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A Jérusalem, le pape mesure les difficultés de sa visite PORTRAIT Le vicaire David
Neuhaus, bâtisseur Le vicaire David Neuhaus ne se considère pas comme un
converti, encore moins comme un « traître » à la religion juive. « Je n'ai
jamais abandonné le judaïsme car je n'ai jamais été un juif croyant et
pratiquant », tient-il immédiatement à préciser. De parents juifs installés
en Afrique du Sud après avoir fui l'Allemagne et le nazisme en 1936, il est
venu à Jérusalem à l'âge de 15 ans, envoyé par son école privée de
Johannesburg. C'est à cette occasion qu'il fait la rencontre de sa vie :
celle de la mère abbesse de l'église Sainte-Marie-Madeleine, une religieuse
russe orthodoxe très âgée, impotente, qui deviendra sa « mère spirituelle ».
« Elle n'a jamais voulu que je sois chrétien, seulement croyant et bon juif.
Mais la figure du Christ m'a fasciné. » La trajectoire de David Neuhaus est désormais toute tracée. Il
fait part de ses intentions à ses parents qui ne comprennent pas comment il
peut rejoindre « le camp des loups, les chrétiens, qui ont persécuté les
juifs pendant des siècles ». Devenu Israélien, il promet d'attendre dix ans
avant de s'engager. Dix années au cours desquelles il va étudier à
l'Université hébraïque de Jérusalem, lire les Evangiles et même étudier dans
une yeshiva (école talmudique) pour être sûr de la voie choisie. « L'appel du
Christ est devenu de plus en plus fort. Ce ne fut pas une révélation, mais
une découverte. » Baptisé en 1988, il choisit d'entrer chez les jésuites, « ces
juifs de l'Eglise », comme il le souligne, parce qu'ils laissent « plus de
place à l'individu, à l'esprit critique, à l'intellect ». Ses études
l'amènent aux Etats-Unis, en Egypte, en France et en Italie, et s'achèvent
avec une licence pontificale en exégèse. LES PEURS ET LES STÉRÉOTYPES Il enseigne aujourd'hui cette discipline au séminaire de Beit
Jala, près de Bethléem, et à l'Université catholique de cette même ville. A
47 ans, accédant à la fonction de vicaire pour les catholiques d'expression
hébraïque, David Neuhaus n'a pas abandonné un engagement ancien en faveur de
« la justice et de la paix en Israël-Palestine ». Pendant de longues années,
il a milité dans des organisations de droits de l'homme. Il était un prêtre
engagé, mais, aujourd'hui, ses fonctions l'obligent à plus de discrétion. Ce
combat, il l'a commencé dès son adolescence en Afrique du Sud. Il militait
contre l'Apartheid et donnait des cours à des Noirs privés d'écoles après les
émeutes de Soweto en 1976. Quel parallèle dresse-t-il entre les deux situations ? « En
Afrique du Sud, l'idée principale était la séparation. Ici, on veut faire
disparaître les Palestiniens. On les encourage à partir. » Sa mission principale est d'établir des ponts car « les gens
vivent dans leur peur, dans leurs convictions qui sont basées sur des
stéréotypes, dans ce complexe de victimes. Je passe d'un côté à l'autre pour
dire aux Israéliens que les Arabes ne sont pas des monstres et aux Arabes que
les Israéliens ne sont pas, eux non plus, des monstres. Pour le moment, nous
avons échoué », reconnaît-il, avant d'ajouter : « Je me souviens que 1985, en
Afrique du Sud, fut une année particulièrement dramatique. Qui aurait pensé
que moins de dix ans plus tard, l'Apartheid serait aboli ? C'était impensable
! » Pour David Neuhaus, tous les conflits finissent par se
terminer. Il espère que le travail entrepris par les défenseurs des droits de
l'homme changera les mentalités. « Je veux être là pour le renforcer, pour le
conforter, pour l'encourager, car je suis sûr, absolument sûr, que Dieu ne
nous abandonnera pas. » Alors, bien que les chrétiens soient de moins en moins
influents sur ces terres déchirées, l'ecclésiastique parlant hébreu et arabe
rêve d'être un trait d'union. Il est convaincu qu '« actuellement, l'attitude
de refus persiste car le conflit reste «bon marché». Quand le prix à payer
sera trop élevé, des solutions vont émerger ». Michel Bôle-Richard |