né à Al-Boustan il y
a soixante-dix ans. "Ils veulent nous humilier, nous provoquer, voler notre
terre, mais nous ne nous laisserons pas faire", ajoute-t-il en mettant directement en
cause le nouveau maire de Jérusalem, Nir Barkat, qualifié de "boutefeu de la
ville sainte". Elu il y a quatre mois, ce dernier a fait savoir que "la loi devait
être respectée quelles que soient l'identité, la race, la résidence et la
religion". Al-Boustan est
devenu un abcès de fixation des tensions israélo-palestiniennes. Vingt et un
lauréats du prix Israël, parmi lesquels des écrivains célèbres, ont lancé un
appel pour que cessent les démolitions à Jérusalem-Est. Hillary Clinton,
secrétaire d'Etat américaine, s'est émue de la situation, lors de sa visite
début mars, en déclarant que les démolitions "ne facilitent
pas le processus de paix" et "violent la feuille de route" du plan de paix international, qui prescrit
un gel de la colonisation. Ce commentaire n'a pas été du goût de Nir Barkat
qui l'a qualifié de "mauvais signal" envoyé à "ceux qui ne respectent pas la loi". Al-Boustan est devenu le test de la volonté de Washington de
prendre une position claire contre la poursuite de la colonisation qui ruine
la possibilité de créer un Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale
comme le souhaitent les Palestiniens. Cinquante-cinq autres maisons sont
également dans le collimateur à Choufat, au nord de Jérusalem. Craignant un
raidissement du prochain gouvernement israélien, qui pourrait être très à
droite, l'Autorité palestinienne est sur le qui-vive. Soixante-dix familles
juives vivent déjà à Silwan. La fondation Elad, une organisation nationaliste religieuse,
tente par tous les moyens de conquérir de nouveaux espaces, maison après
maison. A chaque succès, les colons font immédiatement flotter le drapeau
israélien pour marquer le territoire. La municipalité a précisé que seules
les maisons construites après 1992 étaient concernées par les démolitions.
Les résidents ont demandé en vain que cette zone soit classée résidentielle.
Le rejet a été finalement notifié le 17 février. Depuis, c'est l'inquiétude. Très impliqué à Jérusalem, le cheikh Raed Salah, dirigeant
arabe israélien (il dirige la branche nord du Mouvement islamique), est venu
dire sur place : "Notre position est claire : soit nous vivons sur notre
terre, soit nous y serons enterrés." Michel Bôle-Richard |