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Article paru dans l'édition du 25 Septembre 2009-
page 8
L'intransigeance de Pinhas Wallerstein, figure de la colonisation
en Cisjordanie
Pinhas Wallerstein est circonspect : il ne sait que penser de la
rencontre de New
York entre le président Barack Obama,
le premier ministre israélien Benyamin
Nétanyahou et Mahmoud Abbas,
le président de l'Autorité palestinienne. Certes, le président américain a
abandonné la référence au "gel" de la colonisation pour ne
plus demander au premier ministre israélien que sa "limitation",
mais, nous précise, mercredi 23 septembre, le directeur général de Yesha, le
Conseil des colons, "c'est une question de mots, et cela ne dit pas
grand-chose des intentions". Cela fait plus de
trente-cinq ans que Pinhas
Wallerstein s'est fixé pour mission de défendre le droit des colons juifs
à occuper toute la terre du "Grand Israël". Autant dire
qu'il n'est pas prêt à baisser la garde pour une nuance sémantique. Il
constate d'ailleurs que les Palestiniens maintiennent leurs "préconditions"
pour une reprise du dialogue, notamment s'agissant du gel total de la
colonisation. Dans l'immédiat cependant,
Yescha a démonté la tente et les banderoles qui avaient été dressées non loin
du bureau du premier ministre, en guise d'avertissement. Pendant deux jours,
maires, présidents de conseils régionaux et ministres se sont succédé, et Dani Dayan, le
président de Yesha, l'a clamé sur tous les tons : "Nous sommes
aujourd'hui plus de 300 000 (colons) en Judée-Samarie
(Cisjordanie). Nous sommes vivants, on ne peut pas nous geler." Des luttes en faveur de la
colonisation, Pinhas Wallerstein en a menées beaucoup depuis qu'il a créé, en
1975, avec quelques autres "pionniers", la colonie d'Ofra, non loin
de Ramallah. A l'époque, le Goush Emounim
(le Bloc de la foi), auquel Yesha a succédé, venait à peine de naître. Trente
ans plus tard, en 2005, il y a eu le combat du Goush Katif et
l'éviction des colons de Gaza. A l'époque, Yesha avait échoué à persuader le
premier ministre Ariel
Sharon de renoncer à son plan d'évacuation. Mais qu'on ne s'y trompe
pas : "La Judée-Samarie, cela n'a rien à voir, ce sont les fondements
mêmes de l'Etat
d'Israël : les colons n'en partiront jamais et les constructions ne
s'arrêteront pas. Il faudrait pour cela que la Knesset (le Parlement) vote
une loi interdisant les constructions, et c'est impossible." Pinhas
Wallerstein, ce petit homme de 61 ans, souriant et boitillant (les séquelles
d'une blessure de guerre), a son téléphone vissé à l'oreille : il coordonne
en permanence les colonies et leurs "avant-postes", les points de
colonisation illégaux en Israël (toutes les implantations le sont pour la
communauté internationale). "Fixer les
frontières" Si le directeur général de
Yesha s'oppose au "gel", c'est parce qu'il sait qu'il
s'agirait d'un engrenage vers un arrêt définitif de la colonisation. De cela,
il ne veut à aucun prix : "La colonisation est indispensable pour
fixer les frontières définitives de l'Etat d'Israël. Cette présence juive,
partout, est nécessaire pour empêcher un Etat palestinien",
martèle-t-il. Il est sans états d'âme : "Au-delà
de ma conviction sioniste de croire que toute cette terre est à nous, un Etat
de ce côté-ci du Jourdain représenterait un danger sécuritaire pour l'Etat
d'Israël. Les Palestiniens n'ont aucun droit sur cette terre." Il en
veut beaucoup à Benyamin Nétanyahou d'avoir finalement admis le principe de
deux Etats, et ne fera aucun compromis. Tout en restant discret sur
ses méthodes, il évoque le recours à "tous les moyens
extraparlementaires". En 2004 déjà, il avait appelé à la
désobéissance civile. Comme on lui fait remarquer que Yesha est peut-être
moins qu'avant un faiseur de gouvernements, il affirme en souriant qu'il
était à l'origine de la chute du précédent gouvernement Nétanyahou, en 1999,
et que, s'il le faut, il le refera. Quant à une baisse
d'influence supposée du Conseil des colons, Pinhas Wallerstein se contente
d'indiquer qu'il s'entretient avec des ministres "tous les
jours", et cite volontiers sa dernière rencontre avec le chef
d'état-major des armées. Cette proximité lui a appris qu'il n'y a, selon lui,
qu'une façon de traiter avec les hommes politiques : les garder sous
surveillance. Laurent Zecchini |