|
|
|
Article paru dans l'édition du
9 Septembre 2009 – page 8
Israël confirme la construction
de logements dans les colonies de Cisjordanie
C'est un chemin escarpé et incertain qu'a décidé d'emprunter le premier
ministre israélien, Benyamin
Nétanyahou. Faisant fi du concert de protestations internationales
entraîné par l'annonce d'une relance de la colonisation, il vient de donner
son feu vert à la construction de 455 nouveaux logements en Cisjordanie, tout
en s'efforçant de négocier un accord - encore hypothétique - avec Washington
sur un gel de la colonisation juive dans les territoires palestiniens
occupés. Le ministre de la défense, Ehoud Barak, a confirmé,
lundi 7 septembre, que ces habitations seront réparties sur six
implantations, incluses pour l'essentiel dans des "blocs de
colonies" qu'Israël a l'intention d'annexer définitivement, quel que
soit le futur accord de paix. Elles sont situées, pour la plupart, près de
Jérusalem : 161 habitations dans le bloc de Goush Etzion
(sud de Bethléem), 84 à Modin Ilit (ouest
de Ramallah), 76 à Givat
Zeev (nord de Jérusalem), 89 à Maale Adoumin
(est de Jérusalem), 25 à Kedar (sud de Maale Adoumin) et 20 à Maskiot (vallée
du Jourdain, au nord-est de Naplouse). A la tête d'une coalition
fragile, le premier ministre avait le choix entre deux mauvaises solutions :
infliger un camouflet au président américain, Barack Obama,
qui n'a cessé de demander un "gel complet" de la
colonisation pour relancer le processus de paix ; ou risquer une révolte au
sein de son parti, le Likoud. Il a opté pour la première solution. Ce faisant, il pourrait
bien avoir mécontenté tout le monde : l'administration américaine et les
Européens, l'aile droite du Likoud (et plus généralement le "parti des
colons"), enfin les Palestiniens et les pays arabes. La stratégie de M.
Nétanyahou vise à adoucir la potion amère que représenterait la suspension de
la colonisation, par un coup d'accélérateur en faveur de nouvelles
constructions. En quelque sorte, la carotte avant le bâton. La seconde étape devrait se
dérouler à partir de samedi 12 septembre, date à laquelle George Mitchell,
l'émissaire américain pour le Proche-Orient, sera de retour à Jérusalem pour
négocier les conditions d'une suspension de la colonisation, comprise entre
six et neuf mois. Le premier ministre a préparé l'opinion israélienne à cette
échéance : officiellement, il n'est pas question de "gel", mais de
"ralentissement", voire de "pause stratégique". Mais personne n'est dupe :
Yescha, le conseil qui représente les colons, a dénoncé un "vaste
écran de fumée" destiné selon lui à cacher une capitulation face aux
Etats-Unis. Au sein du gouvernement, la fronde des opposants au gel de la
colonisation est limitée, mais l'aile droite du Likoud exige que toute
décision relative à un moratoire soit soumise au vote des instances
dirigeantes du parti. Réunion "inutile" Du côté palestinien, les
réactions laissent mal augurer d'une reprise de négociations, et de la tenue
d'une éventuelle rencontre entre Barack Obama, Benyamin Nétanyahou et Mahmoud Abbas,
le président de l'Autorité palestinienne. Ce dernier a estimé qu'une telle
réunion était "inutile" en cas d'accélération de la
colonisation, et Saëb
Erakat, principal négociateur palestinien, a souligné que la décision du
gouvernement israélien "annule tout gel ultérieur éventuel de la
colonisation, et affaiblit davantage la confiance dans le processus de
paix". D'autant que le
"bâton" agité par M. Nétanyahou n'est pas très dissuasif : si gel
il y a, il ne concernera pas les 455 logements annoncés, ni les 2 500
logements en Cisjordanie dont la construction a déjà été approuvée, et pas
davantage Jérusalem-Est, dont les Palestiniens veulent faire la capitale d'un
futur Etat. Le principe de la suspension de la colonisation est d'autant
moins acquis que le gouvernement israélien a indiqué que son acceptation
dépendrait des "gestes" de normalisation diplomatique des
Etats arabes envers Israël, lesquels ne font pas montre d'empressement. La visite de George
Mitchell devrait montrer si les protestations américaines font partie de la
négociation, ou si Washington a mal anticipé la puissance du lobby des colons
en Israël. Car approuver la construction de nouveaux logements avant un gel,
a souligné Tzipi
Livni, chef de file du parti Kadima et de l'opposition, revient à "construire
un igloo en plein été". Laurent Zecchini |