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Article paru le 4 Novembre 2009 page 11Le rapport qui accuse Israël devant les Nations unies
entretien réalisé par Charlotte Bozonnet http://www.humanite.fr/2009-11-04_International_Le-rapport-qui-accuse-Israel-devant-les-Nations-unies
Entretien avec Jean Ziegler, vice-président
du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, alors que le
rapport Goldstone est en débat à l’Assemblée générale de l’organisation
internationale. Une assemblée générale
extraordinaire des Nations unies a lieu aujourd’hui pour débattre du rapport
Goldstone qui accuse Israël et le Hamas de crimes de guerre durant
l’offensive sur Gaza en décembre et janvier derniers. Il enjoint aux deux
parties de lancer des enquêtes dans les six mois, sous peine de voir engagées
des poursuites devant la Cour pénale internationale de La Haye. La résolution
présentée par les pays arabes, et qui devrait faire l’objet d’un vote,
demande que l’assemblée « requière du secrétaire général qu’il
transmette le rapport (…) au Conseil de sécurité ». Les États-Unis et
les pays européens devraient s’y opposer. Le Conseil des droits de
l’homme de l’ONU a adopté une résolution soutenant les recommandations du
rapport du juge Goldstone, sans l’accord des pays occidentaux. Que
pensez-vous des modalités de cette adoption ? Jean Ziegler. Il est
scandaleux que les gouvernements occidentaux n’aient pas voté pour cette
résolution qui demandait pourtant l’évidence aux deux parties, Hamas et
gouvernement israélien, ouvrir des enquêtes sur les crimes constatés dans le
rapport du juge Goldstone. Sinon, le Conseil de sécurité devrait transférer
le dossier à la Cour pénale internationale (CPI). Sous la pression
américaine, les Européens n’ont pas voté. C’est aussi une profonde déception
vis-à-vis du gouvernement Obama, qui n’a pas seulement été instrumentalisé
par les Israéliens, mais a pris l’initiative : il a exercé une
pression extrême sur Mahmoud Abbas pour que son ambassadeur à Genève s’oppose
à la résolution. Quelle suite peut-on
attendre après cette adoption ? Jean Ziegler. La résolution
adoptée demande que des enquêtes nationales soient menées, notamment sur le
terrorisme d’État israélien, et que des procès soient ouverts pour crimes de
guerre et crimes contre l’humanité contre un certain nombre de responsables
désignés dans le rapport. Si Israël ne donne pas suite, ce qui est probable,
le rapport dit que le Conseil de sécurité de l’ONU doit demander l’ouverture
d’une procédure devant le CPI, les crimes contre l’humanité et les crimes de
guerre relevant de sa compétence. L’incertitude est la suivante : les Américains
vont-ils opposer leur veto au Conseil de sécurité de l’ONU ? Le faire
reviendrait à ratifier les crimes commis par Israël. Le masque tomberait
alors totalement. En quoi ce rapport et
l’adoption de cette résolution constituent-ils, quoi qu’il arrive, une
avancée ? Jean Ziegler. C’est la
première fois qu’une commission d’enquête est acceptée en territoires occupés
par le gouvernement israélien. En 2006, après les massacres de Beit Hanoun,
la commission dirigée par l’archevêque Desmond Tutu avait été refoulée. Cette
fois, les autorités ont dû accepter sous la pression de l’opinion publique, y
compris en Occident. Pendant seize jours,
Richard Goldstone et ses collaborateurs ont séjourné et enquêté à Gaza,
menant plus de 1 800 entretiens. Le résultat
est une formidable masse de documents. Même les ambassadeurs occidentaux à
l’ONU, qui n’ont pas voulu adopter la résolution, ont reconnu que c’est un
travail extraordinairement précieux et précis. D’autre part, le rapport a
été adopté, le mécanisme est en route. Même s’il se heurtait finalement au
veto américain au Conseil de sécurité, il va renforcer l’opposition interne
en Israël, aider l’opinion publique mondiale à prendre conscience de
l’effroyable tragédie vécue par le 1,5 million de personnes enfermées dans le
ghetto de Gaza, et rendre très difficile la poursuite de la politique de
soutien de l’Union européenne à la politique d’occupation du gouvernement de
Tel-Aviv. Le travail réalisé dans ce rapport a une importance historique.
C’est un immense acquis pour la vérité et la justice internationale. |