|
|
|
Article paru dans
l'édition du 21 mars 2009 - page 7 Des
soldats israéliens dénoncent le comportement de l'armée à Gaza JÉRUSALEM
CORRESPONDANT - Michel Bôle-Richard Deux mois après la fin de l'opération "Plomb durci"
dans la bande de Gaza, qui a coûté la vie à plus de 1 300 Palestiniens, dont
une majorité de civils, des soldats israéliens racontent comment certains
d'entre eux ont été tués. C'est la première fois que ces témoignages sont
publiés, notamment dans le quotidien Haaretz
et le journal Maariv. Ils ont d'abord
été diffusés dans une lettre d'information d'une académie militaire. Un soldat raconte par exemple comment une mère de famille et
ses deux enfants ont été tués par un sniper parce que cette femme n'avait pas
compris qu'il fallait sortir de la maison en se dirigeant vers la droite
plutôt que vers la gauche. Un autre décrit comment une vieille dame est morte au milieu
de la rue sous les projectiles de soldats embusqués dans une maison à 100
mètres, alors qu'elle ne présentait aucun danger. "La vie des
Palestiniens est quelque chose de beaucoup, beaucoup moins important que la
vie de nos soldats", raconte l'un d'eux ajoutant : "ce qui
permet de justifier" ces morts. Afin d'éviter au maximum les pertes parmi les soldats, les
consignes de tirs données par les officiers étaient extrêmement souples. "Lorsque
nous entrions dans une maison, nous étions supposés démolir la porte puis
tirer à l'intérieur, et ainsi de suite dans tous les étages. Chaque fois que
nous rencontrions une personne, nous lui tirions dessus. Pour moi, c'est un
meurtre", explique le responsable d'un escadron. "Nous
devions tuer tout le monde, car ce sont tous des terroristes",
affirment certains soldats de l'unité d'élite Givati. Ces derniers racontent
aussi que lorsqu'ils pénétraient dans une maison, ils passaient tout par la
fenêtre : "réfrigérateur, vaisselle, mobilier. Les ordres étaient de
faire le vide." Un chef de section parle "des inscriptions
"Mort aux Arabes", des photos de famille sur lesquelles on crache
tout simplement parce qu'on en a le pouvoir. Tout cela dénote à quel point le
sens de l'éthique de Tsahal s'est dégradé". "GUERRE SAINTE" Danny Zamir, directeur de cette académie, a été surpris par
"la dureté des témoignages sur des tirs injustifiés contre des civils,
des destructions de biens qui dénotent une atmosphère dans laquelle on se
croit permis d'utiliser la force sans restriction". L'influence des
rabbins au sein de l'armée est soulignée. "Vous devez combattre pour
vous débarrasser des gentils (non juifs) qui vous empêchent d'occuper la
Terre sainte" : c'est la recommandation dont se souvient un militaire,
qui ajoute : "Beaucoup de soldats avaient le sentiment qu'il
s'agissait d'une guerre sainte." Informé, Gaby Ashkenazi, le chef d'état-major, a estimé que, "pour
le moment, les enquêtes n'ont pas démontré que de telles violations ont eu
lieu". Le ministre de la défense, Ehoud Barak, reste convaincu que "l'armée
israélienne est la plus morale du monde". "Bien sûr, il peut y
avoir des exceptions et tout ce qui a pu être dit va être vérifié",
a-t-il déclaré. Une enquête officielle a été ordonnée. Les soldats se sont
dits étonnés de la surprise créée par leurs témoignages. Pour eux, ce qui
s'est passé dans la bande de Gaza est habituel. Pour le moment, les enquêtes
promises sur le déroulement de certaines opérations de Tsahal au cours cette
guerre n'ont toujours pas donné de résultats. Michel Bôle-Richard |