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Article paru le 21 Octobre 2009 page 19Enquête sur la mort d’une pacifiste
Par
Jean Roy http://www.humanite.fr/2009-10-21_Cultures_Enquete-sur-la-mort-d-une-pacifiste« Rachel », de
Simone Bitton. France. 1h40. Dans ce très beau documentaire, Simone Bitton
ressuscite Rachel, cette militante américaine tuée à la frontière de la bande
de Gaza et de l’Egypte. Le 16 mars 2003, Rachel
Corrie, née le 10 avril 1979, meurt à Rafah. Cette militante pacifiste
américaine y est venue avec plusieurs camarades mus par le même idéal pour
faire bouclier de son corps aux forces armées israéliennes. Nous sommes au
moment où les engins de terrassement de Tsahal sont en train d’araser le sol
pour créer un no man’s land entre les habitations palestiniennes et le mur
qu’ils ont édifié pour isoler la bande de Gaza de l’Egypte. Au nom de la
sécurité de l’état hébreu, plus rien ne compte, ni terres, ni maisons ni
respect. Le conducteur d’un des bulldozers va mettre fin aux jours de la
jeune femme, soit directement soit en l’enfouissant sous les monceaux de gravats
que sa pelle propulse. La victime étant américaine, le crime ne demeure pas
inaperçu. La réalisatrice
franco-israélienne Simone Bitton va, avec ce film, refaire l’enquête avec une
honnêteté totale. Successivement, chacun étant libre d’une parole dont il
dispose à son gré, nous rencontrerons l’officier chargé de communication
auprès de la presse étrangère de l’armée israélienne, le médecin palestinien
témoin oculaire qui habitait à côté, les divers étrangers qui manifestaient
sur place, un jeune artilleur israélien filmé sous couvert d’anonymat qui
reconnaît avoir tué des innocents, le colonel israélien qui a conduit
l’enquête, un responsable de l’ISM (International Solidarity Movment) ayant
formé Rachel aux méthodes de la non violence (ne pas toucher ceux qu’on
affronte, ne pas courir, ne rien porter qui puisse servir d’arme, pas
d’initiative personnelle, porter des vestes fluorescentes…), le médecin
israélien ayant conduit l’autopsie, des militants pacifistes de Tel Aviv. On
rencontrera même Rachel, si l’on peut dire, à l’image, ses camarades ayant
pris de nombreuses photos de la tragédie, comme au son, la défunte ayant tenu
un journal, envoyé sous forme de courrier électronique à ses parents, dont
des extraits sont lus ici. Le résultat est édifiant, depuis le terrain
nettoyé et les bidasses briffés avant que le colonel puisse commencer son
enquête jusqu’à l’ambassade américaine ne daignant pas envoyer quelqu’un à
l’autopsie contre la volonté formellement exprimée de la famille. Tout ceci est de
l’excellent journalisme. Mais, au-delà, c’est également du cinéma dans le
souci de poser une question essentielle : comment filmer
l’absence ? Pas de reconstitution bien sûr, plutôt un filet de pêche se
resserrant comme une nasse jusqu’à emprisonner la vérité et lui faire rendre
gorge. Pas d’anathème non plus, d’ennemi cloué au pilori sans droit à la
défense, mais des sables mouvants dans lesquels ceux qui mentent s’enfoncent
d’autant plus qu’ils tentent de s’en sortir. Jamais agressive, Rachel Bitton
a réalisé un film de pacifiste, allant traquer l’humain de Chicago à Tel Aviv
et à Rafah. Cela s’appelle l’espoir. |