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Article paru dans l'édition du 27 Août 2009 – page 5 A
Ramat Migron, en Cisjordanie, les "jeunes des collines" sont aux
avant-postes Par Laurent Zecchini Un gros chien aboie, attaché à un arbre, près de la maison de bric et
de broc des garçons. Le sol est jonché d'objets divers, souvent cassés.
D'improbables chemins courent la rocaille, matérialisés par des cailloux
alignés. Les filles habitent à peu de distance une masure de planches, où
Shlomit nous accueille, près d'un canapé défoncé. "Ce que nous
faisons va amener la rédemption, assure-t-elle. Le but de ma vie,
c'est de sanctifier le nom de Dieu. Nous voulons montrer que le peuple juif
aime la terre d'Israël." Le paysage alentour, un
vallonnement de collines sans végétation, semble intouché depuis des
centaines d'années. Shlomit, 17 ans, paraît réciter une leçon : "Le
peuple juif se réveille et voit ce qui se passe." Bienvenue à Ramat Migron,
avant-poste de colons juifs en Cisjordanie, en contrebas de la "Route
60". Quatre fois déjà, l'armée est venue pour détruire cette colonie
miniature, illégale. Deux garçons, Yacob et Yonadav, se sont approchés : "Si
les soldats reviennent, on prendra des coups, parce que nous ne sommes pas
assez nombreux pour résister. Ce n'est pas grave, on reconstruira." Dans le chemin qui mène à
Ramat Migron, un barrage de pacotille a été dressé, geste symbolique contre
les bulldozers de l'armée israélienne. Une dizaine de garçons et filles
campent là, sans eau ni électricité, à quelques centaines de mètres de la
colonie de Migron, où vivent, depuis 2001, 54 familles, sur un terrain
entouré de barbelés, revendiqué par des Palestiniens. Elles ont passé un accord
avec le Yescha
Council, le conseil qui veille aux intérêts des 300 000 colons établis en
Cisjordanie, pour évacuer les lieux. Elles devraient être relogées dans la
colonie d'Adam, plus au sud. En attendant, les habitants de Migron ont le
droit de rester dans leurs mobil-homes, autant dire pour longtemps. Certains
de ces "jeunes des collines" ulcérés par cette "capitulation",
ont créé en réaction Ramat Migron, sous l'égide du Tnouat Neemane,
le Mouvement des fidèles d'Eretz Israël
(colons radicaux). Contrairement aux autres
implantations, ce n'est pas le drapeau israélien qui flotte sur Ramat Migron,
mais le drapeau jaune à l'effigie de Meir Kahane, le
rabbin extrémiste assassiné à New York en 1990,
qui prônait l'expulsion des Palestiniens
d'Israël. Sur le tee-Shirt de
Yonadav, on peut lire ce message : "La terre d'Israël est à
nous". Et Yacob complète : "On s'en moque que les Arabes
invoquent les lois de l'époque ottomane pour revendiquer cet endroit." Il est d'autres colonies
moins extrémistes. Kochav Ya'acov, à quelques lacets de route escarpée de là,
en est une. David Assous et Mordechai
Benarouh sont soucieux de faire bonne impression. Cinq mille colons
vivent là, depuis plus de vingt-cinq ans. Mais le ministère de la défense
qui, in fine, autorise ou non les nouvelles constructions, n'a accordé
aucun permis depuis neuf ans. Alors, dit David, "devant ce silence,
on a construit en silence". Au bout d'une rue, douze
"caravanes" (des maisons préfabriquées) se serrent à la sortie du
village. Trois fois rien, mais l'administration civile a tranché : elles sont
illégales et doivent être détruites. David et Mordechai expliquent qu'elles
ont été construites pour répondre aux besoins de la "croissance
naturelle". Les caravanes sont donc destinées aux familles de colons
? Non, rétorque une jeune femme, elles sont là "pour de nouveaux
immigrants". La remarque jette un froid. Dany Dayan reconnaît qu'il
est difficile d'évaluer une "croissance naturelle", variable
selon les endroits. Ce petit homme rond et sympathique est le président du
Yescha Council. Son but est de garder la Cisjordanie " dans des mains
israéliennes". La multiplication des colonies est le moyen d'y
arriver, l'autre est le lobbying. Mais le Yescha Council, dit-il, ne soutient
"certainement pas" des "avant-postes" sur
des terres privées palestiniennes. La meilleure preuve, c'est Migron. "Nous
avons accepté de déplacer cette implantation. La "solution
Migron" devrait être appliquée partout où les avant-postes ont été
établis sur des terres palestiniennes. Heureusement, il n'y a pas plus de
cinq ou six endroits de ce type." Pour le reste, Dany Dayan est un
farouche opposant au gel de la colonisation, "y compris temporairement,
car personne ne peut croire qu'après six mois ou un an de gel, il sera
possible de revenir en arrière". Il ne demande pas grand-chose à Benyamin
Nétanyahou : "Juste de respecter ce qu'il a lui-même demandé : le
développement naturel de nos communautés." Et s'il acceptait le gel
demandé par les Américains ? Il n'hésite pas : "Cela voudrait dire
qu'il n'a pas la colonne vertébrale pour être premier ministre." http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2009/08/26/a-ramat-migron-en-cisjordanie-les-jeunes-des-collines-sont-aux-avant-postes_1232053_3218.html |