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Article paru dans l'édition du 6 Octobre 2009- page 3Nous resterons ici
jusqu'à l'éternité
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2009/10/05/nous-resterons-ici-jusqu-a-l-eternite_1249388_3218.html
par Laurent Zecchini Le père Raed Abousahlia, curé de l'église latine - "catholique romaine", à ne pas confondre avec les Eglises orthodoxe grecque et grecque melkite catholique -, est un battant. Sur les 1 300 âmes de Taibeh, il en revendique 780, en accorde 450 aux orthodoxes et 169 aux melkites. Cet homme est une bourrasque. Col romain, soutane noire,
il vibrionne au milieu des multiples dignitaires religieux et laïcs
rassemblés pour l'inauguration de la fête de la bière, l'"Oktoberfest",
un festival qui a fait connaître ce village "à 100 % chrétien, le
seul de Palestine, le seul qui n'ait pas de mosquée", fameux,
assure-t-il, pour une foule de choses qui n'ont rien à voir avec la
brasserie. Il montre l'antenne de Radio Terre
sainte dont l'émetteur va permettre de diffuser la parole de Dieu, à partir
de Noël, de Tel-Aviv à Amman et Hébron, parle des 150 groupes de pèlerins qui
viennent chaque année à Taibeh, insiste sur son initiative des "colombes
de la paix", des lampes à huile (de Taibeh) en céramique qui, fabriquées
sur place, éclairent aujourd'hui "50 000 églises dans le monde". Son objectif ? "Donner
du travail aux chrétiens de Terre sainte." "Abouna" (père)
est un "citoyen du monde", d'origine palestinienne, un
spécialiste de la non-violence. Né en 1965 à Zababdeh, près de Jénine. Il ne
se plaint pas des relations avec les musulmans, au contraire : "Nous
disposons de la liberté religieuse, nous avons nos églises, nos processions,
et faisons sonner nos cloches." En 2002-2003, avec le
patriarche latin, il allait voir presque chaque mois Yasser Arafat,
à Ramallah, l'ancien chef de l'Autorité palestinienne, bien disposé envers
les chrétiens. Avec les Israéliens, c'est autre chose. Abouna s'enflamme : "Nous
ne sommes pas une troisième partie dans ce conflit. Nous sommes un même
peuple : les Palestiniens sont sous occupation et nous sommes sous occupation."
Le Père Raed a
une carte d'identité palestinienne, un laissez-passer du Vatican, mais ne
peut franchir les barrages de l'armée israélienne. Pour se rendre à Jérusalem,
il doit obtenir un permis d'"ouvrier d'église".
Heureusement, il a plus d'une poche dans sa soutane : "Au
check-point, je m'efforce de redonner au soldat son humanité, afin qu'il me
redonne mon humanité. Alors je parle, je souris, je raconte une anecdote, et
il me laisse passer... " Il est serein : "Nous sommes là
depuis deux mille ans, et nous y resterons jusqu'à l'éternité..." |