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5 Articles parus le 4
août 2009 Le Fatah cherche un second
souffle Cinquante années d’une lutte
inégale. Histoire du Fatah Des délégués retenus par le
Hamas L’OLP, un front dominé par le Fatah
Qadoura Fares : « Nous
devons continuer la résistance » Le Fatah cherche un second souffle http://www.humanite.fr/2009-08-04_International_Le-Fatah-cherche-un-second-souffle Bethléem. L’organisation
palestinienne tient en Cisjordanie, toujours occupée par Israël, son premier
congrès depuis vingt ans, pour adopter un nouveau programme politique. Le
congrès du Fatah, l’organisation palestinienne, créée par Yasser Arafat,
démarre ses travaux aujourd’hui. Que le principal mouvement de l’Organisation
de libération de la Palestine (OLP) réunisse ses cadres pour définir sa
stratégie politique à un moment où le processus de paix n’a - depuis la
signature des accords d’Oslo - jamais été autant en péril, est d’une
importance politique déjà remarquable. Mais cette conférence est cruciale à
plus d’un titre. C’est la première de ce type depuis vingt ans. La dernière,
sous l’égide de son chef historique, avalisait les décisions du Conseil
national palestinien d’Alger de novembre 1988, qui, tout à la fois,
proclamait l’existence d’un État palestinien, formule servant de base à la
reconnaissance d’Israël, et amenait la reconnaissance officielle de ce qu’un
certain nombre de cadres du mouvement, dûment mandatés, avaient déjà
entamé : des discussions avec Israël. Certains, comme Isam Sartawi,
l’ont d’ailleurs payé de leur vie. D’autres, comme Abou Iyad, numéro 2 de
l’OLP, a été purement et simplement éliminé par les Israéliens. Mahmoud Abbas a décidé de crever l’abcès Aujourd’hui,
le Fatah est affaibli. Il est affaibli électoralement, après avoir perdu les
élections législatives, remportées par le Hamas en 2006 ; il est
affaibli en terme organisationnel avec des militants qui, pour beaucoup, ne
sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, réduisant l’organisation à un rassemblement
de représentants de clans, et, surtout, il est affaibli politiquement, le
charisme de Yasser Arafat - qui régnait sur le Fatah, sur l’OLP et sur
l’Autorité palestinienne - n’ayant pas trouvé de remplaçant en la personne de
Mahmoud Abbas, devenu numéro 2 de l’OLP par défaut, puis numéro 1 après
l’étrange mort d’Arafat. Un manque de charisme associé à une vision étroite
des accords de paix, à une incapacité à développer une alternative politique
face à des gouvernements israéliens successifs trop heureux de surfer sur un
affaiblissement du mouvement national palestinien et à une opposition
islamiste, renforcée par la corruption de l’Autorité palestinienne et les
dérives autoritaires d’un certain nombre de cadres chargés de la sécurité, à
commencer par Mohammed Dahlan. Mahmoud
Abbas, qui, depuis plusieurs mois maintenant, doit faire face à des critiques
grandissantes, dans son mouvement comme au sein de l’OLP, a donc décidé de
crever l’abcès, en convoquant un congrès du Fatah. La fronde était, c’est
vrai, perceptible. Au point que les rumeurs de scission alimentaient les
conversations au sein de l’organisation. Entre un Mahmoud Abbas, instrument
des Américains contre Yasser Arafat, nom- mé Premier ministre secondé comme
« ministre de l’Intérieur » par Dahlan, et un Marwan Barghouti,
condamné cinq fois à la prison à vie par Israël parce que coupable de
résistance, il y a évidemment un fossé politique qui, sous peine
d’éclatement, doit être comblé à l’occasion du congrès qui se tient à
Bethléem. Et tant pis pour les caciques de l’organisation, opposés aux
accords d’Oslo, comme Farouk Kaddoumi qui a qualifié la décision d’Abbas de
« grave et illégale », qui a de plus déclaré qu’il était
parfaitement illogique qu’un mouvement de libération tienne sa conférence la
plus importante à l’ombre des tanks israéliens. Il
semble néanmoins que Mahmous Abbas soit conscient de l’impasse dans laquelle
il se trouve. Il aurait dit au comité exécutif du Fatah qu’il était
