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Article paru dans l'édition du 1er Octobre 2009- page 8Le "briseur de
silence" qui exaspère l'armée israélienne
Yehuda Shaul, ancien sous-officier de l'armée israélienne, était mardi
29 septembre à Genève, à la recherche de soutiens et de fonds pour son ONG
Breaking the Silence qui, depuis 2004, a recueilli les témoignages de quelque
700 appelés, réservistes et militaires de Tsahal ayant servi dans les
territoires occupés palestiniens. Le même jour, au Palais des nations, le
juge sud-africain Richard
Goldstone présentait, devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU,
son enquête sur les exactions et "crimes de guerre" commis
par l'armée israélienne et le Hamas durant l'opération "Plomb
durci", qui a fait plus de 1 400 victimes durant l'hiver 2008-2009 à
Gaza. "Une coïncidence", répond M. Shaul. "Je n'ai
pas besoin d'un rapport d'enquête onusien pour savoir ce qui s'est passé à
Gaza", ajoute cet ex-sergent de 26 ans, une véritable force de la
nature portant la barbe et la kippa. En juin, son ONG, dont le
but est "avant tout d'ouvrir le débat en Israël", a publié
des interviews réalisées auprès de 26 soldats qui ont combattu à Gaza. Ces
témoignages anonymes, regroupés dans des chapitres - "Boucliers
humains", "Destruction de maisons", "Bombardements",
"Vandalisme" ou "Utilisation de phosphore blanc" -,
prouvent que "des méthodes et des tactiques de guerre ont été
utilisées contre les civils palestiniens", dit M. Shaul. Les épisodes relatés ont
été soigneusement vérifiés et recoupés par au moins deux témoignages directs.
Le témoignage numéro 1 parle des "Johnnies ", ces civils
palestiniens envoyés en éclaireurs par les militaires israéliens dans des
maisons supposées être aux mains des combattants du Hamas, ou utilisés pour
des travaux de gros oeuvre. Le témoignage numéro 13 raconte comment un vieil
homme a été abattu à bout portant, sans aucune sommation, alors qu'il
s'approchait d'une maison avec une torche. Son cadavre est resté sur place
durant deux jours. "Les commandants disaient aux soldats : "Si
tu as un doute, tu tires. Cela vaut mieux qu'un mort parmi nos
troupes"", relate M. Shaul. Depuis cette publication,
Breaking the silence est devenue la bête noire de l'armée et du gouvernement
israélien. Cet été, Israël a demandé à l'Espagne, à la Hollande et au
Royaume-Uni de couper tout subside à l'ONG, accusée de répandre des "rumeurs"
et des "récits de seconde main". En vain, pour le moment. En
cinq semaines et demie, Yehuda Shaul
s'est rendu en Hollande, en Suède, en Finlande et au Danemark pour expliquer
son action et lever des fonds. Sur le Web : www.breakingthesilence.org.il. Agathe Duparc (Genève,
correspondance) |