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Un
appel d'HIND KHOURY publié dans L'Humanité Dimanche. PALESTINE «Je
suis né dans cette maison, mes enfants aussi. Je résidais ici légalement, et maintenant,
nous sommes à la rue. Nous sommes des réfugiés. » Maher Hanoun a été expulsé
le 2 août dernier de sa maison du quartier Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est. Ce
jour-là, des colons, sous la protection de la police israélienne, ont pris
possession des logements de plusieurs familles palestiniennes qui vivaient là
depuis 1956, mettant à la rue 53 personnes, dont 20 enfants. Cette expulsion
est loin d’être isolée. La partie orientale de Jérusalem, conquise et annexée
en 1967 par Israël, qui devrait selon les accords internationaux, devenir la
capitale du futur État palestinien, fait l’objet d’un processus de
colonisation et de judaïsation qui s’est accéléré ces derniers mois. Et la
possible existence d’un plan secret d’évacuation de 23 avant-postes illégaux
(au regard du droit israélien) en Cisjordanie, récemment dévoilé par le
journal « Haaretz », ne leurre personne : le gouvernement israélien dirigé
par Benjamin Netanyahou compte bien poursuivre la colonisation. Il tente
simplement de ménager son allié américain qui multiplie les appels à geler la
colonisation pour relancer le processus de paix. Netanyahou y reste sourd,
comme aux remontrances de Paris. Le gouvernement israélien sait qu’il n’a pas
grand-chose à craindre des discours. Déléguée générale de la
Palestine en France, Hind Khoury appelle la France et l’Union européenne à
agir, vite, « pour sauver les derniers espoirs de paix». COLONISATION: « Israël doit comprendre
que de tels agissements ont un coût » Par Hind Khoury, déléguée générale
de Palestine en France À
maintes reprises, le président Nicolas Sarkozy a appelé au gel de la
colonisation israélienne dans les territoires occupés palestiniens. À
l’occasion de son discours prononcé devant la Knesset, le 23 juin 2008, le
président de la République française a déclaré qu’« ’il ne peut y avoir de
paix sans l’arrêt de la colonisation ». L’arrêt de la colonisation
israélienne en territoire palestinien constitue un premier pas vers la paix.
Après presque 42 années de colonisation des territoires occupés, alors que la
viabilité du futur État palestinien est aujourd’hui en péril, les
condamnations officielles et les résolutions des Nations unies demeurent
malheureusement sans effet. Avec près de 500 000 colons résidant aujourd’hui
en Cisjordanie, dont 185 000 au sein et aux environs de Jérusalem-Est, la
situation est devenue insoutenable. Il y a bien longtemps que les mots ne
suffisent plus. Pour sauvegarder la perspective d’une solution de paix fondée
sur deux États, il serait important que la France comme l’Union européenne se
saisissent de ce problème crucial et relèvent le défi. L’urgence
justifierait une action sur trois fronts. Il convient d’abord de constater
que l’explosion de la colonisation doit beaucoup aux avantages économiques
octroyés aux colons. Selon un sondage de La Paix maintenant, la grande
organisation pacifiste israélienne, 77 % des colons (en Cisjordanie,
Jérusalem non compris) ont choisi d’habiter en Cisjordanie pour des raisons
liées au « mode de vie » proposé. Le plus souvent, ces colons s’installent en
territoire palestinien parce que l’État d’Israël leur offre des logements de
qualité à bas prix, agrémentés d’incitations financières. La construction
d’infrastructures et la mise à disposition de services à l’usage exclusif des
colons entravent le fonctionnement normal des villes et des villages
palestiniens. Ce sont l’existence de ces colonies qui justifient largement
les restrictions à la libre circulation des Palestiniens imposées par Israël,
et matérialisées par les checkpoints et le mur de séparation. À force de
destructions de maisons et de confiscations de terres, mes compatriotes
viennent grossir chaque jour les agglomérations palestiniennes existantes et
