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Analyse

Le gouvernement Nétanyahou a-t-il enterré l'Etat palestinien ?

par Michel Bôle-Richard

Article paru dans l'édition du 8 avril 2009

Désormais tout est clair : "Israël n'est plus un partenaire pour la paix." C'est Tzipi Livni elle-même, l'ancienne ministre des affaires étrangères, qui l'a admis, le 2 avril, au lendemain des déclarations de son successeur, Avigdor Lieberman. Ce dernier a jeté aux orties le processus de négociations avec les Palestiniens mis sur pied à Annapolis le 27 novembre 2007. Il a raillé le gouvernement précédent, celui d'Ehoud Olmert, en lui reprochant d'avoir échoué dans les pourparlers. "Combien de colonies sauvages ont été évacuées par Olmert, Barak et Livni ? Combien de barrages ont été levés ?", a-t-il fait valoir.

M. Lieberman n'a pas tort en ce sens qu'après plus d'un an de discussions le processus d'Annapolis n'a rien donné. Les positions israélienne et palestinienne sont toujours aussi éloignées l'une de autre sur les grandes questions que sont les frontières, le statut de Jérusalem, le retour des réfugiés et la répartition plus équitable des ressources en eau. Mme Livni a eu beau clamer qu'il fallait continuer les négociations, M. Olmert a eu beau fanfaronner en affirmant que "les négociations avaient fait un grand bond", accusant même les Palestiniens "d'avoir manqué de courage pour signer un accord alors que nous étions prêts à le faire", personne ne l'a cru. Le processus d'Annapolis avait des allures de rideau de fumée ; une fois dissipé, il n'a laissé qu'un grand vide.

Aujourd'hui, M. Lieberman se raccroche à la "feuille de route", le plan de paix international mis sur pied par le Quartet - Etats-Unis, Union européenne, Russie et ONU - en 2003. Pour faire semblant de croire, en quelque chose ? Mais cette initiative qui devait aboutir à la création de l'Etat palestinien à la fin de l'année 2005 ne fut qu'un chiffon de papier sans le moindre début d'application. Le nouveau chef de la diplomatie israélienne le sait parfaitement. Mais, à ses yeux, "l'affirmation selon laquelle le conflit israélo-palestinien menace le monde n'est plus une réalité".

C'est pourquoi la solution de "deux Etats pour deux peuples" préconisée par bon nombre de dirigeants du monde entier, à commencer par les Etats-Unis, n'est même plus à l'ordre du jour . Benyamin Nétanyahou se refuse aussi à l'envisager. Il y a déjà sept ans, le 24 juin 2002, que George Bush a évoqué cette possibilité. Son successeur, Barack Obama, a estimé, le 24 mars, que cette solution était "cruciale" et "le statu quo (...) intenable".

Force est de constater que les nouvelles autorités israéliennes semblent loin d'être convaincues de la nécessité de créer un Etat palestinien. Plus de quinze ans après les accords d'Oslo, cette possibilité s'éloigne de jour en jour, au fur et à mesure que la colonisation gagne du terrain en Cisjordanie et rend de plus en plus difficile l'instauration d'un Etat viable et continu. Il suffit de circuler en Cisjordanie pour se rendre compte à quel point les implantations se développent, les colonies sauvages s'enracinent, le dépeçage du territoire s'amplifie.

Quel gouvernement aura la volonté et le cran nécessaires pour déloger les colons et affronter le pouvoir sans cesse grandissant des organisations qui les soutiennent ? Certainement pas celui de M. Nétanyahou. Celui-ci n'a pas caché, pendant la campagne électorale, qu'il n'en ferait rien. S'attaquer aux colons, c'est l'assurance de faire voler immédiatement en éclats n'importe quelle coalition, et peut-être prendre le risque d'une "guerre civile". Quel exécutif est prêt à cela ? Lorsque le gouvernement Nétanyahou aura vécu, il sera probablement plus difficile de trouver une solution à la colonisation et de faire cesser l'occupation. Le projet d'Etat palestinien ressemble à une chimère et risque de le rester longtemps encore.

Les accords d'Oslo sont morts, le processus d'Annapolis enterré, la "feuille de route" caduque, et Israël n'a pas pris au sérieux l'initiative de paix saoudienne adoptée par les vingt-deux pays de la Ligue arabe au sommet de Beyrouth, en mars 2002.

Cette attitude a fait dire à Bachar El-Assad, le président syrien, à Doha le 30 mars, que "les pays arabes n'ont pas de vrai partenaire pour la paix". Que les perspectives de "paix économique" offertes par M. Nétanyahou ne sont, comme l'a souligné Saeb Erakat, responsable palestinien des négociations, "qu'un moyen pour mieux administrer et normaliser l'occupation". "Ce qui est offert aux Palestiniens n'est rien de plus qu'une série de cantons déconnectés les uns des autres avec une autonomie limitée", s'est-il insurgé.

Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, a mis, le 1er avril, la communauté internationale face à ses responsabilités, en lui demandant de faire pression sur le gouvernement israélien. Il n'a parlé ni de sanctions ni de boycottage.

Mais les Etats-Unis et l'Union européenne vont devoir prendre des décisions s'ils ne veulent pas que le Proche-Orient s'enflamme à nouveau. Tous deux n'avaient pas hésité à punir les Palestiniens pour avoir voté en faveur du Hamas, le 25 janvier 2006, imposant un embargo à l'Autorité palestinienne, pourtant aux prises avec une occupation de plus de quarante ans. Aujourd'hui, la balle est revenue dans le camp israélien.


Courriel : bole.richard@lemonde.fr

Michel Bôle-Richard (Correspondant à Jérusalem)

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