insupportable de reporter la réunion de la conférence pour la énième fois
parce que « nous sommes devenus la risée et notre peuple ne nous prend
plus au sérieux. » Il aurait ajouté, selon la presse arabe :
« C’est maintenant ou jamais. » L’enjeu
est de taille pour Mahmoud Abbas, toujours président de l’Autorité
palestinienne mais dont le mandat est arrivé à expiration au mois de janvier
dernier. La légitimité qu’il recherche n’est pas tant pour lui que pour les
intérêts et les orientations qu’il représente, alors que ce qu’on appelle la
« jeune garde », menée par Marwan Barghouti, pousse au sein de
l’organisation, forte de son implantation chez les jeunes, particulièrement
en Cisjordanie. C’est
que la situation sociale, économique et politique du peuple palestinien est
délicate. C’est un euphémisme. En Cisjordanie, l’occupation perdure. La
colonisation ne cesse, comme le mur, de grignoter les territoires
palestiniens, volant les puits et les terres arables. Les check points - les
barrages - n’ont jamais été aussi nombreux, rendant la vie des Palestiniens
impossible, quand ils peuvent sortir de leurs villes ou de leurs villages,
toujours encerclés par l’armée israélienne. À Jérusalem-est, c’est pire. Les
familles palestiniennes sont expulsées, les colons juifs s’installent et le
Premier ministre israélien, Benjamin Netanayahu, se moque des injonctions
américaines, lui demandant d’arrêter la colonisation. Il est vrai qu’en
l’absence de sanctions Tel Aviv peut toujours aller chercher du soutien vers
l’Union européenne, et en particulier à Paris où Nicolas Sarkozy ne sait plus
quoi faire pour toujours satisfaire ses amis israéliens. Face
au peuple palestinien, les obstacles ne sont pas toujours de même nature ou
de même intensité, mais la division politique et géographique qui s’est
installée depuis les affrontements de juin 2007 dans la bande de Gaza et la
mainmise sur ce territoire par le Hamas rend difficile l’unité si nécessaire.
Un Hamas qui, changements géopolitiques obligent, cherchent à faire patte
blanche et se dit prêt - à mots couverts - à être le nouvel interlocuteur
dans le cadre d’une reprise du processus de paix, ce qui n’est pas vu d’un
mauvais oeil par la nouvelle administration américaine, en recherche de
stabilité régionale et prêt à composer avec les islamistes politiques, à
condition que ces derniers restent dans leur pré carré. Un Hamas qui a tenté
d’empêcher les cadres du Fatah de Gaza de se rendre à Bethléem. C’est
donc dans ce contexte que se tient ce congrès du Fatah. Les turbulences
internes sont fortes. Qu’est-ce que signifie résister aujourd’hui ?
Faut-il continuer à discuter avec Israël alors que la colonisation obère
toute création d’un État palestinien viable ? Quels rapports avec le
Hamas ? Et puis aussi, les relations du Fatah avec les autres
organisations palestiniennes membres de l’OLP - comme les communistes du
Parti du peuple palestinien (PPP), du Front démocratique (FDLP) et du Front
populaire (FPLP) - qui n’ont pas vocation à jouer les faire-valoir d’un
parti, le Fatah, membre de l’Internationale socialiste, peu regardant avec les
organisations véritablement de gauche qui, dans le monde, soutiennent le
combat du peuple palestinien. Ce qui n’est pas souvent le cas de
l’Internationale socialiste, à laquelle appartient aussi le parti
travailliste israélien, celui du ministre de la Défense Ehud Barak. Les prochaines élections devraient se tenir en 2010 La
voie est étroite pour le Fatah. Il doit tout à la fois regagner la confiance
de son peuple pour remporter les prochaines élections législatives et
présidentielle, qui devraient se tenir au début de 2010, et, dans le même
temps, tenir le cap des négociations sans céder sur les principes
essentiels : un État palestinien dans les frontières de 1967 avec
Jérusalem-est comme capitale, le droit au retour des réfugiés palestiniens,
une maîtrise des ressources en eau, une continuité territoriale et, surtout,
des débouchés économiques qui ne seraient pas seulement dépendants d’Israël.
