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Shimon Pérès, le
nucléaire israélien et "l’option Samson" Jérusalem, correspondant Si Israël était menacé de destruction,
faudrait-il qu'il ait recours à l'"option Samson" ? A cette
question, posée par Gil Kopatch et Shani Keinan, producteurs d'un film pas
encore diffusé retraçant sa vie, le président israélien, Shimon Pérès, répond
avec une surprenante franchise : "L'objectif de ces réacteurs [nucléaires] est d'empêcher la
destruction [d'Israël], et jusqu'à
maintenant, cela a bien fonctionné. J'espère que cela continuera à
fonctionner à l'avenir." L'"option Samson" est un secret de
Polichinelle jusque-là bien gardé : la capacité d'Israël à utiliser ses armes
nucléaires. Dans la Bible, Samson fait s'écrouler les colonnes du temple
philistin, dont le toit écrase ses ennemis et lui-même. L'Etat juif n'a
jamais admis posséder l'arme atomique. Il a appliqué une doctrine dite d'"ambiguïté
nucléaire". Les propos de M. Pérès, qui ont été publiés
par le quotidien Yediot Aharonot, ne laissent pas grand-chose de cette "ambiguïté". Est-ce une indiscrétion calculée au moment
où la perspective d'un Iran doté d'armes nucléaires se renforce ? Toujours
est-il que, dans ce film, le président israélien raconte avec des détails
inédits la genèse de l'aventure nucléaire dans laquelle s'est lancé l'Etat
juif dans les années 1960. "LEUR DOUTE EST
NOTRE FORCE" Shimon Pérès est l'un des architectes du
programme nucléaire israélien, qui s'est développé avec deux centres de
recherche nucléaires : celui de Sorek (près de la ville de Yavneh, au sud de
Tel-Aviv), et celui de Dimona (dans le Néguev, au sud-est de Bersheba). C'est
David Ben Gourion, le fondateur de l'Etat d'Israël, qui a pris la décision
initiale. "Au début, explique Shimon Pérès, il pensait que ce
pourrait être une source d'électricité, pour un usage civil. On lui a dit que
nous avions des matériaux radioactifs dans les sources chaudes du lac de
Tibériade." Tous les
scientifiques de l'époque, sauf un, étaient contre, ainsi que les chefs du
Mossad (le renseignement extérieur) et de l'armée. Ils pensaient que "le monde ne
laisserait pas faire" Israël, et qu'un tel programme nucléaire assécherait les
finances de l'Etat. Finalement, celui-ci a été lancé grâce à une souscription
financière. "Au bout du
compte, je crois que nous avons recueilli 100 millions de dollars pour
construire les réacteurs, ce qui doit correspondre à plus de 1 milliard de
dollars d'aujourd'hui", indique Shimon Pérès. Le président israélien explique que, à
l'époque, il en était arrivé à la conclusion qu'Israël devait se lancer dans
le nucléaire, parce que "cela pouvait être la seule compensation à la petite
taille" du pays. "Ma conclusion, indique-t-il, était que nous ne
pouvions pas changer la volonté d'attaquer, mais que nous pouvions changer la
capacité d'attaquer. En d'autres termes, nous pouvions créer ce qu'on appelle
la “dissuasion”." "Nous devions
créer cette dissuasion que les autres n'avaient pas", ajoute-t-il. Sans jamais parler d'"arme
nucléaire", Shimon Pérès
précise qu'il a été décidé de construire le réacteur de Sorek dans la
transparence, alors que celui de Dimona a été construit secrètement. Le président israélien répond enfin à la
question de savoir ce qu'est exactement l'option nucléaire : "C'est le fait
que la plupart de nos voisins, qui veulent nous détruire, croient qu'Israël a
la capacité de les détruire. Leur doute est notre force." Selon l'organisme réputé Arms Control
Association, Israël disposerait aujourd'hui d'un arsenal nucléaire compris
entre 75 et 200 armes. Celles-ci, selon plusieurs experts, pourraient être
utilisées avec trois vecteurs différents : les missiles balistiques
israéliens Jéricho; des avions de combat à capacité nucléaire F16 et F15;
enfin, des missiles tirés par les trois sous-marins de la classe Dolphin (de
fabrication allemande) dont dispose l'Etat juif. Laurent Zecchini |