déjà surpeuplées. Enfin, l’extension des colonies et la mainmise des
autorités israéliennes sur les ressources naturelles palestiniennes limitent
les sources de revenu à la disposition des Palestiniens. Elles privent des
centaines de milliers d’entre eux des moyens de mener une vie décente. La
responsabilité israélienne est centrale. On ne peut cependant passer sous
silence le comportement de nombreuses sociétés étrangères, qui, finalement,
contribuent au développement démographique et économique de ces colonies en
Cisjordanie. Notamment, certaines entreprises françaises, répondant à une
commande israélienne, achèvent de construire un tramway à Jérusalem-Est
occupé. Cette ligne de tramway ne sert pas le bien-être des Palestiniens mais
vise à connecter les colonies israéliennes au centre de Jérusalem. Cette construction
atomise un peu plus le tissu socio-économique palestinien tout en consolidant
la mainmise d’Israël sur Jérusalem. Sans
doute est-il nécessaire de rappeler que le transfert d’une population
étrangère sur une terre occupée est prohibé par la 4e convention de Genève du
12 août 1949, dont le Conseil de sécurité des Nations Unies a maintes fois
réaffirmé la validité. La résolution 465 du 1er mars 1980 affirme notamment
que : « Toutes les mesures prises par Israël pour modifier le caractère
physique, la composition démographique, la structure institutionnelle ou le
statut des territoires palestiniens (…) y compris Jérusalem (…) n’ont aucune
valeur en droit. » Les États doivent donc « ne fournir à Israël aucune
assistance qui serait utilisée spécifiquement pour les colonies de peuplement
». Aussi, est-il devenu aujourd’hui indispensable que la France prenne les
mesures adéquates afin d’empêcher ses entreprises et ses nationaux d’agir
illégalement dans les territoires occupés palestiniens. Autre
terrain qu’il convient de couvrir : mettre fin à l’importation de biens
produits dans les colonies. Au sein de l’UE, la France figure parmi les
premiers importateurs de produits israéliens. Parmi ceux-ci, nombreux sont
les produits qui proviennent en réalité de colonies situées en Cisjordanie.
Ainsi, des sociétés israéliennes implantées dans les colonies s’enrichissent
injustement en exploitant la terre et l’eau illégalement soustraites aux
Palestiniens, ressources qui devraient normalement permettre le développement
économique palestinien. L’UE et Israël disposent d’un arrangement qui prévoit
que ces biens ne bénéficient pas de l’accord de libre-échange qui les lie.
Mais comment peut-on accepter que ces biens, produits sur un territoire
usurpé en violation du droit international, puissent même continuer à entrer
sur le marché européen ? L’UE jouit déjà d’une relation étroite avec Israël.
Elle peut, dès à présent, utiliser son influence auprès de son partenaire
afin d’obtenir qu’il se conforme à ses demandes répétées de geler la
colonisation. Il est grand temps d’adopter une nouvelle approche : Israël,
comme n’importe quel État agissant en violation du droit international, doit
comprendre que de tels agissements ont un coût. Seulement des mesures concrètes prises par les grandes puissances, et notamment l’État français et l’UE, peuvent mettre fin au morcellement continu des territoires, qui torpille les dernières chances de paix entre Israël et le peuple palestinien. L’UE soutient ces territoires occupés à hauteur de 500 millions d’euros par an. Tout comme il relève de sa responsabilité de vérifier que cet argent sert directement la cause de la paix, il est de son droit de s’assurer que cet investissement n’est pas sabordé par la politique du « fait accompli » menée par Israël en territoire palestinien. Agir sur le front des colonies, après des décennies de condamnations infructueuses, ce n’est pas favoriser un camp ou l’autre. Joindre les actes à la parole, c’est, au contraire, sauver les derniers espoirs de paix sur la base de la cohabitation de deux États. |