Le congrès qui s’ouvre aujourd’hui va se poursuivre jusqu’à la fin de la
semaine. Certains cadres du mouvement appellent ce congrès celui de la
« dernière chance ». Pierre Barbancey |
Cinquante années d’une lutte inégale. Histoire du
Fatah http://www.humanite.fr/2009-08-04_International_Cinquante-annees-d-une-lutte-inegale Le sixième congrès du Fatah se tient à quelques mois du
cinquantième anniversaire de la création du Mouvement de libération nationale
palestinien. C’était
en octobre 1959 à Koweit. Un petit groupe
de jeunes universitaires palestiniens qui avaient tous fait leurs études au
Caire décide de créer un Mouvement de libération nationale palestinien.
C’est-à-dire l’acronyme du Fatah (inversion de Hataf en arabe). Une
appellation copiée sur celle du FLN algérien qui constituait alors, en pleine
guerre d’indépendance de l’Algérie, un modèle pour les mouvements de
libération arabes. On est un peu plus de dix ans après 1948 et la création
d’Israël, ce que les Palestiniens appellent la « Nakba », la « catastrophe ».
Le peuple palestinien ne se remet pas de l’exode forcé de plus de la moitié
de la population de la Palestine historique, charcutée par le plan de partage
de l’ONU pour faire place à l’État d’Israël. Il
est éclaté entre les divers pays arabes
qui ont accueilli les milliers de réfugiés - Liban, Syrie, Jordanie, Irak,
Koweit et pays du Golfe - et ceux qui vivent sous occupation, qu’elle soit
israélienne, jordanienne ou égyptienne. La Cisjordanie est sous la botte
jordanienne et la bande de Gaza sous la « protection » de Nasser,
le président égyptien, qui se pose en libérateur de toute la nation arabe.
Les deux régimes entendaient bien utiliser la cause palestinienne, considérée
comme sacrée par l’ensemble de l’opinion publique arabe, au mieux de leurs
intérêts respectifs. En
fait, l’embryon du futur Fatah naît et se
développe au sein de la Ligue des étudiants palestiniens, constituée au Caire
en 1951 et dont Yasser Arafat sera élu président en 1953. Elle regroupait des
étudiants de toutes les tendances politiques. Beaucoup venaient des Frères
musulmans, mouvement islamiste né en Égypte trente ans plus tôt, mais on y
trouvait aussi des baasistes, des communistes, des nationalistes arabes, tous
mus par la volonté de libérer la Palestine. Parmi
les fondateurs du Fatah se trouvaient
Yasser Arafat, Khalil Ibrahim Wazir et Salah Khalaf (1) qui deviendront les
trois grands organisateurs de la lutte armée contre Israël - mais aussi
Farouk Kaddoumi, en principe toujours dirigeant en titre du Fatah mais en
rupture totale avec l’Autorité palestinienne (il n’a jamais accepté les
accords d’Oslo), et enfin Mahmoud Abbas, l’actuel président de cette
Autorité. Il est ainsi l’un des derniers chefs historiques d’un mouvement
composite qui a connu bien des vicissitudes en cinquante années de luttes. L’idée
première qui animait ces hommes était la nécessité d’utiliser la lutte armée
pour libérer la Palestine de la présence israélienne. Aussi le Fatah va-t-il
mettre sur pied toute une organisation militaire de fedayins (partisans) qui
s’entraîneront dans des camps installés dans les pays arabes où se trouvent
les réfugiés palestiniens et leurs familles. Après la guerre des Six-Jours et
l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza par l’armée israélienne, le Fatah
entreprend les premières opérations militaires : la bataille de Karameh
en mars 1968, dont Arafat et ses feddayins sortent victorieux, sera l’un des
événements fondateurs de la popularité du Fatah et de son chef, qui intègre
alors l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) créée quatre ans
plus tôt avec le soutien de Nasser. Arafat en prend la direction dès l’année
