|
|
|
Article paru dans l'édition du 04 août 2009 www.lemonde.fr/culture/article/2009/08/03/la-force-militante-de-l-art-palestinien_1225288_3246.html La force militante
de l'art palestinien Aux "check points", des soldats de Tsahal, l'armée
israélienne, déshabillent les passants résignés. Chic Point, installation
vidéo de l'artiste palestinienne Sharif Waked, oppose ces images du réel à un
podium de mode où défilent des mannequins progressivement dénudés. Métaphore
de la cérémonie sécuritaire, cette vidéo bouscule les représentations
occidentales du corps, appliquées au quotidien de populations soumises à un
contexte de guerre et d'exil. Une confrontation violente et absurde qui figure dans
l'exposition "Palestine : la création dans tous ses états"
présentée, jusqu'au 22 novembre, à l'Institut du monde arabe (IMA), à Paris.
Douze ans après une première rétrospective sur l'art palestinien organisée au
même endroit, la commissaire de l'exposition, Mona Khazindar, a rassemblé
dix-neuf artistes originaires de Jérusalem, Gaza, Ramallah, ou membres de la
diaspora installée en Europe et aux Etats-Unis. Les générations se croisent,
artistes reconnus (Kamal Boullata, Samia Halaby) ou jeunes disciples de
l'avant-garde (Fawzy Emrany, Steve Sabella), pour une exposition qui mêle
vidéos, peintures, photographies et installations. ENVIRONNEMENT INSTABLE S'il est impossible de définir une approche esthétique
commune, l'ensemble révèle pourtant une certaine continuité dans l'acception
d'un contexte politique, social et religieux. Marquée par l'héritage d'une
mémoire écorchée et par les souvenirs du déplacement et de l'exil, la
création contemporaine palestinienne montrée par l'IMA exhale une force
contestataire et revendicative. Tous réinterrogent les notions de territoire
et de droit de propriété. Ainsi des vidéos de Sandi Hilal, déjà exposées à la Biennale
d'architecture de Venise en 2003, qui mettent en perspective la possibilité
de création d'un espace public dans un environnement instable, comme le camp
de réfugiés d'Al-Fawwar. Plutôt que de normaliser l'exil et d'abolir
symboliquement le "droit au retour", Sandi Hilal témoigne d'une
volonté d'appropriation du sol et de reconstruction collective. Un sol "témoin", qui porte les stigmates d'un passé
émaillé de conflits, illustré par une série de photographies en noir et blanc
de Taysir Batniji. Les artistes dévoilent une histoire inachevée, figurée par
les tableaux d'Hani Zurob et ses hommes assis, peints au goudron mêlé de
henné, qui semblent retarder la mort. Une nouvelle génération d'artistes nés dans les années 1970 a
modifié les codes esthétiques de la création palestinienne. Par un recours
aux traditions orientales, à l'instar des objets reliquaires de Mohammed
Al-Hawajri, qui évoquent les pratiques des premiers transcripteurs du Coran.
Mais aussi par l'émergence des femmes sur la scène artistique, emmenées par
Raeda Saadeh. Ses photographies Who will make me real et Emergency
room témoignent des velléités d'indépendance des jeunes Palestiniennes. Et l'absurde enfin, pour désamorcer la solennité d'un art
parfois trop pamphlétaire. Avec sa vidéo Space Exodus, qui conclut
l'exposition, Larissa Sansour réactualise une scène du film 2001,
l'Odyssée de l'espace, de Stanley Kubrick, le drapeau palestinien tenu
par l'artiste, en cosmonaute, se substituant à la bannière étoilée. Romain Blondeau "Palestine : la création dans tous ses états", |