article paru le 7 juillet 2009 -
page 7
Christophe
Oberlin : « Nous attendons que les Israéliens nous laissent traverser »
Une équipe de chirurgiens français est empêchée depuis
dimanche 5 juin d’entrer dans la bande de Gaza. Joint au téléphone, Christophe
Oberlin, l’un des responsables de cette mission, raconte

Quand devait
débuter votre mission dans la bande de Gaza ?
Christophe
Oberlin : Nous sommes partis de France samedi 4 juillet. On devait passer
dimanche le check-point israélien d’Erez, qui permet d’entrer dans la bande
de Gaza. Mais cela fait trois jours que nous sommes bloqués et que nous
attendons que les Israéliens nous laissent traverser. Nous sommes neuf
chirurgiens, français, anglais et espagnol, mandatés par le ministère
français des affaires étrangères, dans le cadre de la mission humanitaire de
formation de chirurgie et d’enseignement que l’on mène depuis 2002, à raison
de trois à quatre missions par an à Gaza.
Quelles raisons
invoquent les Israéliens pour vous empêcher de passer ?
Aucune.
Arrivés à Erez, on a montré nos papiers, notre ordre de mission et on nous a
dit que nous ne passerions pas. Au cours des 25 missions que j’ai effectuées,
on a souvent eu des ennuis avec les Israéliens. Tantôt, ils laissaient passer
cinq personnes de l’équipe, et pas les autres. Certains ont été bloqués cinq
jours, d’autres définitivement. Une fois, l’un d’entre nous a été remis dans
l’avion de manière arbitraire. Jamais l’équipe entière n’a été bloquée
pendant toute la durée de la mission.
Que dit le
ministère des affaires étrangères français ?
Toutes
les vexations que nous connaissons aujourd’hui sont le quotidien des
diplomates du consulat de France à Jérusalem. Le premier adjoint du consulat
s’est fait refouler à Erez, avant-hier. Un véhicule du consulat de France a
été fouillé récemment alors que c’est illégal. C’est l’ambassade de France
qui maintenant se charge du dossier et son premier secrétaire appelle
régulièrement l’armée, en vain pour l’instant.
Quel est le but
de votre mission ?
Cette
semaine, nous devions donner trente heures de cours à des chirurgiens
palestiniens qui suivent sur deux ans une formation en microchirurgie et
chirurgie réparatrice. Nous devions voir aussi en consultation chirurgicale
70 patients qui souffrent de séquelles de blessures de guerre, paralysie,
chirurgie nerveuse, reconstruction cutanée. Par la même occasion, nous
soignons aussi les enfants atteints de tumeur ou victimes d’accidents
d’autres origines. Depuis le début de cette mission, on a opéré entre 700 à
800 patients, dont 45 % sont des enfants.
Combien de
chirurgiens formez-vous à Gaza ?
C’est
une formation en deux ans. Sept Palestiniens ont été diplômés dans la
première promotion sortie il y a deux ans. Cette année, dans la deuxième
promotion, en fin de première année, ils sont huit. On devait faire passer
les examens pour le passage de première en deuxième année. Si les Israéliens
ne nous laissent pas passer, la formation de ces chirurgiens palestiniens est
fichue pour cette année.
À chaque mission, nous voyons quatre fois plus de patients que nous ne
pouvons opérer. C’est pourquoi nous sommes passés à la formation car il y a
un besoin aigu. Le premier de nos élèves formés, Mohamed Al Rantissi, fait
100 interventions chirurgicales par an, ce que nous faisons en un an avec
quatre déplacements. Une personne sur place est aussi efficace que la
totalité des missions. Avec les diplômés et ceux à venir, d’ici à cinq ans,
on devrait couvrir les besoins de la population de Gaza dans ce type de
chirurgie spécialisée. Ces formations évitent des évacuations sanitaires et
permettent de créer des centres chirurgicaux localement.
Recueilli par Agnès ROTIVEL
(1) Auteur avec Jacques-Marie Bourget de Survivre à Gaza, un portrait de
Mohamed Al-Rantissi, Éd. Koutoubia, 198 p., 18,90 €.
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2381209&rubId=4077
|