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Article paru dans
l'édition du 09 août 2009 A Bethléem, voitures
de luxe et slogans politiques pour le congrès des Palestiniens du Fatah Bethléem Envoyé spécial Pour décrire le congrès des délégués du
Fatah, l'homme de la rue palestinienne a souvent recours à une expression,
répétée à l'envi par les journaux israéliens : "fancy cars"
("voitures de luxe"). A Bethléem, le matin, avant que les
délégués ne convergent vers le lieu où se tient le congrès du mouvement
palestinien, elles sont alignées, noires et rutilantes devant l'historique
Jacir Palace et autres hôtels, entourées de policiers et gardes de sécurité
armés. L'image est sans doute réductrice, mais elle
résume l'accusation de corruption qui entache de façon tenace la réputation
du principal parti de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Le
Fatah s'est réuni à Bethléem pour son premier congrès depuis vingt ans, afin
de redorer son image de marque, renouveler ses instances dirigeantes, et
prendre un nouveau départ. Le choix de la ville religieuse ne doit rien
au hasard. Les délégués se retrouvent à l'école chrétienne Terra Santa (terre
sainte), contiguë à la place de la Mangeoire, adossée à l'église de la
Nativité. Le message est appuyé : le Fatah est un mouvement laïque, fort
différent du Hamas, encore qu'il faille voir dans l'insistance de Mahmoud
Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, à se réclamer de la "résistance"
face à Israël, le souci de réduire la perte de crédibilité du Fatah face à
l'organisation islamiste. Sur les murs des rues de Bethléem et de sa
ville jumelle de Beit Jala, les affiches du Fatah se succèdent avec leur
slogan : "La Résistance est un droit légitime du peuple
palestinien." Marwan, qui tient boutique dans le centre-ville et
préserve son anonymat, est sans illusion : "Abou Mazen (M. Abbas)
essaie de combattre la corruption, mais il n'a pas les coudées franches pour
nettoyer le Fatah. Ce congrès, c'est un show. " Un show, avec un déploiement de policiers
disciplinés, bien équipés et armés, présents tous les 20 mètres. Un spectacle
pour prouver à la communauté internationale qui le finance, que le Fatah,
tout en restant un mouvement de libération, essaie de se glisser dans les
habits neufs d'un parti politique et démocratique. Un show avec quelques
couacs, puisqu'il a fallu interdire l'entrée à la presse, pour cause de
débats houleux, avec éviction manu militari d'au moins trois délégués
contestataires. Cela n'empêche pas force embrassades entre
délégués des pays arabes voisins, souvent en exil depuis des décennies,
heureux de retrouver leurs compagnons de route de Cisjordanie. Et de
participer à la grande affaire du congrès : l'élection des 21 membres du
Comité central et des 120 délégués du Conseil révolutionnaire. Les scrutins devaient avoir lieu jeudi, puis
vendredi 7 août. Ils ont dû être repoussés une nouvelle fois : trop de
candidats (plus de 600), trop de polémiques à propos du vote des délégués de
Gaza. Cette effervescence pour accéder à des
positions dans l'appareil du mouvement obscurcit le débat politique : le
Fatah a adressé un message ferme au gouvernement israélien (les négociations
de paix ne reprendront qu'avec le gel de toute colonisation, la libération
des prisonniers et la levée du blocus de Gaza), mais on parle beaucoup moins,
à Bethléem, du processus de paix et du Hamas, que des clans et des factions. "On parle politique, corrige Hassan, un délégué soucieux de
discrétion, mais dans les groupes de travail. Comment voulez-vous engager
une discussion politique à plus de 2 000 délégués ? Mais c'est vrai que nous
ne changeons pas notre ligne politique : il faut revoir les méthodes de
négociation avec Israël mais pas le principe de celle-ci." A Dheicheh, le vaste camp de réfugiés de
Bethléem, les représentants du centre culturel affichent un profond
scepticisme : "Nous n'attendons rien de ce congrès, tranche Abou
Tamer, qui est fait pour l'extérieur et qui a été imposé par les Américains.
Ce que nous voulons, c'est que le Fatah ne renonce pas au code de conduite de
l'OLP, notamment au droit au retour (des réfugiés), et nous ne sommes
pas sûrs que Mahmoud Abbas tienne bon." "C'est un congrès pour soigner les
plaies à l'intérieur du Fatah, mais cela ne changera en rien la situation du
peuple palestinien",
ajoute-t-il. Hazem Alqassas renchérit : "Nous avons essayé les
pierres, les armes, la négociation. Pour quel résultat ?" Laurent Zecchini |