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La Voix du Nord dimanche 2 août 2009 Les
étudiants pèlerins sur le cahoteux chemin de la paix REPORTAGE Impossible d'aller en Terre sainte sans aborder la
question palestinienne. Les 1 800 étudiants du pèlerinage Aux
Sources ont donc vu « le mur », sont allés en Palestine, à
Bethléem. Et ont pris part à deux mini-colloques évoquant la situation sur
place. PAR
BENOIT DESEURE La
scène est surprenante. Le long de la Via Dolorosa, dans la vieille
ville de Jérusalem, un groupe de jeunes filles, musulmanes, toutes voilées,
entre dans une église tenue par les Franciscains et qui abrite la quatrième
station du chemin de croix du Christ. Un homme, leur professeur, parle. De
Marie, certainement. Du christianisme aussi. Elles notent. « D'où
venez-vous », questionne notre guide israélienne. « De
Palestine », répond le professeur de religion. Et de citer... des
noms de villages arabes israéliens ! Ainsi est cette terre, où tout est si
proche, si imbriqué, si brûlant. « Coeur et âme du peuple juif »,
comme dit son maire, Jérusalem est aussi le centre religieux pour 3,4 milliards
de croyants, juifs, chrétiens et musulmans. Pour les autorités israéliennes,
le pèlerinage Aux Sources ( notre édition d'hier) constituait donc un
véritable enjeu : montrer aux touristes français qu'Israël les attend, que le
pays leur ouvre les bras. En 2008, il a accueilli 3 millions de visiteurs,
dont 300 000 Français. mais le tourisme religieux patine : en 2007, les
chrétiens français représentaient 14 % du total. Les juifs, 82 %. Les
Français ont peur. «
Vous avez vu, c'est très facile d'aller à Bethléem », lance le
directeur général du ministère du Tourisme, Noaz Bar Nir, aux 1 800 étudiants
pèlerins réunis au Palais des congrès de Jérusalem. Grondement dans la salle.
Certes, passer le check point et le mur n'a pas été trop compliqué pour les
40 bus, mais sur place, le témoignage de deux amies d'enfance, une musulmane
et une chrétienne (lors d'un mini colloque intitulé « Avoir 20 ans à
Bethléem »), a marqué. « Nous vivons dans une prison à ciel
ouvert », a témoigné Marie, la chrétienne. « Ce n'est pas
toujours facile pour les jeunes de comprendre mais là, ils ont vu que nous,
nous étions libres d'entrer et de sortir. Pas les Palestiniens »,
résume soeur Sylvie, religieuse auxiliatrice à Lille. «
Ça aurait été un mensonge de vivre ici un réconfort de notre foi sans voir la
réalité de cette terre aujourd'hui », reconnaît pour sa part Mgr
Barbarin, l'archevêque de Lyon. Mais la réalité, c'est aussi que «
depuis la construction du mur, les attentats ont cessé », fait
remarquer Dafna, une Israélienne. Et dans le pays, plus grand monde ne
condamne cette séparation. Confettis de Palestine «
Alors, facile d'aller à Bethléem ? », ont lancé les journalistes à
Mgr Vingt-Trois, le président de la conférence épiscopale française. «
Le problème n'est pas de passer une chicane. Ça peut être relativement facile
de passer une chicane. Le problème, c'est de vivre une séparation,
représentée par le mur. Et la question, c'est quelle énergie mettre pour que
ce mur puisse se transformer en passerelle et que chacun puisse vivre en paix
sur cette terre ? ». Tel était d'ailleurs le thème du deuxième
mini-colloque organisé durant le pèlerinage : comment vivre ensemble ? À
l'issue de la matinée, Mgr Garnier, l'archevêque de Cambrai, qui connaît bien
ce pays, ne mâchait pas ses mots : « Ça fait 40 ans que je viens et
chaque année, c'est plus dur chaque année, il y a plus de haine. Ce n'est
plus la Palestine, ce sont des confettis de Palestine. Il y a une
responsabilité politique d'Israël qui est énorme et qui ne semble pas perçue
par ses dirigeants ». Sur
la route du Christ, les pèlerins ont croisé un chemin plus cahoteux. Celui de
la paix. • |