International
- Article paru le 12 août 2009
Mahmoud Abbas impose
sa direction au Fatah
Palestine : Marwan Barghouti,
symbole de la résistance, entre au comité central du mouvement, qui sort
renforcé de son congrès.
Analyse.
S’il est encore trop
tôt pour savoir si le Fatah va retrouver le coeur des Palestiniens,
l’organisation fondée par Yasser Arafat a, en tout cas, ouvert une nouvelle
page de son histoire avec les travaux de son 6e congrès, qui s’est achevé
formellement lundi soir, avec l’élection des organismes de direction, le
comité central (CC) et le conseil révolutionnaire (CR).
bien Des choses à se
dire
Loin des habituels
discours consensuels, les débats qui ont eu lieu ont été riches et même vifs.
C’est qu’après vingt ans sans réunion de ce type, les cadres du parti avaient
des choses à se dire. Ils en avaient d’autant plus que la direction sortante
était vieillissante (c’est un euphémisme, certains membres étant même
décédés), à commencer par le numéro 1. Pourtant, le congrès, ses conclusions
et le nom des nouveaux dirigeants semblent bien marquer la prééminence de
Mahmoud Abbas sur l’organisation.
Avisé, il a d’abord su
tenir compte des critiques venant des militants, notamment sur les erreurs
commises ces dernières années, qui ont coûté le pouvoir au Fatah, battu aux
élections législatives par le Hamas. Lui, qui, malgré le désaccord de la
direction de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), a continué
les discussions avec Israël alors que le peuple de Gaza était économiquement
asphyxié puis bombardé, a fait inscrire dans le programme politique du Fatah,
adopté samedi, « son attachement à l’option d’une paix juste » avec
Israël, tout en réitérant « le droit du peuple palestinien à la
résistance contre l’occupation, conformément à la loi internationale »,
ce qui lui a valu les critiques du chef de la diplomatie israélienne, Avigdor
Lieberman, qui a affirmé que cette plate-forme politique avait « enterré
toute chance de parvenir à une paix avec les Palestiniens dans les prochaines
années ».
un besoin de
rajeunissement
Mahmoud Abbas savait
également qu’il lui fallait rajeunir sa direction (et faire des exemples en
éliminant les trop corrompus. Ahmed Qorei, impliqué dans des livraisons de
ciment aux colonies, a été écarté sans ménagement). Pour cela, quelques noms
suffisaient. Si l’on regarde la liste des membres du comité central élus à
l’issue du congrès, on constate d’abord que les trois premiers élus
(c’est-à-dire ayant eu le plus grand nombre de voix) sont des vieux de la
vieille, à commencer par Muhammad Ghneim, connu sous le nom d’Abu Maher, qui
n’est jamais rentré d’exil, toujours basé à Tunis. En troisième position, on
trouve Marwan Barghouti, symbole de la résistance qui, malgré son
emprisonnement dans les geôles israéliennes, a gardé toute son aura au sein
du Fatah (il était secrétaire général pour la Cisjordanie) et surtout au sein
de la population. Son élection, tout comme celles de Jibril Rajoub (6e
position) et
Mohammed Dahlan (10e
position), deux anciens responsables de la sécurité préventive, le premier en
Cisjordanie, le second à Gaza, marque l’entrée de la génération militante qui
a émergé lors de la première Intifada. Les trois ont été emprisonnés à
plusieurs reprises, les trois ont appris l’hébreu en prison, les trois se
posent maintenant en successeur de Mahmoud Abbas.
Paradoxalement, alors
que le premier dirigeant du Fatah cumule aussi les fonctions de président de
l’OLP et de l’Autorité palestinienne, qu’il a soixante-dix ans plus que
dépassés, il n’a pas été question de sa succession. Certains délégués,
contactés par l’Humanité, pensent même que « comme Abou Ammar (Yasser
Arafat - NDLR), Abou Mazen (Abbas - NDLR) ne songe pas du tout à être
remplacé. Même pas dans le cadre de la présidentielle qui devrait se tenir
l’année prochaine ». Des délégués font remarquer qu’Abbas s’est
débrouillé pour que « tous ceux qu’ils voulaient soient élus afin
d’avoir de bonnes relations avec toutes les tendances politiques sans
qu’aucune ne contrecarre ses plans. Il pourra faire déclarer au comité
central tout ce qu’il veut ». Le Hamas a pour sa part affirmé par la
voix de son porte-parole Fawzi Barhoum à Gaza qu’il jugerait la nouvelle
direction du Fatah « selon sa politique et ses actes ». Nul doute
que le Fatah sort renforcé sur la scène politique palestinienne mais aussi
internationale.
Pierre Barbancey
|
Bil’in résiste encore et toujours à l’envahisseur
israélien
Le village de
Cisjordanie oppose une résistance non violente, malgré les incursions
militaires et les arrestations. Un collectif écrit à Kouchner.
À Bil’in, en Cisjordanie,
la population palestinienne résiste encore et toujours, malgré la répression
israélienne impitoyable qui s’abat sur elle. Tout comme le village de Nil’in
et de nombreux autres en Cisjordanie, celui de Bil’in mène depuis de
nombreuses années maintenant une résistance non violente contre les
expulsions, contre les confiscations de terre, contre les colonies et la
poursuite de la construction du mur. Une lutte devenue exemplaire, et un
acharnement de l’occupant qui ne l’est pas moins. D’un côté des paysans qui
défendent leur terre pacifiquement pour empêcher l’érection d’un mur qui les
séparera de leurs champs, donc de leurs productions, donc de leurs moyens
d’existence, de l’autre, des soldats armés, épaulés par des véhicules blindés
qui fêtent les soixante ans des conventions de Genève à leur manière :
en les foulant aux pieds.
Ces dernières semaines
et presque chaque nuit, des soldats envahissent le village de Bil’in et les
maisons, terrorisent la population, y compris les enfants, et procèdent à des
arrestations (plus de 17 personnes en un mois dont plusieurs jeunes mineurs)
comme on peut le voir sur certaines vidéos (http://www.youtube.com/).
Mohammed Khatib, du Comité populaire contre le mur et les colonies de Bil’in,
est de ceux-là. En avril, un habitant du village a été assassiné par un tir
de grenade lacrymogène en pleine poitrine. À Nil’in, il y a eu plusieurs
morts, dont un enfant. Pourtant, les droits des habitants de Bil’in sur leurs
terres coupées par le mur d’annexion leur ont été partiellement reconnus en
2007 par la haute cour de justice israélienne, qui a demandé la modification
du tracé du mur sur les terres palestiniennes. Ce que ne supportent pas les
gouvernements israéliens successifs, c’est le soutien croissant apporté aux
habitants de Bil’in par l’opinion publique israélienne et internationale.
Une quarantaine
d’organisations françaises, dont beaucoup ont envoyé à plusieurs reprises des
délégations sur place pour manifester avec les habitants, viennent de
s’adresser au ministre français des Affaires étrangères, « pour le
sensibiliser à cette situation » et faire « cesser le soutien
inconditionnel de la France et de l’Union européenne à Israël ». Elles
devraient être reçues aujourd’hui au Quai d’Orsay.
Pierre Barbancey
|