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Article paru dans l'édition
du 27 Août 2009 – page 2 Le Fatah, un partenaire palestinien
pour Israël
par Laurent Zecchini
Et maintenant, que faire de ce parti apparemment rénové ? La paix ou la
confrontation ? Les deux peut-être, cela dépendra des circonstances. Mais la paix
a priori : les 2 200 délégués du Fatah, le mouvement qui contrôle l'Autorité
palestinienne, ont confirmé, au cours de leur congrès de Bethléem, en août,
que le processus de paix demeure leur "option stratégique".
Il va être plus difficile aux responsables israéliens de continuer à affirmer
qu'ils n'ont "pas de partenaire" pour faire la paix. Exciper du maintien de la référence historique à la "lutte
armée" dans la Charte du Fatah pour nier l'unanimité qui s'est
manifestée en faveur de la négociation n'emporte pas la conviction. Même si
l'on peut comprendre que pour bon nombre d'Israéliens, le souvenir de la
seconde Intifada (septembre 2000) laisse des doutes quant à la volonté de
paix des organisations palestiniennes. Vingt ans se sont écoulés depuis le précédent congrès du
Fatah. A l'époque et jusqu'à sa mort, Yasser Arafat
imposait sa poigne de fer, dans une sorte de centralisme démocratique.
Mahmoud Abbas n'a pas son charisme, mais le fonctionnement interne du Fatah
est aujourd'hui relativement plus démocratique. Pour autant, le Fatah ne
s'est pas acheté une virginité à Bethléem. Les hommes sont peu ou prou les
mêmes, et il faudra plus que la création d'une commission chargée des finances
pour lutter contre le vieux démon du clientélisme et de la corruption. Le
débat a cependant eu lieu. Cette "transparence" et cette diversité
peuvent être évaluées à l'aune de l'obscur processus militaire qui préside au
fonctionnement interne du Hamas, le mouvement de la résistance islamique. La légitimité d'Abou Mazen (nom
de guerre de M. Abbas) est renforcée. Il est entouré d'hommes d'expérience et
pragmatiques, qui ont fait leurs armes, dans tous les sens du terme, en
Palestine occupée et non en exil. Certains parlent hébreu, beaucoup ont
l'habitude de traiter avec les Israéliens, une proximité acquise au fil des
négociations ou de séjours en prison. Il y a désormais au comité central du Fatah des
"diplomates", comme Nabil Chaath et
Saëb Erakat,
et d'anciens responsables des services de sécurité, comme Mohammed
Dahlane, Jibril
Rajoub et Taoufik
Tiraoui, et bien sûr Marouan
Barghouti, l'ancien chef du Tanzim, la branche armée du Fatah, emprisonné
en Israël. Mahmoud Abbas va pouvoir s'appuyer sur les uns et sur les autres,
selon l'évolution du processus de paix. "Le seul chemin est celui de la paix et des
négociations",
a affirmé le président de l'Autorité palestinienne, tout en insistant sur la
condition préalable du gel de toute colonisation juive en Cisjordanie et à
Jérusalem-Est. Et sous réserve qu'Israël accepte de mettre sur la table les
questions de fond (la coexistence de deux Etats, les réfugiés, les
prisonniers, les frontières, la question de Jérusalem). "Si, dans le processus de paix, les Israéliens
continuent à ne s'intéresser qu'au seul processus, résume Rabii Hantouli,
un jeune délégué du Fatah, cela n'a pas de sens." En cas de
nouvel échec, la "lutte armée" peut redevenir le centre de gravité
du mouvement palestinien. Les délégués du Fatah l'ont réaffirmé : "L'option
de la résistance est garantie par la loi internationale." Dans une telle perspective, différentes formes de lutte
sont possibles, à commencer par la désobéissance civile. Avec quel niveau de violence
? Il existe sur ce point des divergences au sein du Fatah. Si l'espoir de la
coexistence de deux Etats devait être abandonné, une fuite en avant prenant
la forme d'une déclaration unilatérale d'indépendance d'un Etat palestinien
fondé sur les lignes d'avant la guerre de juin 1967 ne peut être exclue. "C'est la solution d'un seul Etat sur toute la
Palestine, de la mer au fleuve" (le Jourdain), rappelle Matti Steinberg,
qui a été l'expert pour les questions palestiniennes de plusieurs chefs du Shin Bet, le
service de sécurité intérieure israélien. "La force continuera à être
du côté d'Israël, mais la communauté internationale pourrait finir par
reconnaître un tel Etat. Et puis, ajoute-t-il, la démographie est du côté des
Arabes, qui représenteront à long terme une majorité : c'est l'exemple
sud-africain." L'heure n'est pas à un tel scénario. La logique de
Bethléem, c'est celle du processus de paix, avec l'aide des Américains. Dans
la phase actuelle, le Fatah et l'administration Obama sont alliés pour
demander à Israël l'arrêt de toute colonisation juive. Il est cependant une
part du chemin que le Fatah doit faire seul, c'est la réconciliation
interpalestinienne, condition sine qua non d'un règlement de paix. Pour le Fatah, cette réconciliation ne peut s'envisager
que dans le cadre du processus de paix. Car si la perspective de la lutte
armée devait prévaloir, il est douteux qu'il puisse prendre l'ascendant sur
un Hamas jusqu'au-boutiste, qui a jusqu'à présent privilégié la gestion du
conflit à sa résolution. Encouragé par la communauté internationale, le
Fatah, mouvement historique de libération nationale, s'est efforcé à Bethléem
de revêtir les habits neufs d'un parti politique, sans ôter son treillis
militaire. C'est un exercice d'équilibre politique un peu schizophrénique. http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/08/26/le-fatah-un-partenaire-palestinien-pour-israel-par-laurent-zecchini_1232042_3232.htm |