suivante. Les
années suivantes seront celles des attaques de
guérilla menées, le plus souvent sans grand succès, par les fedayins contre
Israël depuis les pays limitrophes : la Jordanie d’abord, puis, après
septembre noir (2), le Liban. C’est aussi le temps des attentats et des
détournements d’avions, opérations menées soit par le Fatah lui-même, soit
par des groupes marxistes dissidents mais membres de l’OLP comme le FDLP ou
le FPLP. Car
dès cette époque s’est engagé au sein du Fatah un grand débat sur la
stratégie à suivre et sur le rôle respectif de la lutte armée et de la lutte
politique et diplomatique. Attentats et détournements d’avions non seulement
se montrent peu efficaces, mais ils ternissent l’image du Fatah et de l’OLP,
et attirent des représailles sur la population palestinienne et sur le Liban,
où sont installées les organisations palestiniennes après 1970. En
1974, Arafat, qui est à la fois chef du Fatah et de l’OLP,
lance à la tribune des Nations unies une offre de négociations de paix avec
Israël. Une offre qui provoquera de nouvelles scissions au sein du Fatah mais
qui sera acceptée par la grande majorité. Mais si le Fatah est prêt à
négocier, les dirigeants israéliens s’y refusent encore et continuent de
considérer Arafat comme un chef terroriste. Il faudra attendre de longues
années, une nouvelle guerre au Liban en 1982, puis l’intifada palestinienne de
1987, avant qu’elles ne commencent, après la première guerre du Golfe, en
1991. Entre-temps,
le Fatah, réfugié à Tunis depuis 1982, a tenu
son cinquième congrès à Alger : en 1989, trente ans après sa création,
il accepte officiellement la stratégie qu’Arafat a réussi à imposer à l’OLP
l’année précédente en annonçant urbi et orbi - à Alger déjà - la création
d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, à côté de l’État d’Israël
dont il reconnaissait ainsi le droit à l’existence dans les frontières d’avant
1967. Un changement stratégique qui fut difficile à accepter pour bien des
militants et qui devait conduire à de nouvelles scissions. Il
devait déboucher sur les négociations - officielles puis secrètes - avec
Israël, les accords d’Oslo et la création de l’Autorité palestinienne. Un
grand espoir est né. De retour en Palestine en 1994, Arafat confie la plupart
des postes dirigeants aux membres du Fatah, resté le parti dominant au sein
de l’OLP. Il sera le grand vainqueur des premières élections organisées dans
les territoires palestiniens en 1996. Mais
pas plus qu’il n’avait réussi à libérer la Palestine par la lutte armée,
le Fatah n’a réussi à obtenir la création d’un État indépendant par la
négociation. Empêtré dans la gestion administrative d’une population qui
continue de subir l’occupation et ses humiliations, le Fatah est apparu de
plus en plus compromis, miné par la corruption, déchiré par les rivalités,
incapable d’avancées significatives vers l’indépendance. Aussi a-t-il été
durement sanctionné lors des élections législatives de 2006, remportées par
le Hamas. Il lui reste à tirer les leçons d’une longue et douloureuse
histoire. Françoise
Germain-Robin (1) Abou
Jihad, assassiné en avril 1988 à Tunis par un commando du Mossad dirigé par
Ehud Barak, et Abou Iyad, assassiné en 1991 par un agent double, toujours à
Tunis. (2) En
septembre 1970, l’armée jordanienne attaque les camps de feddayins et les
expulse vers le Liban. Les massacres de ce « septembre noir » ont
fait entre 3 500 et 10 000 morts palestiniens. |
Des délégués retenus par le Hamas Le Hamas refuse la sortie de Gaza
d’environ 400 délégués attendus au congrès du Fatah. Il réclame en échange
d’une autorisation la libération de militants par l’Autorité palestinienne.
