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Article
paru le 13 août 2009 Marwan Barghouti,
l’espoir au présent Proche-Orient. Un ministre israélien estime qu’il faut le libérer. Paradoxalement,
Benyamin Ben Eliezer, actuel ministre israélien du Commerce et de l’Industrie
mais, surtout, ancien ministre travailliste de la Défense lorsque Ehoud Barak
dirigeait le gouvernement, vient de relancer l’idée de la libération de
Marwan Barghouti, leader palestinien emprisonné depuis avril 2002 et condamné
à cinq fois la prison à vie. « Il faut le libérer immédiatement et
s’asseoir avec lui, personne d’autre que lui n’est capable de prendre des
décisions difficiles », a affirmé, hier, Ben Eliezer. « On ne fait
pas la paix avec des beaux esprits, mais avec des dirigeants capables de
prendre des décisions et d’imposer leur autorité à l’ensemble des factions
palestiniennes ». Le même a affirmé à propos d’Ehoud Barak - ministre de
la Défense du gouvernement Netanyahou : « À ma connaissance, il ne
fait pas partie des opposants à la libération de Barghouti. » Quel que
soit le fond réel de la pensée de Benyamin Ben Eliezer et le moment choisi
pour cette déclaration (une lutte commence à sourdre entre les diverses
factions gouvernementales israéliennes, lire ci-contre), la question de la
libération de Marwan Barghouti ne doit pas cesser d’être posée, exigée. une stratégie politique stable Le
congrès du Fatah, la principale organisation palestinienne, que Barghouti
dirigeait en Cisjordanie avant son arrestation, a montré le poids politique
de ce leader de cinquante ans. Formé lors de la première Intifada, emprisonné
à plusieurs reprises - ce qui a permis à cet ancien étudiant de l’université
de Bir Zeit, près de Ramallah, d’étudier l’hébreu -, Marwan Barghouti
n’a jamais dévié de la stratégie politique qu’il a adoptée pour parvenir à la
création d’un État palestinien, aux côtés d’Israël, dans les frontières de
1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. S’il a toujours déclaré vouloir
privilégier le dialogue avec Israël pour y parvenir, il a également toujours
affirmé que la légitimité de la résistance n’était, elle, pas négociable,
entendue comme un droit des peuples, reconnu par les Nations unies. Cette
résistance - et contrairement aux accusations de la « justice »
israélienne qui a agi en toute illégalité, puisque Marwan Barghouti a été
arrêté alors qu’en tant que député il bénéficiait d’une immunité et que son
arrestation s’est déroulée à Ramallah, en territoire palestinien -, il
n’a jamais voulu qu’elle frappe les civils israéliens. En revanche, il estime
totalement légitime le combat contre les colons, qui occupent la terre de
Palestine, et l’armée israélienne, dont le rôle est celui d’une armée
coloniale, maintien de l’ordre, répression et bouclage des territoires
palestiniens. « un droit à la résistance » Au
sein d’un Fatah vieilli, d’une direction figée et d’une montée en puissance
des islamistes du Hamas incarnant de plus en plus la résistance
palestinienne, les idées de Marwan Barghouti, portées par ses proches comme
Qadoura Fares, ont envahi le congrès de l’organisation, sous l’oeil du défunt
Yasser Arafat. Dans le document final, le Fatah a rappelé « son
attachement à l’option d’une paix juste » avec Israël, tout en réitérant
« le droit du peuple palestinien à la résistance contre l’occupation,
conformément à la loi internationale ». un important mandat populaire Dans
un éditorial, Hafez Al Barghouti, rédacteur en chef du journal Al Hayat Al
Jadida, écrivait, hier : « Le grand vainqueur des élections est le
président Abou Mazen (Mahmoud Abbas - NDLR) qui a réussi à mener à bien le congrès,
à régler de nombreux problèmes et à mettre en échec une scission qui
menaçait. » Il ajoutait : « Le deuxième vainqueur est Marwan
Barghouti, qui a reçu un important mandat populaire en dépit de la campagne
hostile dont il a fait l’objet avant et pendant le congrès. » Marwan
fait partie des trois seules personnalités qui ont recueilli plus de 1 000
voix (sur 2 000 délégués) lors de l’élection au comité central du mouvement.
Ce qui, de fait, fait de lui l’un des dirigeants les plus populaires au sein
du Fatah et au-delà. Les nombreux sondages réalisés dans les territoires
occupés, en Cisjordanie et à Gaza, montrent que, dans tous les cas de figure,
en cas de présidentielle, il réalise un meilleur score que Mahmoud
Abbas ; surtout, ce dernier pourrait être battu par un candidat du
Hamas, ce qui n’est pas le cas de Marwan Barghouti. La
force du mouvement national palestinien, c’est évidemment son unité. Une
unité actuellement perdue, d’où son affaiblissement. D’un côté le Hamas, qui
contrôle la bande de Gaza. De l’autre la Cisjordanie, où règne ce qui reste
du Fatah. Malgré son emprisonnement, Marwan Barghouti n’a de cesse d’appeler
à l’unité et surtout à prendre des initiatives de caractère politique visant
à recréer cette unité de toutes les organisations palestiniennes. Il est
ainsi à l’origine de ce qu’on appelle le « document des
prisonniers », signés par les représentants incarcérés de toutes les
parties palestiniens sans exception, à la base de la rencontre entre le Hamas
et l’OLP à La Mecque, à une période où tout dialogue était rompu. Limor
Livnat, ministre israélien Likoud, le parti du chef du gouvernement Benyamin
Netanyahou, ne s’y trompe pas. « Nous ne devons pas vérifier l’état
d’avancement des négociations avec les Palestiniens en libérant un tueur,
cela ne nous amènera pas à la paix », avance-t-il. Venant du
représentant d’un parti qui poursuit la colonisation et cherche à différer
tout accord de paix, c’est un appel au développement de la campagne
internationale pour la libération de Marwan Barghouti. Pierre Barbancey |