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Entretien Dan Meridor : "Les
Palestiniens n'ont pas la volonté de reprendre les négociations" Jérusalem
Correspondant Vice-premier
ministre israélien et ministre chargé des services de renseignement et de
l'énergie atomique, Dan Meridor est membre du Likoud (droite), le parti du
premier ministre Benyamin Nétanyahou. Les Palestiniens ont répondu par
la négative à M. Nétanyahou, qui a proposé un moratoire partiel de la
colonisation juive en Cisjordanie. Quelle est votre réaction ? Ce
moratoire est une seconde étape importante. La première était la déclaration
du premier ministre par laquelle il a accepté le principe de "deux Etats
pour deux peuples". C'était une décision difficile. Le moratoire a pour
objet de faciliter la reprise des négociations avec les Palestiniens, et
c'est également une décision difficile. Mais c'est notre intérêt, comme celui
des Palestiniens. J'espère qu'ils le comprendront ainsi même si je constate
qu'ils ne montrent aucune volonté de reprendre les négociations. Je rappelle
que celles qui se sont déroulées avec Ehoud Olmert (ancien premier
ministre israélien) lors de nombreuses réunions, au cours desquelles il a
offert des concessions sans précédent sur tous les sujets, n'ont reçu aucune
réponse positive. M. Olmert s'est contenté de
propositions verbales, qui ne figuraient sur aucun document... Mais
pourquoi Mahmoud Abbas n'a-t-il pas dit, verbalement, "Oui,
j'accepte" ? C'est quand la réponse est favorable, que l'on peut ensuite
traduire cet accord par écrit. Olmert avait tout accordé : un Etat
palestinien, des frontières acceptables, des concessions sur Jérusalem et sur
la question des réfugiés... Les Palestiniens ont attendu des décennies, ils
ont combattu, pour se voir offrir de telles concessions, et Mahmoud Abbas n'a
même pas répondu ! Or il n'y a pas de chances que nous revenions aujourd'hui
sur ce que Olmert a offert à l'époque. Après
les élections, une nouvelle condition a été avancée par Abou Mazen (surnom
de M. Abbas), celle d'un gel total de la colonisation, qui n'avait jamais
été formulée auparavant. Au cours des six années qui se sont écoulées depuis
la signature de la "feuille de route", en 2003, les constructions
n'ont pas cessé, et cela n'a pas empêché Abou Mazen de négocier avec Olmert !
Peut-être les Palestiniens avancent-ils ces pré-conditions parce qu'ils ont
peur de signer un accord... Les Américains, au moins jusqu'à
une date récente, ont également exigé un gel total de la colonisation... C'est
vrai, mais l'administration Obama parle désormais d'une simple limitation.
Nous sommes maintenant très proches de ce que les Américains voulaient. Nous
sommes prêts à accepter beaucoup de choses dans des négociations avec les Palestiniens,
mais encore faut-il qu'ils acceptent de négocier. Les choses peuvent paraître
acceptables aujourd'hui, en Cisjordanie, parce qu'il n'y a pas de problème de
terrorisme, que la situation économique s'améliore pour les Palestiniens.
Mais à long terme, ce ne sera pas durable sans un accord. Les Palestiniens peuvent opter
pour une dissolution de l'Autorité palestinienne. Israël, dans ce cas,
n'aurait-il pas beaucoup à perdre ? Les deux
parties auraient beaucoup à perdre. Je pense que 80 % des Israéliens sont en
faveur de la solution de deux Etats, même s'il y a de nombreuses questions à
régler, comme les frontières, Jérusalem, la sécurité, les réfugiés. La
question de l'occupation est solvable, mais si les Palestiniens ne veulent
pas reconnaître Israël comme l'Etat du peuple juif, alors nous n'aurons pas
d'accord. Cette terre, que nous appelons la Judée-Samarie, est notre terre
historique, où la Bible a été écrite, où les rois juifs ont régné. Pourtant,
nous sommes d'accord pour la partager. La question
est de savoir comment : s'il s'agit de partir de 1967, notamment s'agissant
des frontières, nous pouvons trouver un accord ; s'il s'agit de revenir à
1948, il n'y aura pas d'accord. Si Abou Mazen déclare qu'il accepte que le
droit au retour des réfugiés s'applique dans un futur Etat palestinien, mais
en aucun cas en Israël, il aura passé le test du leadership. L'Iran a aujourd'hui rejeté une
solution internationale pour enrichir son uranium. Cela renforce-t-il votre
détermination à porter un coup d'arrêt à son programme nucléaire ? Si à la
fin du différend avec les Occidentaux, l'Iran se retrouve avec l'arme
nucléaire, cela aura plusieurs implications : d'abord, cela risque d'être la
fin du régime de non-prolifération nucléaire, parce que d'autres pays, tels
l'Egypte ou l'Arabie saoudite, seront tentés de se doter de l'arme nucléaire,
ce qui peut entraîner une prolifération nucléaire à travers le monde. D'autre
part, les Etats-Unis et l'Europe ont noué depuis des décennies des relations
solides avec les pays du Golfe, l'Arabie saoudite et d'autres pays modérés de
la région. Ils ont des liens, notamment pétroliers, très forts avec eux. Si
l'Iran se dote de l'arme nucléaire, ces pays qui ont aujourd'hui peur de
l'Iran seront forcés de se rapprocher de Téhéran, parce qu'ils n'auront pas
d'autre alternative. Enfin,
la lutte qui traverse tout le monde musulman, entre modérés et extrémistes,
risque de tourner à l'avantage des seconds. Pour Israël, ce serait bien sûr
très dangereux. Il est donc essentiel que nous - Israël, mais aussi le reste
du monde -, ne laissions pas l'Iran se doter de l'arme nucléaire. C'est
maintenant qu'il faut adopter de lourdes sanctions contre l'Iran, parce que
l'horloge tourne. Les Iraniens sont des gens rationnels : s'ils voient le prix
à payer, il est possible qu'ils renoncent. Mais il faut agir, maintenant ! Propos
recueillis par Laurent Zecchini |