Le congrès, qui vise à redonner un second souffle à un parti affaibli,
pourrait être fortement perturbé par cette absence. Bravant l’interdiction,
27 délégués ont traversé illégalement le point de contrôle du Hamas à la
frontière égyptienne. Parfois de façon cocasse. Une femme a ainsi revêtu
l’habit islamique couvrant tout le corps avant de se mêler à un groupe de
paysannes. D’autres se sont déguisés en malades passant le contrôle en chaise
roulante. |
L’OLP, un front dominé par le Fatah http://www.humanite.fr/2009-08-04_International_L-OLP-un-front-domine-par-le-Fatah L’Organisation de libération de la
Palestine (OLP) a été créée en 1964 au Caire sur décision de la Ligue arabe,
à l’instigation du président égyptien Gamal Abdel Nasser, pour permettre
l’expression d’une identité nationale palestinienne et la lutte pour la
libération de la Palestine. Il s’agissait à l’époque de détruire l’État d’Israël
dont la création sur le territoire de la Palestine n’avait pas été acceptée
par le monde arabe. La charte de l’OLP reflétait ce point de vue et
préconisait la lutte armée jusqu’à la libération de l’ensemble de la
Palestine. Le premier président de l’OLP fut Ahmed Choukeiry. Il fut remplacé
en 1969 par Yasser Arafat, chef du Fatah (voir ci-dessus), qui la dirigera
jusqu’à sa mort en novembre 2004. Organisation composite, l’OLP comprend
outre le Fatah, le Front populaire de libération de la Palestine, le Front
démocratique de libération de la Palestine, le Parti du peuple palestinien
(ex-communiste) et d’autres petites organisations comme le FLP et le Djihad
islamique, dissidence du Fatah. Mais le Hamas, qui a gagné les législatives
palestiniennes de 2006 et pris le pouvoir dans la bande de Gaza en 2007, n’en
fait pas partie. L’OLP, dont Conseil national (parlement
souverain) a accepté en 1988 la résolution 184 de l’ONU sur le partage de la
Palestine et reconnu Israël, a modifié sa charte fondatrice en avril 1996. Le
21e CNP réuni à Gaza a alors abrogé tous les articles qui appelaient à sa
destruction. « Nous devons continuer la résistance » http://www.humanite.fr/2009-08-04_International_Qadoura-Fares-Nous-devons-continuer-la-resistance Qadoura Fares est la voix de Marwan Barghouti, leader du
Fatah, toujours emprisonné en Cisjordanie. Il a accepté de parler à l’Humanité
en exclusivité. Le dernier congrès du Fatah s’est tenu il y a vingt ans.
Qu’est-ce qui a amené l’organisation de cette conférence ? Qadoura Fares. Pourquoi maintenant ? C’est comme ça. L’unité du
mouvement était en danger si la direction continuait à reporter sans cesse la
tenue de ce congrès. Quels sont les principaux points qui seront discutés
durant ce congrès ? Qadoura Fares. L’ordre du jour du congrès est riche. Mais je pense que
le plus important pour nous est de réévaluer notre agenda politique au regard
de la crise politique que traverse le processus de paix. En face de nous,
nous n’avons qu’un gouvernement israélien extrémiste. Il n’y a pas de
négociations. D’autre part, il est important d’examiner les structures de
l’organisation, les procédures de décision à l’intérieur du mouvement et,
bien sûr, d’élire une nouvelle direction. Farouk Kadoumi, qui est à la tête du Fatah (mais qui se
trouve à Tunis et ne viendra pas au congrès), a lancé de graves accusations
contre Mahmoud Abbas et Mohammed Dahlan, il y a quelques jours, les
impliquant dans « l’assassinat » de Yasser Arafat. Quel est votre
sentiment ? Qadoura Fares. Farouk Kadoumi a fait une erreur. Il a utilisé des
documents fournis par des médias. Mais il ne représente pas la majorité et
pas même une petite minorité au sein du mouvement. Il a fait cela pour des
raisons personnelles, pas pour renforcer ou développer le mouvement. Comment avez-vous préparé ce congrès, sachant qu’il
apparaît qu’à l’intérieur du Fatah tout le monde n’est pas sur la même
longueur d’ondes ? Qadoura Fares. Concernant la préparation, il y a eu pas mal
d’obstacles. D’une part, le Hamas a empêché nos cadres de la bande de Gaza de
participer au congrès. D’autre part, j’estime que le comité préparatoire du
