Article
paru le 13 Novembre 2009 page 14
L’Union européenne renforce la puissance économique d’Israël
Par Pierre Babancey
Les
Européens poursuivent à marche forcée l’intégration d’Israël, considéré comme
un « partenaire naturel » malgré les accusations de crimes de guerre,
la poursuite de la colonisation et les atteintes aux droits de l’homme.
Quoi qu’il arrive, Israël sait
pouvoir compter sur l’Union européenne (UE). Déjà, ces dernières semaines,
les pays de l’UE avaient pris soin, à l’ONU, de ne pas soutenir le rapport
Goldstone accusant de crimes de guerre l’armée israélienne et le Hamas
palestinien lors de l’offensive dans la bande de Gaza. Alors que le processus
de paix est bloqué du fait de l’intransigeance d’Israël, qui refuse de
stopper sa politique de colonisation en Cisjordanie et à Gaza, l’Union
européenne fait comme si de rien n’était et poursuit la mise en place de
l’intégration d’Israël dans ses structures, dans le cadre de l’accord
d’association. Comme l’explique le site de la Commission européenne, « l’UE
et Israël se sont engagés dans un partenariat visant à instaurer des
relations politiques étroites et des relations de commerce et
d’investissement mutuellement bénéfiques, ainsi qu’une coopération dans les
domaines économique, social, financier, civil, scientifique, technologique et
culturel ». Le plan d’action « a pour but d’intégrer
progressivement Israël dans les politiques et programmes européens ».
Ce plan « est adapté afin de refléter les intérêts et les priorités
d’Israël, ainsi que son niveau de développement », peut-on encore lire.
« La coopération UE-Israël prévoit pour la première fois un volet
d’aide financière, Israël devant recevoir, au cours des sept prochaines
années, 14 millions d’euros au titre de la coopération financière de la communauté
européenne. » L’accord d’association comporte cependant une clause
(article 2) qui explique que « les relations entre les parties (…)
doivent être fondées sur le respect des droits de l’homme et le respect de la
démocratie ». Un article visiblement oublié.
Les droits de l’homme balayés du
débat
L’UE et Israël ont ainsi achevé leurs
négociations sur la libéralisation du commerce des produits agricoles. Cet
accord a été acquis le 20 octobre et devrait être signé dans un avenir
proche. Un autre accord sur la mise en place d’un cadre pour la certification
des produits pharmaceutiques est annoncé et devrait être finalisé très
prochainement. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor
Lieberman, déclarait, fin septembre, qu’il ressentait un « manque de
réponse » de l’UE et affirmait qu’il ne doit pas y avoir de
« conditionnalité ». Depuis Jérusalem, où il se trouvait le 15
octobre, à l’occasion d’une conférence sur « Israël et l’élargissement
de l’UE », le vice-président de la Commission européenne, Günter
Verheugen, a expliqué qu’« Israël est un partenaire naturel »,
c’est un « pays atypique, qui mérite un statut spécial car il est proche
de l’UE en ce qui concerne le développement économique et la stabilité de sa
démocratie et de ses institutions ». « Les relations à développer
seront peaufinées afin qu’elles soient aussi proches et semblables que
possible de celles avec la Norvège et l’Islande, qui sont membres de la zone
économique européenne. » Il a souhaité que soit fixé un « agenda
positif » pour tracer « des perspectives nouvelles et intéressantes
pour le développement futur des relations UE-Israël (…). (Nous) travaillons
déjà ensemble sur un large éventail de questions », notamment
l’environnement, l’énergie, la lutte contre le blanchiment d’argent et le
financement du terrorisme. Seule allusion à l’occupation des territoires
palestiniens, Verheugen s’est borné à affirmer qu’il fallait espérer qu’avec
le temps, le Moyen-Orient connaîtrait la même paix et la même stabilité que
l’Europe avait acquise (sic) ! Lors d’une
rencontre à la mi-septembre entre Rafik Barak, vice-directeur général au
ministère israélien des Affaires étrangères, et un représentant européen,
Israël a demandé qu’aient lieu des visites au plus haut niveau, telle celle
du commissaire Verheugen décrit comme « un bon ami du pays ».
occupants et occupés sur un même plan
Alors que l’Union européenne,
principal bailleur de fonds dans la région, a les moyens de faire pression
sur Israël pour que le processus de paix reprenne sur des bases permettant la
création d’un État palestinien dans les frontières de 1967, elle se contente
de quelques déclarations de principe et pratique la « politique de
l’équilibre », mettant sur un même plan occupants et occupés. Ce
faisant, l’UE aide Israël à renforcer son poids économique, financier et
militaire au Proche-Orient, alors que, de l’aveu même de Bernard Kouchner,
« l’aspiration à la paix » semble avoir « disparu, comme si on
n’y croyait plus ».
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