congrès a fait un certain nombre d’erreurs. Ceux qui y participaient
n’avaient pas en tête - et donc n’ont pas pris en compte, comme s’ils ne s’en
souvenaient pas - le fait que ce congrès est le premier depuis vingt ans. ce
qui veut dire que pour beaucoup de cadres du mouvement, c’est la première
fois qu’ils ont l’opportunité de participer à un tel congrès. C’est
d’ailleurs leur droit. Mais leur nom même n’a pas été mentionné. Ce qui
revient à les empêcher de prendre toute leur part dans le congrès et dans les
débats. Résultat, beaucoup de cadres sont en colère. Quelle sera votre attitude durant le congrès ? Vous
ferez-vous le porte-parole de Marwan Barghouti ? Qadoura Fares. Je suis certain qu’il y aura un consensus autour de
Marwan Barghouti dans les rangs du Fatah. Les délégués au congrès auront à
coeur de l’élire au comité central du Fatah. Plusieurs autres proches de
Marwan seront également candidats pour l’élection du comité central. Quelles sont vos orientations ? En quoi se
distinguent-elles de celles de Mahmoud Abbas ? Qadoura Fares. Nous pensons d’abord que le mouvement, le Fatah, doit
être beaucoup plus actif pour être à l’initiative. Il faut changer la
mentalité du mouvement, pas seulement la politique que nous avons menée
depuis vingt ans. Tout doit être changé, en fait. Nous ne pouvons pas
poursuivre les négociations alors que la colonisation se poursuit dans les
territoires palestiniens, qu’Israël ne reconnaît pas, dans ses principes, nos
droits nationaux. Dans ces conditions, on ne peut pas continuer à négocier.
Cela ne rime à rien. C’est juste utile pour l’occupation, pas pour le peuple
palestinien. Comment comptez-vous renforcer votre position au sein du
Fatah ? Qadoura Fares. Pour être franc, nous n’avons aucun représentant au sein
du comité préparatoire au congrès. Il y a eu de nombreux problèmes. Ils ont
mis en place les cadres qui leur sont favorables, qui voteront pour eux.
Malgré cela, nous avons décidé de participer au congrès. Nous ferons de notre
mieux pour faire avancer nos idées et les faire partager par le plus grand
nombre. Pensez-vous nécessaire de changer le comité central du
Fatah ? Qadoura Fares. Il le faut. Peut-être ne parviendrons-nous pas à changer
tous les membres du comité central. Mais je pense que la majorité sera
remplacée. Est-ce que quelqu’un, au sein de la tendance que vous
représentez, entend présenter sa candidature à la tête du Fatah ? Qadoura Fares. Le congrès est souverain sur la question du secrétaire
général. Il sera bien évidemment amené à discuter de cette question. Mais je
pense qu’Abou Mazen (Mahmoud Abbas) continuera à être le leader du mouvement. Comment l’idée même de résistance doit-elle être portée
par le Fatah ? Qadoura Fares. Nous sommes, en tant que Fatah, les fondateurs de la
résistance du peuple palestinien. Nous devons continuer notre résistance
jusqu’à la victoire. Mais, bien sûr, il y a de nombreuses questions qui se
posent, notamment celle de savoir quel type de résistance il faut développer.
Je tiens à souligner que nous préférerions retourner à la table des
négociations et qu’Israël reconnaisse nos droits. Mais si ce n’est pas
possible, le peuple palestinien ne doit pas abandonner son droit à résister.
C’est le droit de tout peuple dans le monde d’avoir la liberté, le droit à
l’autodétermination, de construire un État indépendant. Qu’est-ce que le Fatah doit faire, selon vous, pour
reconstruire l’unité palestinienne ? Qadoura Fares. Tout en reconnaissant qu’il est de notre responsabilité
de retrouver cette unité, il faut toutefois souligner que nous ne pourrons
parvenir seuls à une réconciliation avec le Hamas. Cette organisation a
également des responsabilités qu’elle doit assumer. Elle doit partager cette
volonté de réconciliation. Malheureusement, jusqu’à maintenant, l’attitude du
Hamas ne montre pas une volonté de réconciliation. Mais après l’élection de
notre nouvelle direction, nous reconsidérerons toutes les questions et toutes
les possibilités. En sachant que le plus important est de poursuivre le
dialogue et de parvenir à un accord avec le Hamas. Entretien réalisé par Pierre Barbancey |